Le Sénat a définitivement adopté, le 3 avril, la proposition de loi Blandin, du nom de la sénatrice écologiste à son initiative, relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte.
Cette loi met notamment en place une Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement (articles 1 à 7bis), une protection des personnes physiques ou morales lançant une alerte en matière sanitaire et environnementale (article 9), ou encore l’inscription dans le code de la santé publique du principe de non discrimination en cas d’alerte sanitaire et environnementale (article 17).
Si le texte n’a pas créé en définitive un réel statut de lanceurs d’alerte, il organise leur protection, notamment au sein des entreprises et élargit les prérogatives du CHSCT.
Un nouveau droit d’alerte
En plus du droit d’alerte en cas de danger grave et imminent pour la sécurité ou la santé (art. L. 4131-1 et L. 4131-2), les salariés et les membres du CHSCT disposeront d’un droit similaire en matière sanitaire et environnementale. Ce sont les nouveaux articles L.4133-1 à L.4133-5.
L’article L.4133-1 prévoit que tout salarié qui estime, de bonne foi, que les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre par l’établissement font peser un risque grave sur la santé publique ou l’environnement, en alerte immédiatement l’employeur. L’alerte doit être consignée par écrit, dans des conditions qui seront déterminées par décret.
L’article suivant prévoit que cette alerte peut également être déclenchée par un représentant du personnel au CHSCT, qui constate, notamment par l’intermédiaire d’un salarié, l’existence d’un risque grave pour la santé publique ou l’environnement.
L’employeur et le membre du CHSCT examinent alors conjointement la situation. Dans ce cas aussi, l’alerte doit être consignée par écrit. Dans les deux cas, que l’alerte soit déclenchée par un salarié ou un membre du CHSCT, l’employeur doit informer l’intéressé de la suite qu’il réserve à l’alerte.
En cas de divergence avec l’employeur sur le bien-fondé de l’alerte, ou en l’absence de suite donnée dans un délai d’un mois, le salarié ou le représentant du personnel au CHSCT peuvent saisir le préfet. Le CHSCT doit être informé des alertes transmises à l’employeur, de leurs suites et de l’éventuelle saisine du préfet.
Le texte prévoit encore que l’employeur saisi d’une alerte par le salarié ou un représentant du personnel au CHSCT et qui n’y a pas donné suite ou ne l’a pas examinée, perd le bénéfice de la cause d’exonération de responsabilité pour produit défectueux prévue au 4° de l’article 1386-11 du Code civil (l’employeur n’est pas considéré responsable s’il prouve que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut).
Un regret important toutefois : les débats parlementaires ont conduit à réduire la portée de ce droit d’alerte en ne permettant pas de lancer dans la foulée de celui-ci la procédure d’enquête conjointe par l’employeur et le représentant du CHSCT. Le texte ne permet malheureusement pas non plus de lancer des expertises alors même que sur ces sujets se posent souvent des questions scientifiques complexes.
Protection du lanceur d’alerte
Un nouvel article du code de la santé publique (L.1351-1) met en place une protection pour le lanceur d’alerte. Ainsi celui-ci « ne peut être écarté d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation professionnelle» ni « être sanctionné ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de traitement, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat ».
Par contre si le lanceur d’alerte est de mauvaise foi ou a agi avec l’intention de nuire, il encourt les peines sanctionnant la dénonciation calomnieuse, jusqu’à 5 ans de prison et 45 000 € d’amende. Cette « contrepartie » risque fort d’entraîner de nombreux contentieux sur des sujets où les controverses, réelles ou inventées par certains industriels, sont nombreuses.
Le CHSCT réuni en cas de risque sanitaire ou environnemental
Une nouvelle obligation pour l’employeur est instauré « en cas d’événement grave lié à l’activité de l’établissement ayant porté atteinte ou ayant pu porter atteinte à la santé publique ou à l’environnement », il doit réunir le CHSCT. Jusqu’à présent ce n’était qu »à la suite de tout accident ayant entraîné des conséquences graves » (article L4614-10 du code du travail).
De plus, l’entreprise devra informer les travailleurs sur les risques que peuvent faire peser sur la santé publique ou l’environnement les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre par l’établissement ainsi que sur les mesures prises pour y remédier.
Pour Solidaires, cette loi permet certaines avancées mais reste limitée dans les moyens alloués aux CHSCT et fait l’impasse pour toutes les entreprises ne bénéficiant pas de cette instance. Reste à attendre la parution des décrets pour rendre tout cela effectif.