Le TASS de Saint-Brieuc reconnaît la faute inexcusable de l’employeur de deux salariés de l’industrie agro-alimentaire victimes de pesticides

2016-11-06_213632Dans deux jugements du 11 septembre 2014, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale (TASS) de Saint-Brieuc a reconnu la faute inexcusable de la société NNA, anciennement UCA, suite à l’intoxication de deux de ses salariés aux pesticides.

industrieCette entreprise est spécialisée dans la fabrication de nourriture animale et achète les céréales à une société du même groupe et située sur le même site, qui a privilégié à partir de 2008 la conservation des céréales par traitement aux organophosphorés (pesticides), plutôt que par ventilation.

Le travail des deux salariés consistait à réceptionner les céréales.

Ils ont été victimes d’un premier accident en avril 2009, lors du déchargement de céréales traitées avec un produit phyto-sanitaire interdit d’utilisation depuis plus de deux ans.

Ils ont été victimes d’un second accident du travail, en 2010, alors qu’ils déchargeaient des céréales qui avaient été traitées avec des pesticides surdosés.

Ils ont ressenti des brulures au visage et du cuir chevelu et des problèmes de respiration et ont développé un syndrome d’intolérance aux produits chimiques, qui les empêche dorénavant d’avoir une vie normale puisqu’ils ne doivent plus être exposés à des produits chimiques.

Le tribunal retient la faute inexcusable de l’employeur en se fondant notamment sur un rapport de l’inspecteur du travail qui relève une méconnaissance par l’employeur de ses obligations relative à l’utilisation des équipements de protection individuelle et au défaut d’information et de formation des salariés.

Il note également que l’employeur ne pouvait qu’avoir conscience du danger auquel il exposait ses salariés compte tenu de la survenance d’un précédent accident en 2009 et de nombreuses intoxications entre 2009 et 2010.

Ces jugements sont importants à plus d’un titre. Tout d’abord, c’est la première fois qu’une société appartenant à un groupe de l’industrie agro-alimentaire est condamnée pour avoir exposé ses salariés à des pesticides. C’est d’autant plus appréciable que ledit groupe avait procédé dans cette période à de nombreuses restructurations.

Ensuite, c’est la première fois que la faute inexcusable de l’employeur est reconnue pour des personnes atteintes d’hypersensibilité aux produits chimiques,.

Ces jugements ouvrent donc des perspectives à tous les salariés agricoles ou de l’industrie agro-alimentaire qui sont exposés à des pesticides et qui contractent des maladies de ce type.

L’employeur dispose d’un délai d’un mois pour faire appel, le cas échéant, de ces décisions. Dans le cas contraire, le Tribunal pourra fixer l’indemnisation des préjudices subis par les deux salariés, après expertise.

Par ailleurs, le combat judiciaire de ces salariés n’est pas terminé, loin s’en faut.

Leur pathologie les rendant inaptes à tout poste de travail, ils ont fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude qui est actuellement contesté devant le Conseil de prud’hommes de Lorient.

Parallèlement à ces deux procédures (Faute inexcusable et prud’hommes), les deux salariés ont déposé plainte en 2010 contre leur employeur ; cette plainte a fait l’objet d’un premier classement sans suite mais a été réouverte et transmise au parquet de Saint-Brieuc qui procède toujours à l’enquête préliminaire.

Enfin, précisons que d’autres salariés ont été intoxiqués aux pesticides au cours des dernières années et l’un d’entre eux, intoxiqué en 2014, s’est suicidé sur les lieux du travail le 21 mars 2014.

indexFrançois LAFFORGUE

Avocat.