Dans cette affaire, un CHSCT de La Poste a voté une expertise estimant que l’accord d’entreprise relatif à la branche « Services-courrier-colis » était un projet important qui allait dégrader les conditions de travail des personnels.
La Poste a contesté cette décision estimant qu’un accord collectif n’a pas à être soumis pour consultation au CHSCT et que d’autre part ce n’est que lorsque l’accord serait décliné dans l’établissement relevant du CHSCT que celui-ci pourrait recourir à un expert et qu’en l’état actuel il n’existait aucun projet important sur le site en question.
Les juges de la cour de cassation en ont jugé autrement en s’appuyant sur les éléments suivants :
– selon l’article L. 4614-12 du code du travail le CHSCT peut faire appel à un expert agréé en cas de mise en oeuvre d’un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que ce projet procède d’une décision unilatérale de l’employeur ou d’un accord d’entreprise ;
– en l’absence d’une instance temporaire de coordination des différents CHSCT implantés dans les établissements concernés par la mise en oeuvre d’un projet important chacun des CHSCT territorialement compétents pour ces établissements est fondé à recourir à l’expertise ;
– l’accord du 7 février 2017 prévoyait la création de nouvelles fonctions, telles que celles de facteur polyvalent et facteur de services expert, la création d’une filière de remplaçants, l’organisation de tournées en fonction de la charge de travail (…), l’instauration d’une durée de travail hebdomadaire évolutive en fonction de l’activité (…) que trois cent cinquante salariés étaient concernés au sein de l’établissement.
La Cour de cassation a conclu que cet accord constitue indéniablement une décision d’aménagement important modifiant de façon significative et déterminante les conditions de travail d’un nombre important de salariés (environ 350) : si toutes les modalités de déploiement ne sont pas encore précisées plusieurs dispositions sont d’application immédiate sans possibilité d’aménagement local ; le préambule de l’accord indique que d’ici 2020 les facteurs et factrices consacreront plus de la moitié de leur temps de travail à autre chose que la distribution de courrier.
Rappel : si la loi Rebsamen a supprimé la consultation du CE sur les projets d’accords collectifs, rien n’avait été prévu pour le CHSCT. Qu’en sera-t-il pour le CSE ? Les projets d’accord, leur révision et leur dénonciation ne sont pas soumis à la consultation du CSE mais il reste possible que cet arrêt ouvre la possibilité au CSE d’être consulté en cas d’accord collectif constituant un projet important. Ou bien il sera dit que cette décision ne concerne que le CHSCT. A suivre
Cass.soc., 19 décembre 2018, n°17-23150