Le syndicat Sud BPCE a été contacté par un collègue d’une agence « Venez nous voir, on n’en peut plus, il se passe des « trucs » pas acceptable ! On en a marre. »
Le Directeur d’Agence (DA) avait un comportement que l’on peut qualifier de « hors jeu » comme la direction le dit elle même dans sa charte du management.
Ce collègue nous a raconté qu’il subissait de la part du directeur d’agence des remarques déplacées, une surveillance permanente, des reproches quotidiens, et encore ce n’était pas lui qui subissait le plus parmi l’équipe !!!
Notre première réaction a été de le diriger vers la médecine du travail afin qu’il fasse constater son état de santé qui se dégradait !
Nous sommes allés faire une visite d’agence (une déléguée du personnel accompagnée d’un délégué syndical) pour rencontrer l’ensemble des collègues de l’agence afin de pouvoir percevoir ce qui s’y passait, DA inclus.
Nous avons constaté que le climat était tendu dans l’agence, les collègues avaient peu de temps à nous consacrer, des discussions à demi mots, des confidences en chuchotements pour ne pas être entendus par le DA qui surveille tout ce qui se passe sur le moniteur vidéo de son bureau.
Nous avons effectivement constaté un climat de mal être. Nous informons alors les collègues de cette agence qu’ils peuvent exercer un droit de retrait si la situation le nécessite, si l’un d’entre eux se sent en danger sur un instant T, car parfois les affrontements avec le DA peuvent être éprouvants. Ces collègues nous disent avoir rencontré la médecine du travail et qu’ils ont déjà parlé de cette souffrance au travail.
Quelques semaines plus tard, une des collègues de l’agence qui a l’habitude de « tenir tête » à ce DA, va exploser de colère et être tentée d’agresser son DA tellement la limite de l’inacceptable est atteinte ! Elle s’est sentie l’envie de lui planter une paire de ciseaux entre les yeux (ce sont ses mots). Elle s’est ressaisie et a eu le reflexe d’exercer son « droit de retrait ». Elle a donc envoyé un mail au supérieur hiérarchique de son DA pour lui expliquer la situation et l’avertir qu’elle quittait l’agence sur le champ pour aller chez son médecin.
Le N+2 l’a contacté pour la rencontrer, ce qu’elle a accepté. La collègue avait écrit 8 pages de ce qu’elle avait subi, entendu, vécu, supporté ! Elle a témoigné de ses écrits auprès de ce directeur de secteur, qui l’a écouté, rassuré et elle s’est sentie comprise avec l’espoir que son DA allait être sanctionné pour son comportement inacceptable envers elle mais aussi envers le reste de l’équipe.
Seulement, elle a été contactée par téléphone par la direction qui lui a proposé un entretien entre elle, son DA, le directeur de secteur et un représentant de la DRH et à la fin de l’entretien téléphonique on lui précise que « c’est sa parole contre celle de son DA » ! Et là c’est l’effondrement ! C’est à ce moment là qu’elle a failli perdre pieds et qu’elle aurait pu mettre sa vie en danger ! Elle s’est sentie « jetée dans la cage aux lions » ! Elle a ressenti un moment de flottement, de décrochement, de vide qui a duré quelques secondes mais qui l’a submergé, elle aurait pu commettre l’irréparable. Heureusement l’image de ses enfants et de son mari lui est venue et lui a permis de se ressaisir.
Elle a pris conscience à ce moment là qu’elle allait avoir besoin d’aide et nous a donc contacté. La priorité était sa santé et celle des collègues de l’agence. Nous avons très longuement et très souvent parlé par téléphone afin d’évacuer et d’analyser la situation. Nous avons ensuite contacté les autres collègues de l’agence pour nous assurer de leur santé et leur signaler qu’ils pouvaient nous joindre à n’importe quel moment s’ils en avaient besoin et que le syndicat s’occupait de leur souffrance
Nous avons aussitôt contacté le DA par mail pour lui demander de le rencontrer le plus rapidement possible, ce que ce dernier a refusé.
Nous avons compris aux récits des collègues que nous étions en face d’un pervers narcissique et que la situation était très grave.
Nous avons donc décidé collectivement au sein de la section syndicale de déclencher un droit d’alerte sur l’agence (dans le cadre du mandat de délégué-e du personnel). Nous avons rédigé ce droit d’alerte, puis nous avons demandé un entretien avec le DRH de l’entreprise afin d’inscrire ce droit d’alerte au registre des incidents graves et imminents (pour la petite anecdote le DRH n’a pas pu nous présenter ce registre car il ne savait pas où il se trouvait). Nous lui avons donc remis en main propre le droit d’alerte rédigé et lui avons demandé d’apposer sa signature sur l’exemplaire que nous gardions. L’inscription au registre a été faite quelques jours plus tard.
