Figure majeure de la littérature prolétarienne japonaise, Takiji décrit la vie des pêcheurs de crabes. Un témoignage saisissant.
Bienvenue à bord du Hakkô-maru. Mais mieux vaut ne tromper personne : ici, vous n’aurez ni cabines privatives ni salons, ni restaurants ni piscines. Et il vous faudra vous contenter d’un décor spartiate : un pont, sur lequel des hommes, qu’il vente ou qu’il neige, mettent du crabe en conserve, et, à l’intérieur, ce que ces mêmes hommes appellent poétiquement « le merdier « , un espace qui pue les légumes fermentés et la chair humaine. Pas la peine non plus d’imaginer des escales de rêve ou des criques magnifiques.
Le Bateau-usine nous plonge en pleine mer d’Okhotsk, dans le Pacifique, zone de tensions entre l’Union soviétique et le Japon. Nous embarquons à bord d’un bateau de pêche, où le crabe, produit de luxe destiné à l’exportation, est conditionné en boîtes de conserve. Marins et ouvriers travaillent dans des conditions inhumaines et subissent la maltraitance du représentant de l’entreprise à la tête de l’usine. Un sentiment de révolte gronde. Un premier élan de contestation échoue, les meneurs sont arrêtés par l’armée. Mais un nouveau soulèvement se prépare.
Allégorie du fonctionnement du capitalisme, ce bateau-usine permet à l’auteur de dénoncer la collusion d’intérêts entre l’État, l’industrie et l’armée, dans une zone géographique extrêmement sensible. En même temps qu’il déplie les enjeux de l’impérialisme et de la colonisation, l’auteur élève le collectif en force vive d’opposition. Seul le groupe peut mener le combat à la victoire.
Traduit du japonais par Evelyne Lesigne-Audoly
Éditions Allia, 176 pages, 8,5 €