Plus les débats sur le projet de réforme des retraites avancent et plus la question de la pénibilité au travail devient centrale.
L’introduction d’un âge pivot ou d’équilibre poursuit le processus engagé depuis 1993, de prolonger le temps de l’activité professionnelle. Or devoir travailler toujours plus longtemps est devenu insupportable à de très nombreuses et nombreux salarié·es tant ces dernières années leurs conditions de travail se sont détériorées. Les questions que beaucoup se posent : dans quel état vais-je arriver à la retraite, est-ce que je vais pouvoir continuer à exercer mon métier jusqu’au bout ?
Effectivement dans de très nombreux secteurs d’activité, les expositions à des tâches pénibles et/ou à des nuisances sont le lot commun et quotidien d’un grand nombre de salarié·es : gestes répétitifs, port de charges lourdes, horaires décalés et de nuit, station debout prolongée, exposition au bruit, aux intempéries, à des produits toxiques, risques qui parfois se cumulent. Beaucoup de ces métiers sont occupés par des salarié·es peu qualifié·es et mal payé·es, où de surcroît la pénibilité du travail féminin est rendue invisible tant la pénibilité est identifiée aux métiers masculins.
Par ailleurs, s’il existe un consensus sur les carrières longues et les métiers à fortes contraintes physiques, mais très insuffisamment prises en compte (par exemple, les déménageurs ne sont pas considérés comme effectuant un métier pénible !), il faudrait également reconnaître que d’autres activités et métiers sont épuisants socialement et psychologiquement, tant les pressions (internes ou externes) exercées sont fortes : charge de travail à la hausse, réduction des moyens, exigences de productivité et de rendement des employeurs (privés et publics), exigences et violences des usagers et du public, plus de frontière entre vie personnelle et activité professionnelle…
Un travail qui expose à des nuisances, des risques, des pressions, use les organismes et les corps, fatigue physiquement et psychologiquement, provoque des problèmes de santé, des pathologies durables pouvant conduire à l’exclusion de l’emploi bien avant 64 ans et à réduire l’espérance de vie.
À juste titre la réforme par point suscite beaucoup d’inquiétudes : au-delà de la baisse programmée du montant des pensions, il y a la crainte de ne pas pouvoir profiter pleinement de sa retraite au moment de sa cessation d’activité.
En évacuant les réalités du travail, dont la pénibilité physique et psychologique qui caractérise beaucoup de métiers, la réforme du gouvernement ne peut être ni équitable, ni universelle, ni juste.
Alors que faut-il faire ? La réponse est connue : il faut réduire et prévenir tout au long de la vie professionnelle les risques liés au travail. Or depuis ces cinq dernières années les gouvernements ont pris des décisions qui ont conduit à revoir à la baisse les obligations des employeurs en matière de droit du travail, à supprimer le CHSCT seule instance compétente pour débattre de la santé et de la sécurité des salarié·es, à limiter les critères de pénibilité, à réduire les moyens de l’inspection du travail et des services de santé au travail.
Certes, la question de l’évaluation de la pénibilité n’est pas chose facile, chaque métier n’engendre pas le même degré de pénibilité qui n’est pas seulement physique, mais aussi psychique. Toutefois, le refus d’utiliser le mot de pénibilité ne fait pas disparaitre la réalité de très nombreuses activités de travail. La question de la pénibilité renvoie à des conditions de travail difficiles, voire éprouvantes dont il faut impérativement se saisir. Pour l’Union syndicale Solidaires il y a urgence à faire des conditions de travail une priorité, à contraindre les employeurs à prendre les mesures nécessaires pour améliorer les conditions de travail de leurs salarié·es et réduire les risques au travail.