Organisées par le Centre Pierre Naville (laboratoire de recherche en sociologie du travail), ces deux journées d’étude s’étaient donné pour tâche d’interroger la manière dont les organisations syndicales s’approprient les questions de santé au travail. Que ce soit sur le plan de la « négociation collective, des luttes institutionnelles ou de l’action collective », il s’agissait de faire le point sur les différentes stratégies syndicales en la matière, et cela au moment où les constats alarmistes sur la santé des travailleurs se multiplient.
Six tables rondes-ateliers étaient au programme, consacrés à des questions qui rejoignent bien souvent nos propres préoccupations : dans quelle mesure le CHSCT peut-il constituer un « lieu privilégié pour améliorer les conditions de travail ? » (atelier 2) ; ou encore, en lien avec idée que nous défendons selon laquelle « le véritable expert du travail est le travailleur lui-même », l’atelier 3 posait la question des rapports entre les « savoirs militants » et les « savoirs experts » ; l’atelier 6 se penchait quant à lui sur les enseignements que l’on peut tirer des « recherches-actions », notamment celles menées sur l’intensification du travail ? ; le thème de l’atelier 4 : « Quels accords collectifs et quelles luttes collectives pour la santé au travail ? », avait en partie été amorcé la veille par la première table ronde consacrée à la « nouvelle donne pour les organisations syndicales » ; enfin, en écho à l’initiative du Collectif pour la santé des travailleuses et des travailleurs, l’atelier 5 « Comment (re)politiser les débats sur la santé au travail ? » prenait un relief particulier.
Mais un autre point (ô combien crucial en ces temps de remise en cause politique des IRP) nous paraît devoir être noté. Partant du principe que les syndicalistes pouvaient eux-mêmes contribuer à la connaissance de « l’objet » de ces « journées d’étude », les organisateurs prirent le parti de leur donner largement la parole. C’est ainsi que Sabine Fortino et Annie Thébaud-Mony (sociologues), se trouvèrent réunis autour de la même table qu’Eric Beynel et Christophe Godart (de l’UGFF-CGT) pour parler des accords et des luttes collectives pour la santé au travail. Ou encore que Jean-François Naton (responsable CGT du secteur Travail/Santé) participa à la question de la (re)politisation des débats sur la santé au travail (table ronde 5). Mais l’écoute et les échanges entre chercheurs et syndicalistes ne se limitèrent pas à la tribune. Plusieurs syndicalistes présents dans la salle (CGT, SUD, CFDT,…) prirent la parole après les exposés des intervenants. Au moment où les attaques patronales et gouvernementales (loi Macron et loi de « simplification du dialogue social ») compromettent gravement les savoirs accumulés depuis plusieurs dizaines sur le travail et ses conséquences sur la santé, il nous a semblé que cet enrichissement mutuel entre chercheurs et syndicalistes était de bon augure. Il est urgent que « le savoir » sur le travail se désenclave. Les transformations sociales, politiques et juridiques inquiétantes auxquelles nous assistons en ce moment, obligent à sortir des tours d’ivoires scientifiques, mais aussi syndicales et juridiques. Le ton donné lors de ce colloque allait bien dans ce sens…