Surcharge de travail, arrêts de travail, épuisement professionnel
Six mois après le rachat d’une autre entreprise, le CHSCT exerce son droit d’alerte concernant la santé de plusieurs salarié·es de l’entreprise et décide de recourir à une expertise agréée pour risque grave sur l’ensemble du périmètre de la société.
L’employeur conteste l’expertise pour plusieurs motifs. Selon lui le risque grave n’est pas identifié, des arrêts de travail et des épuisements professionnels ne constituent pas un risque grave actuel et identifié, qu’il n’est plus actuel, la direction ayant mis en place un plan d’actions, et enfin que l’expertise doit être limitée à l’établissement au sein duquel le risque a été constaté et non à l’ensemble du périmètre du CHSCT.
La cour de cassation en a jugé autrement et fait valoir que :
— le personnel a dû assurer l’intégration du nouveau site avec une défaillance des fonctions support du siège (services réseau, informatique, RH, paye, facturation) ;
— quatre salariés ont été en situation d’épuisement et en arrêt de travail ;
— la situation difficile durait depuis plus de deux ans ;
— l’alerte du médecin du travail ;
— l’enquête du CHSCT concluant sur une situation grave et inquiétante pour l’ensemble des salariés de la direction régionale.
Pour les juges les éléments et documents fournis par le CHSCT (alertes, enquêtes, courriels des personnels) ont démontré une situation détériorée sur l’ensemble des services de la direction régionale, une surcharge de travail, des transferts de personnel sur l’ensemble de la région et mis en évidence l’existence d’un risque grave actuel et collectif matérialisé par les épuisements professionnels et arrêts de travail d’au moins trois salarié·es en lien avec le rachat.
Une jurisprudence intéressante sur laquelle pourront s’appuyer des équipes syndicales confrontées à des restructurations et qui démontre la nécessité de prendre le temps de faire des écrits, de mener des enquêtes de terrain, d’analyser certains indicateurs comme l’absentéisme, de travailler avec les services de santé au travail pour mettre en évidence la dégradation des conditions de travail. Tout ce travail pourra se révéler très utile pour décider d’une expertise risque grave financée intégralement par l’employeur contrairement à l’expertise projet important.
Cass.soc., 25 septembre 2019, no 18-14110
Quel est le CHSCT compétent pour les intérimaires ?
Une entreprise d’intérim a présenté à la cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité dans le cadre d’un litige l’opposant à un CHSCT d’établissement. La question posée était de savoir quel était le CHSCT compétent pour désigner un expert agréé en cas de risque grave constaté dans l’entreprise utilisatrice dans laquelle sont mis à disposition des travailleurs temporaires.
La cour de cassation a considéré « qu’il n’existe pas d’interprétation jurisprudentielle constante autorisant le CHSCT d’une entreprise de travail temporaire à diligenter une expertise au sein d’une expertise utilisatrice , en application de l’article L. 4614-12 du code du travail, alors en vigueur, au titre d’un risque grave concernant les travailleurs mis à disposition de cette entreprise utilisatrice. »
Ce qui signifie que c’est le CHSCT de l’entreprise utilisatrice qui peut intervenir auprès des salarié·es mis à disposition. Cette décision est logique puisque le risque doit être constaté dans l’établissement, c’est-à-dire dans le périmètre duquel l’instance a été constituée. Par ailleurs, il faut rappeler que la loi donne compétence au CHSCT puis au CSE d’exercer ses missions en matière de prévention non seulement au profit des salariés de l’entreprise, mais également des salariés d’entreprises extérieures intervenantes ou encore des travailleurs temporaires (art. L. 2312-6 et L. 2312-8).
Cette décision est intéressante car elle confirme que c’est le CHSCT/CSE de l’entreprise utilisatrice qui peut intervenir sur les conditions de travail des salarié·es mis à disposition et des salarié·es intérimaires.
Cass.soc., 5 juin 2019, no 18-22556