Dans cette affaire une salariée licenciée pour absences répétées avait demandé l’annulation de son licenciement, estimant que ses absences étaient la conséquence d’un harcèlement dont elle était la victime.
La cour d’appel avait estimé que si l’intéressée avait bien produit des documents montrant des agissements répétés de harcèlement moral de la part de son employeur, en revanche elle n’apportait aucun élément permettant de faire le lien entre ses absences et le harcèlement et notamment pas de certificats médicaux. De plus l’employeur avait fait valoir qu’au cours d’un entretien la salariée avait fait état de graves problèmes familiaux pour expliquer ses absences. Au vu de ces éléments la cour d’appel avait jugé que la salariée n’avait pas démontré que ses absences étaient la conséquence du harcèlement moral.
La cour de cassation a invalidé cette décision en s’appuyant sur le code du travail.
Selon les juges, la salariée ayant établi la matérialité de faits précis et concordants (plusieurs comptes rendus de réunions de délégués du personnel, un article de presse, des attestations d’un délégué syndical et d’une collègue), il appartenait alors à l’employeur d’apporter la preuve « que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision (de licenciement) était justifiée par des faits objectifs étrangers à tout harcèlement ». Or la société n’a pas apporté d’éléments permettant de démentir les faits invoqués sur les méthodes et conditions de travail ni aucune explication aux contraintes imposées à l’intéressée contrairement à l’article 1154-1 du code du travail :
« Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. »
La cour de cassation vient ainsi confirmer que si le salarié doit effectivement établir les agissements délétères, on ne lui demande pas pour autant de prouver le lien entre la détérioration de son état de santé et la dégradation de ses conditions de travail.
Cass.soc ; 15 janvier 2014, n°12-20688
Quelques rappels importants autour du harcèlement:
Sa définition est donnée par l’article 1152-1 du code du travail : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel» .
Les preuves à apporter :
- il revient à la victime d’établir les faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement
- il appartient à l’employeur au vu de ces éléments de prouver que ces agissements sont justifiés par des éléments subjectifs c’est-à-dire étrangers à tout harcèlement.
Ensuite le juge forme sa conviction : il doit appréhender tous ces faits dans leur ensemble (et non isolément) et rechercher s’ils permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.
La prévention du harcèlement revient à l’employeur (article 1152-4 du code du travail). Il lui appartient de prendre toute mesure en ce sens du fait de son obligation de sécurité de résultat et d’infliger des sanctions disciplinaires aux salariés qui ont eu de tels agissements.