Attention lors de la rédaction de vos entretiens d’évaluation avec un représentant du personnel (RP) ! La mention de l’exercice d’un mandat de représentant du personnel est discriminatoire, même en l’absence d’inégalité de traitement.
Les faits
Trois salariés d’une même entreprise, investis dans des mandats de représentants du personnel depuis de nombreuses années, conduisent leur employeur devant le conseil de prud’hommes, en raison de discrimination syndicale affectant le déroulement de leur carrière.
Sont en cause les fiches d’évaluation de ces trois salariés qui indiquaient : « une disponibilité réduite du fait [des] fonctions syndicales », « l’absence de l’agence à raison de 50 % découlant [des] mandats rendait difficile l’exercice d’un poste de commercial » ou que le salarié « ne pouvait exercer certaines activités […] en raison du temps partiel résultant de l’exercice de ses nombreux mandats ».
Ce qu’en pensent les juges
Pour ces trois salariés, la cour d’appel retient que cette inscription n’est pas une discrimination, mais un simple constat objectif, ne remettant pas en cause les qualités professionnelles du salarié, également inscrites dans le document d’évaluation.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis. Selon elle, la simple mention de l’exercice d’un mandat dans ce document est discriminatoire.
Le Code du travail interdit à tout employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment :
– de recrutement,
– de conduite et de répartition du travail,
– de formation professionnelle ;
– d’avancement,
– de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux,
– de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.
La Cour ne se réfère même à l’existence d’un retard dans l’avancement du salarié, ou d’un écart de salaire constaté. La mention de l’indisponibilité en raison de l’exercice du mandat laisse supposer que l’exercice du mandat est pris en compte et affecte le déroulement de carrière du salarié.
Ce qu’il faut retenir
Employeur de salariés élus ou mandatés, il ne faut donc jamais faire référence au mandat du salarié !
La jurisprudence tend à faire comme si le salarié n’exerçait aucun mandat. On retrouve d’ailleurs ce principe pour le calcul des primes variables : l’exercice du mandat ne doit avoir aucune incidence sur le calcul de la rémunération. Le montant de la prime doit être identique à celle des autres salariés. Idem pour le traitement des heures de délégation : aucune mention du bulletin de paie ne doit permettre d’établir l’existence des heures de délégation dont bénéficient les salariés protégés.
Cette décision est un durcissement de la jurisprudence en la matière.
Si auparavant, un comparatif était nécessaire entre les évolutions de salaire et/ ou de carrière entre salariés mandatés et non-mandatés pour révéler une inégalité de traitement, aujourd’hui la mention du mandat sur une fiche d’évaluation est discriminatoire, alors même que la différence de traitement n’est pas établie.
– Cassation, sociale, 11 janvier 2012, n° 10-16655, n° 10-16556, n° 10-16557
– Cassation sociale, 18 février 2004, n° 344 (le bulletin de salaire ne peut comporter aucune mention relative au mandat de représentation du salarié)
– Cassation, sociale, 6 juillet 2010 n° 09-41354 (l’employeur ne doit pas tenir compte des heures de délégation pour le paiement des primes)