Aujourd’hui, samedi 21 mars, 5e jour de confinement, une soignante en EHPAD répond à nos questions sur les effets du confinement sur son travail et celui de ses collègues, ainsi que sur la vie des personnes qui y sont accueillies.
Quelle est la situation des personnels dans les EHPAD du 93 en ce moment ?
Nous avons demandé des masques depuis plus d’une semaine et de la lotion hydroalcoolique. Pour les masques un camarade raconte que sa direction a dit qu’ils étaient pour les unités où il y aurait des cas avérés de COVID — 19. Pas pour les autres agents, car ils ne peuvent pas en donner à tout le monde sur une longue durée. À Pierrefitte-sur-Seine, il y a même eu un appel à fabriquer des masques a été lancé à la population, sachant que les masques c’est réglementé !
Avez-vous des résident·es malades ? Quelles mesures de prévention sont prises ?
Nous avons des résident·es qui sortent et qui reviennent des urgences (+ des préadmissions), sans avoir été testé·es. La direction a mis en place un protocole pour le retour d’hospitalisation des résident·es : mise en quarantaine des résident·es pendant quatorze jours dans leur chambre, les agent·es doivent respecter les gestes barrières et être muni·es d’un masque de protection. Dans les faits, les résident·es sont lâché·es dans les unités. Impossible de les maintenir dans leurs chambres avec une petite affiche sur leurs portes du protocole et bien sûr sans masques de protection pour les agent·es. Le docteur qui consultait au sein de notre établissement, après plusieurs demandes des syndicats, a fermé son cabinet le lundi à midi. Aujourd’hui il devrait faire des consultations de résident·es sur l’EHPAD. Il faut ajouter à ça la difficulté, pour les résident·es désorienté·es ou atteint·es d’Alzheimer, à comprendre ce qui se passe, pourquoi ils n’ont pas de visites : pour elles et eux aussi c’est difficile à vivre.
Comment est-ce que les directions des établissements communiquent avec les personnels ?
Il n y a pas eu de réunion d’information sur le protocole COVID-19, juste un document affiché dans les postes de soins et unités… Pas de CHSCT. Des agent·es ont subi des remontrances de la direction, car elles ne pouvaient pas venir, puisque leurs enfants étaient malades. Il y a eu des réflexions désagréables.
Les Comités Hygiène, Sécurité et Conditions de Travail (CHSCT) sont les instances dans lesquelles les représentant·es du personnel sont informé·es de ce qui est proposé par les directions en termes de sécurité et de conditions de travail. Ils peuvent s’opposer et imposer d’autres modalités.
On a beaucoup parlé de réquisition des soignant·es. Comment ça se passe chez vous ?
Les agent·es ont reçu une feuille de réquisition (CDD, CDI et fonctionnaires), mais nous avons des agent·es qui sont en vacances à qui on n’a rien demandé. Mais pour le mois d’avril, a été décidée l’annulation des vacances des agent·es (mais des collègues partent en vacances en ce moment). Les cadres et la direction font des roulements de deux à trois jours pour ne pas être malades tous en même temps. Mais évidemment pas les soignant·es. Chez nous la paye de mars a été versée le 18, parce que la direction a préféré anticiper un risque de non-payement des payes par la DGFIP (vu que la plupart de leurs agent·es sont en télétravail). C’est effectivement un aspect sur lequel il nous faut être extrêmement vigilants ; serons-nous bien payé·es en fin de mois comme d’habitude et en avril ? Il ne manquerait plus, en plus de tout, que les agent·es ne perçoivent pas leur salaire (même si on n’aura pas l’occasion de faire trop de dépenses ces prochaines semaines).
Quelles difficultés antérieures au coronavirus avez-vous ? En quoi la situation actuelle les aggrave-t-elle ?
Les droits syndicaux à l’EHPAD sont franchement réduits. Les personnels sont angoissé·es : pas de masque, pas de lunettes, pas de surblouse, gel au compte-goutte… Là comme ailleurs, nous nous coltinons une foule de cadres et d’agents des ressources humaines, bien conditionnés à la « gestionite », qui ont beaucoup de mal à prendre les décisions que la situation exige. D’autant plus que le matériel promis (masques, etc.) ne vient pas. Mais la directrice des ressources humaines a quand même fait le tour des services pour remercier les salarié·es (la méthode Macron). Quelques familles qui ne peuvent plus voir leurs proches, et pour un bon moment, menacent de ne plus payer. Un grand bazar s’installe !
À retrouver sur le site de Solidaires 93