Il y a quelques jours nous avons reçu un article relatant la situation des accidents du travail et des maladies professionnelles en Normandie. Ces chiffres nous semblent assez éclairants pour être partagés…
En 2015, on a compté en Normandie 32 162 accidents du travail (633 230 en France), soit 140 par jour, dont 2 217 avec incapacité permanente (10 par jour) et 25 décès. Le nombre d’accidents de trajet avec arrêt s’élève, quant à lui, à 3 691 (16 par jour et 10 décès) la même année (86 229 en France). Il s’agit de chiffres tirés d’une étude de la Carsat, représentant l’assurance maladie risques professionnels, qui a été menée auprès de 100 000 établissements normands comptabilisant 860 000 salariés.
Ces chiffres déjà inquiétants sont à mettre en relation avec ceux des années précédentes qui montrent une hausse régulière depuis trois ans avec un taux de fréquence des accidents avec arrêt en hausse de 1,9 % d’une part et d’autre part une progression de leur gravité depuis 3 ans. Sans surprise, malheureusement c’est davantage dans l’industrie, dans la filière de la chimie, du bois, papier, carton, textile, vêtement, pierres, ameublement et commerce non alimentaire que les salarié-es se blessent. Dans le BTP (Bâtiment et travaux publics), le nombre diminue mais l’indice de gravité le plus élevé avec, toujours, des chutes de hauteur.
Pour les maladies professionnelles, la Carsat en a compté en 2015 en Normandie 3 446, soit quatre maladies pour 1 000 salariés, pour les trois-quarts il s’agit de troubles musculo-squelettiques. Avec ceux-ci l’amiante fait toujours des ravages ainsi que les risques psycho-sociaux qui sont de plus en plus fréquents. Et pourtant…
Malgré cette réalité, qui plus est largement sous-évaluée car partout les entreprises font pression sur leurs salarié-es pour qu’elles et ils ne déclarent pas leurs accidents du travail et le système de reconnaissance des maladies professionnelles est tellement complexe que beaucoup renoncent, le premier projet du gouvernement d’Edouard Philippe, ex maire d’une grande ville de Normandie, Le Havre, est de s’attaquer au code du travail.
Ces attaques sont la suite logique et l’aggravation des différentes lois adoptées sous le quinquennat d’Hollande, loi Macron (déjà lui), loi Rebsamen et loi El Khomri. Là encore, on va s’attaquer aux outils de protection de la santé et des conditions de travail des salarié-es. Le gouvernement veut par exemple satisfaire cette vieille exigence du Medef de supprimer le CHSCT. Il n’a jamais accepté qu’une instance puisse émettre des avis sur les organisations du travail et puisse mettre en lumière leurs conséquences en matière de santé des travailleuses et des travailleurs. Chacune et chacun sait à quel point il est compliqué d’arbitrer dans les organisations syndicales et pour les salarié-es entre les questions d’emplois, de salaires et de santé au travail. L’histoire du mouvement ouvrier est là pour nous le rappeler et des tragédies sociales comme celle de l’amiante doivent à chaque instant être en filigrane dans nos actions syndicales. La mise en autonomie des enjeux économiques dans les instances avec la création du CHSCT est un des points qui a permis dans les dernières années l’irruption dans le débat social des questions du travail. Au lieu de le faire disparaître c’est bien l’enjeu de renforcer sa place et son rôle qui devrait être au coeur d’une réelle politique de progrès social.
Parce que c’est l’action collective qui est à l’origine des avancées sociales en matière de santé au travail… Que l’on repense à la lutte des ouvriers des manufactures d’allumettes pour la suppression du phosphore à l’origine de la nécrose de la mâchoire, à la mobilisation des ouvriers de papiers de couleurs et de fantaisie pour l’arrêt de l’emploi de l’arsenic, à celle des mineurs pour la reconnaissance de la silicose, à celle des peintres en bâtiment pour que cesse l’usage du plomb, à celle des cimentiers de la Seine pour faire reconnaître la gale du ciment comme maladie professionnelle, à la longue lutte collective pour l’interdiction de l’amiante, et l’on pourrait citer bien d’autres affrontements pour barrer la route à ces innombrables poisons industriels et faire reconnaître les maladies professionnelles qu’ils provoquent.
Sans oublier les actions collectives qui ont contribué à la promulgation de lois protectrices des plus jeunes, à l’instauration de la journée de 8h, à la mise en place des droits d’expression collective, d’alerte, de retrait, à l’inscription dans le code du travail de l’obligation pour l’employeur de combattre les risques à la source, d’adapter le travail à l’homme, d’assurer la sécurité des travailleur-se-s, et de protéger leur santé physique et mentale…
Il est l’heure pour le mouvement syndical non seulement de mieux organiser notre résistance mais surtout de reprendre l’offensive sur nos revendications. Solidaires y prendra toute sa place !