À l’instar de l’amiante, le cadmium est un scandale sanitaire sans précédent. Le 10 novembre, le groupe SAFT et un certain nombre de ses dirigeants comparaîtront devant le Tribunal correctionnel d’Angoulême pour répondre du délit de mise en danger de la vie d’autrui. Or autrui, ce sont ses salariés qu’elle a exposés au cadmium durant des décennies pour accroître ses profits.
Le cadmium est une substance cancérigène à l’origine de lésions irréversibles sur le foie, les poumons et les reins. Une fois ingérée ou inhalée, cette substance se fixe et s’accumule dans l’organisme sans pouvoir s’éliminer et peut engendrer des pathologies lourdes de type cancer broncho-pulmonaire, lesquelles peuvent apparaitre à l’échelle de 10, 20 ou 30 ans.
Les pouvoirs publics ont pris des mesures drastiques pour interdire le cadmium ou limiter son utilisation à des cas très restreints. Ainsi, le Code du travail interdit à l’employeur de recruter des salariés en contrat précaire pour l’exécution de travaux impliquant toute manipulation de cadmium et la sécurité sociale reconnaît l’origine professionnelle du cancer broncho-pulmonaire contracté au contact du cadmium, (tableau T 61 et T 61 bis).
Le groupe SAFT SAS, dont le chiffre d’affaires s’élève à 263 millions d’euros, exerce l’activité de concepteur et constructeur de batteries de hautes technologies. Ses deux établissements de Bordeaux et Nersac produisent des accumulateurs à partir du Cadmium. Pendant de nombreuses années, les organismes des salariés ont accumulé des taux de cadmium à un niveau dangereux pour la santé avec la coopération très active du médecin du travail alors en poste et d’un spécialiste du cadmium mondialement connu : le Professeur Alfred Bernard.
Des seuils maximaux d’exposition au cadmium ont été fixés mais de manière différentielle sur les sites de Nersac et Bordeaux. En effet, sur le site de Bordeaux les seuils maximaux d’exposition au cadmium étaient fixés à 5µg/g (dans le sang et l’urine), alors que sur le site de Nersac, c’était le double, soit 10µg/g (dans le sang et l’urine). Autre facteur pour le moins surprenant, dans un article publié en 1992, dans l’encyclopédie médicale, le professeur Alfred Bernard préconisait des taux maximaux d’exposition à 5µg/g (dans le sang et l’urine).
Au demeurant, pendant de nombreuses années, les salariés de Bordeaux et Nersac étaient soumis à des analyses urinaires et sanguines envoyés par SAFT au laboratoire tenu par Alfred Bernard en Belgique, ce qui permet de supposer qu’il pouvait exister une forme d’expérimentation médicale sur les salariés au regard de la différence des taux sur les deux sites.
Arrivé en 2010 sur le site de Nersac, le nouveau médecin du travail, le Docteur Joseph TUMBA a lui dénoncé ces manquements graves et établit de nouveaux taux maximaux, mais la direction n’a eu de cesse d’exercer sur lui des pressions qu’il a expressément dénoncées.
La direction admettait même à l’époque que, si elle devait appliquer les mêmes taux à Bordeaux et Nersac, elle serait contrainte de fermer l’usine tant les organismes des salariés étaient imprégnés de cadmium.
Consciente de sa responsabilité, le groupe SAFT a cédé une partie du personnel de Nersac intoxiqué au cadmium pour tenter d’éluder sa responsabilité.
Aujourd’hui, deux salariés atteints de cancer se sont vu reconnaître le caractère professionnel de leur maladie ; l’un d’eux est décédé. Dans la société, 90 salariés (sur 532) sont en inaptitude car ils ont des taux de cadmium dans le corps supérieurs à la normale et dangereux pour la santé.
C’est pourquoi le syndicat CGT ainsi qu’un grand nombre de salariés ont décidé de poursuivre la société et certains de ses dirigeants devant le Tribunal correctionnel d’Angoulême en mise en danger de la vie d’autrui.
L’Union Syndicale Solidaires Industrie, membre de l’Union Syndicale Solidaires et récemment implantée sur le site de Nersac, soutient évidemment cette action. Aucun salarié ne doit perdre sa vie à la gagner !