Un rapport d’audit est une preuve recevable
Une salariée licenciée au vu d’un rapport d’audit réalisé dans son service par un cabinet d’expertise comptable « faisant apparaître que la salariée outrepassait largement ses fonctions de responsable » a contesté son licenciement. La salariée fait valoir que son employeur ne l’avait pas informée préalablement de la réalisation de l’audit dans l’entreprise contrairement aux dispositions de l’article L1222-4 du code du travail.
Les juges ont considéré qu’un rapport d’audit ne peut être assimilé à un dispositif de surveillance tels que la vidéosurveillance, la géolocalisation, des logiciels espions, … et qu’en revanche il était une manifestation du pouvoir de direction de l’employeur. En effet l’audit n’avait pas pour objet d’avoir une information sur le fonctionnement de l’entreprise, mais bien de « permettre à l’employeur de mieux appréhender les fonctions de la salariée et vérifier que celle-ci n’exerce pas un pouvoir qui excède ce que sa fonction lui permet ».
Cass. soc., 26 janvier 2016, n°14-19002
Vidéosurveillance non déclarée : un syndicat peut agir en justice
A l’appui d’un procès en diffamation contre plusieurs salariés de l’entreprise, l’employeur a produit un enregistrement d’images issues du système de surveillance vidéo de l’établissement montrant des salariés en train de distribuer des tracts syndicaux. Or comme le système de vidéosurveillance n’avait pas fait l’objet d’une déclaration auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), l’union départementale du syndicat a assigné l’employeur en correctionnelle,
en demandant également réparation du préjudice subi. La cour d’appel comme la cour de cassation ont reconnu que le syndicat « avait bien intérêt à agir à l’encontre de la société pour obtenir réparation du préjudice éventuellement subi par la partie civile du fait du délit d’omission de déclaration auprès de la CNIL ».
Au-delà du syndicat défendant les seuls intérêts des salariés de l’entreprise, les juges ont considéré que l’action d’une UD de syndicats professionnels était recevable car l’omission de l’employeur était « alors susceptible de favoriser les atteintes à l’intimité des salariés ou les atteintes à l’exercice du droit syndical ».
Pour la cour de cassation « le fait qu’une infraction ait porté atteinte aux droits d’un nombre limité de salariés dans une entreprise ne fait aucunement obstacle à ce que soit appréciée la possibilité, puis la réalité du préjudice découlant de cette infraction pour l’intérêt collectif représenté par un syndicat. » L’entreprise a été condamnée à verser 10 000 € au syndicat.
Cass.,crim, 9 février 2016, n°14-87753
L’employeur n’a pas accès à la messagerie personnelle d’un-e salarié-e
La cour de cassation a confirmé qu’un courriel tiré de la messagerie personnelle d’un-e salarié-e ne peut être utilisé par l’employeur au nom de la protection de la correspondance privée. Pour arrêter leur position les juges se sont appuyés sur les faits suivants : les messages litigieux présentés par l’employeur « provenaient de la messagerie personnelle de la salariée distincte de la messagerie professionnelle dont celle-ci
disposait pour les besoins de son activité ».
En revanche dans le cas où un salarié enregistre sur son ordinateur professionnel une pièce jointe à un courriel reçu sur sa messagerie personnelle, ce document est présumé professionnel (arrêt de la cour de cassation du 19 juin 2013 n° 12-12138).
Cass., soc., 26 janvier 2016, n°14-15360
L’employeur peut surveiller les communications internet de ses salariés
C’est la décision que vient de rendre la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Dans cette affaire un salarié avait à la demande de son employeur ouvert un compte de messagerie pour répondre aux demandes des clients. Durant une semaine l’employeur avait surveillé les échanges depuis ce compte et constaté que le salarié avait utilisé cette messagerie pour échanger avec des membres de sa famille, en dépit du règlement intérieur qui interdisait ces pratiques. L’employeur avait engagé une procédure de licenciement disciplinaire à l’encontre du salarié.
Le salarié a contesté ce licenciement au motif que l’employeur avait violé son droit à la correspondance. N’ayant pas obtenu gain de cause auprès des tribunaux roumains, le salarié a saisi la CEDH soutenant que le courrier électronique était protégé par l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance) de la Convention Européenne des droits de l’Homme.
Sa demande a été rejetée par la CEDH pour les motifs suivants:
- il n’est « pas abusif qu’un employeur souhaite vérifier que ses employés accomplissent leurs tâches professionnelles pendant les heures de travail».
- « l’employeur a accédé au compte de l’intéressé en pensant qu’il contenait des communications de celui-ci avec ses clients ».
- Enfin l’employeur s’était limité à établir un relevé des communications extraprofessionnelles, sans jamais révéler le contenu des échanges ni l’identité des destinataires.
Dès lors, la Cour a conclu «que les juridictions internes ont ménagé un juste équilibre entre le droit du requérant au respect de sa vie privée et de sa correspondance en vertu de l’article 8 et les intérêts de son employeur» et qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention européenne.
Arrêt CEDH du 12 janvier 2016, n° 61496/08
Un dispositif de géolocalisation peut justifier le recours à une expertise
La présentation au CHSCT du projet de l’entreprise d’installer des boîtiers électroniques dans les véhicules d’intervention des techniciens, a conduit le comité à voter une expertise jugeant qu’il s’agissait d’un projet important. La direction a contesté le recours à l’expertise en faisant valoir
que le projet n’était pas important au sens de l’article L 4614-12 qu’il était simplement « un dispositif technique exclusivement destiné à améliorer la maintenance des véhicules de l’entreprise, n’entraînant aucune modification des postes de travail et des conditions de travail ».
Mais les représentants du CHSCT se sont appuyés sur les déclarations des représentants de la direction qui ont admis lors de la réunion du comité central de l’unité (et ces éléments figuraient bien dans le PV de la réunion)que « la fonction de géolocalisation pourrait de façon exceptionnelle et ponctuelle être mise en œuvre en cas de vol du véhicule pour permettre de le retrouver », et que « ce dispositif permettrait potentiellement à la société de localiser les véhicules à tout moment ». Ces pièces ont été déterminantes pour les juges de la cour d’appel et de
la cour de cassation qui ont alors considéré qu’il s’agissait bien d’un projet important de nature à affecter les conditions de travail des salariés concernés.