Les éléments apportés par le CHSCT sont déterminants
Le CHSCT d’un hôpital avait voté une expertise pour risque grave dans les termes suivants : « Depuis plusieurs mois le stress et la souffrance au travail dans notre établissement sont évoqués régulièrement lors des réunions du CHSCT mais aussi du comité d’entreprise et des délégués du personnel. Des membres du CHSCT ont, au cours de leurs différentes enquêtes menées dans le cadre de leurs prérogatives définies à l’article L. 4612-1 du code du travail, relevé un certain nombre d’indicateurs laissant percevoir l’émergence d’un risque grave, à savoir d’une souffrance au travail et les risques psychosociaux associés ». La résolution poursuivait dans l’énonciation d’un certain nombre de faits constatés par les membres du CHSCT.
L’employeur a fait valoir que la demande d’expertise du CHSCT ne reposait sur aucun fait précis mais sur de simples allégations, le CHSCT se bornant à énumérer un certain nombre de faits généraux et l’existence d’« indicateurs laissant percevoir l’émergence d’un risque grave ».
Les juges de la cour d’appel et de la cour de cassation ont quant à eux considéré que les signalements et témoignages recueillis apportaient la preuve d’un risque grave :
– attitude de menace et de harcèlement psychologique de l’encadrement, climat de stress, d’intimidation et de peur, un mal-être et une souffrance au travail, pression quasi-permanente dommageable pour la prise en charge des patients, signes d’alerte de « burn out » ;
– signalement au CHSCT par le médecin du travail d’une augmentation du nombre d’arrêts de travail et de visites médicales semblant liées à des situations de stress ou de mal–être ;
– aucune suite donnée par la direction de l’hôpital « à son engagement d’étudier l’éventuelle corrélation entre cette augmentation et le rythme de travail » ;
– signalement d’un absentéisme important au sein de la direction des soins infirmiers par une responsable devant le comité d’entreprise ;
– le rapport de l’expert-comptable au CE et les données fournies au CHSCT signalaient une augmentation de la charge de travail et des accidents du travail d’environ 40 % par rapport à l’année 2014.
La cour de cassation en a conclu que le risque grave était réel et identifié et que l’expertise était totalement justifiée.
Cette affaire comme d’autres illustre le fait que l’expertise pour risque grave – auquel pourra continuer à faire appel le comité social et économique (CSE) et qui sera prise en charge intégralement par l’employeur contrairement à l’expertise projet important – nécessite d’être solidement étayée et argumentée. Il revient aux équipes syndicales de prendre le temps de faire des écrits, de faire des enquêtes de terrain avec les salarié-es, d’analyser certains indicateurs comme l’absentéisme, de travailler avec les services de santé au travail pour mettre en évidence la dégradation des conditions de travail et décider d’une expertise au cas particulier.
Cass. soc., 24 janvier 2018, n° 16-21517
Le CHSCT n’a pas à déterminer la cause ou l’origine du risque grave
Dans cette affaire, un CHSCT a voté le recours à une expertise pour risque grave en s’appuyant sur la survenue de 7 accidents du travail au cours des mois précédents, de 13 autres accidents l’année précédente et notamment des collisions de trains ainsi que de plusieurs droits d’alerte pour danger grave et imminent. La mission qu’entendait confiée le CHSCT à l’expert avait pour objet « de procéder à une analyse détaillée des causes de la situation ayant entraîné des accidents du travail pour aider le comité à formuler des propositions d’amélioration des conditions de travail ».
L’employeur a contesté l’expertise aux motifs que le CHSCT n’identifiait aucun dysfonctionnement de l’entreprise en lien avec les accidents et qu’il n’apportait pas la preuve de « l’existence d’un péril actuel, objectivement et concrètement constaté par un ensemble de facteurs pouvant nuire à la santé physique ou morale des salariés ». La cour d’appel lui a donné raison estimant que le CHSCT invoque des cas précis d’accidents survenus sans les corréler à un dysfonctionnement récurrent au sein de l’entreprise.
La Cour de cassation a rejeté cette analyse considérant qu’il n’appartenait pas au CHSCT de déterminer la cause ou l’origine des accidents dont il faisait état à l’appui de sa demande d’expertise pour risque grave.
Cette solution est transposable au Comité Social et Économique (CSE).
Cass. Soc., 9 Mai. 2018, n° 17-10852