À l’occasion des deux mois de l’incendie de Lubrizol, le collectif Lubrizol organisait sa 6ème manifestation de protestation, qui partait du centre-ville de Rouen, pour se terminer symboliquement devant le lieu du sinistre : l’usine chimique Lubrizol. Sinistre ayant eu lieu dans la nuit du dans la nuit du 25 au 26 septembre, durant laquelle des milliers d’habitant de l’agglomération rouennaise auront été réveillés par des odeurs d’hydrocarbures et des bruits d’explosions. Nombre d’entre eux ont été incommodés : maux de têtes, nausées, difficultés respiratoires… La faute à un gigantesque panache de fumée noire qui survolera une partie de la rive droite et qui partira vers le nord.
Ici comme aux environs de Notre-Dame, Lubrizol et les pouvoirs publics se sont efforcé à rassurer les populations et ont tenté de minimiser les conséquences de cette catastrophe sur l’environnement et sur notre santé.
La communication officielle est aussi sombre et opaque que le nuage qui aura survolé la ville. C’est le message préfectoral « pas de toxicité aiguë » repris fort à propos par la Une d’un journal « toxique mais pas trop ».
Au fur et à mesure, les résultats des différents analyses réalisées depuis le 26 septembre semblent affirmer que l’incendie des 10 000 tonnes d’hydrocarbures et de la toiture, n’a eu aucune conséquence sanitaire, comme s’il ne s’était rien passé cette nuit-là. Les seules preuves du sinistre restent les abords immédiats de l’usine et l’un bassin sur la Seine recouverts de nappe d’hydrocarbures.
Cela a commencé avec les mesures de polluants atmosphériques normales, ou presque, puis les concentrations rassurantes et partielles en fibre d’amiante.
Récemment, une campagne de prélèvements de sols dans de nombreuses communes sous le panache de fumée n’a pas mis en évidence de pollution des sols spécifique à l’incendie quels que soient les polluants recherchés. Sur un polluant, les teneurs élevées sont considérées comme quasi normales, et selon les termes du rapport « néanmoins inférieure au bruit de fond national pour des zones urbanisées sous influence industrielle ».
Tout cela dédouane en partie les entreprises Lubrizol et Normandie Logisitique de leur responsabilité. Il n’en reste pas moins qu’à de nombreux endroits, des suies et goudrons se sont déposés et que de nombreux particuliers ont retrouvé des fibres d’amiante dans leur jardin.
Deux mois plus tard, la vie semble reprendre son cours, la dépollution du site se poursuit, des odeurs d’hydrocarbures fugitives rappellent aux rouennais la présence de cette pollution résiduelle.
Le collectif Lubrizol, à l’origine de la manifestation anniversaire, rassemble des organisations syndicales, des associations et des partis politiques.
L’un des objectifs du collectif est de mettre en évidence les conséquences des pollutions en terme sanitaire et environnementale, et d’imposer aux autorités une communication transparente et objectives. Les actions du collectif en lien avec d’autre associations ont porté sur des interventions dans des réunions institutionnelles, l’organisation de manifestation ou de réunion publique.
Le 17 octobre, une réunion publique à son initiative a rassemblé 800 personnes, et permis à de nombreux riverains, de travailleurs et des paysans de pouvoir s’exprimer sur les conséquences du 26 septembre sur leur vie, leurs conditions de travail et leurs activités.
Au-delà des manifestations, c’est aussi permettre de communiquer sur ce que de nombreux travailleurs ont subi pendant les jours qui ont suivi l’incendie. Par exemple, l’obligation qui a été faite à de nombreux chauffeurs de bus de passer dans le nuage toxique pour assurer la continuité de transport, les pressions exercées sur les enseignants pour ne pas exercer leur droit de retrait, ou bien encore l’obligation à être présent pour des salariés d’une zone commerciale sous le panache.
Dans de nombreux cas, l’exercice du droit de retrait au lieu d’être reconnu en considération de la situation, a été déconseillé, voire découragé. L’ironie de la situation est que l’imminence du danger ne peut pas être nié, mais la santé et la sécurité des travailleurs-euses passent une fois de plus après les intérêts économiques !
Les autres objectifs du collectif sont la mise en place d’un groupe de travail sur le suivi sanitaire et des communications sur les actions juridiques en cours. Enfin, même si l’issue semble loin d’être acquise, l’objectif ultime du collectif est d’imposer le principe du pollueur = payeur.
À ce jour, les entreprises Lubrizol et Normandie Logistique se rejettent la responsabilité de l’origine du sinistre. Derrière, en filigrane, c’est bien le problème des assouplissements législatifs sur les installations, classées ou non, qui sont en tout ou partie responsables.