Le DRH nous écoute longuement et nous lui détaillons la situation en insistant bien sur l’échange téléphonique entre la collègue et son service qui a été plus que lamentable en terme de prévention des risques psychologiques. Il décide de mener l’enquête lui même. Nous fixons une date pour cette enquête commune.
Avant cette date nous proposons à l’équipe de l’agence de les rencontrer pour leur expliquer que ce moment d’enquête risque d’être pénible et difficile à vivre pour certain ou pour tous et qu’il nous parait préférable d’en discuter tous ensemble. Un seul collègue n’a pas participé à cette rencontre. Ce collègue est jeune, en CDD et s’entend plutôt bien avec le DA qui lui apprend son métier et avec qui il n’a pas de souci.
Il nous dit ne s’être aperçu de rien et n’avoir rien entendu ! Le reste de l’équipe ne lui en tient pas rigueur, ce jeune souhaite décrocher un contrat à durée indéterminée.
Nous écoutons les collègues très longuement nous confier ce qu’ils ont vécu comme souffrance en tant que victimes d’un harceleur « pervers narcissique » et incompétent. Cette rencontre a été très bénéfique, ils ont pu réaliser qu’ils allaient de nouveaux souffrir en témoignant devant le DRH mais ils étaient rassurés de savoir que nous serions présents à ces échanges. La solidarité s’est créée et c’est tous ensemble qu’ils voulaient que ce personnage cesse ses agissements.
Le jour de la rencontre pour écouter les salariés de l’agence, le DRH avait un document « type ». Nous avons écouté chaque collègue séparément, puis le DRH est allé rencontrer le médecin du travail seul.
Nous nous sommes retrouvés 2 heures plus tard afin de faire le point sur notre enquête.
Il en est arrivé à la même conclusion que nous et est même allé jusqu’à évoqué le licenciement de ce DA. Il n’a pas déclenché de CHSCT extraordinaire puisque nous avions le même constat. Il nous a annoncé devoir réfléchir et nous propose de nous contacter dans les jours suivants pour m’annoncer sa décision.
Ce qu’il fera pour nous informer que ce DA allait être déplacé dans une autre agence (20 km plus loin) mais l’entreprise le maintien à un poste de DA avec mise en place d’une surveillance et de formations.
Nous lui avons affirmé que c’était une mauvaise décision et que nous serions donc amenés à nous reparler de cet individu car il se reproduirait la même chose dans quelques mois.
Le syndicat Sud a effectué son propre suivi et l’équipe composée de 2 femmes qui a du travailler avec ce DA s’est effectivement retrouvée dans une situation de souffrance à son tour et ce au bout de 12 mois. Nous avons invité les 2 collègues ainsi que l’équipe pour qui nous avions déclenché un droit d’alerte à se rencontrer afin de partager leur histoire et que les uns aident les autres. Cette rencontre a été très bénéfique pour tout le monde et nous sommes arrivés au constat que cet individu ne changerait pas et que où qu’il aille travailler en tant de directeur d’agence avec des personnes sous sa responsabilité et bien ce ne serait que souffrance et humiliation et qu’il était dangereux.
Dès le lendemain, nous avons téléphoné au DRH pour lui expliquer ce que nous avions entendu et que le syndicat Sud lui demandait d’intervenir immédiatement afin que cesse la souffrance des 2 collègues de l’agence où ce DA avait été nommé. En lui rappelant que nous l’avions averti que nous reparlerions de ce directeur d’agence.
Le DRH est intervenu aussitôt et dans la journée ce DA a été mis à pied puis déclassé et est maintenant gestionnaire de clientèle dans une autre agence. Il ne fait plus partie de la ligne managériale et n’a plus de collègue sous sa responsabilité.
Les collègues de la première agence vont beaucoup mieux mais gardent des séquelles de ce qu’ils ont vécu et la collègue qui s’est sentie en danger verse encore des larmes lorsque nous reparlons de tout cela ! Les 2 collègues de la seconde agence vont également mieux et travaillent maintenant dans un climat serein.
Il nous manque dans notre entreprise, la Caisse d’épargne Aquitaine Poitou-Charentes, des moments d’échanges entre salariés, des assemblées du personnel afin de partager nos vécus, nos expériences, nos souffrances et de pouvoir créer de la solidarité, du soutien, de l’écoute, de l’entraide. C’est, nous en sommes convaincu, comme cela que nous gagnerons cette lutte contre la souffrance au travail et que nous ferons changer les choses. Un de nos objectifs est de recréer ces moments de rencontres. C’est tout ce que nos patrons ne veulent pas, que nous nous retrouvions et que nous discutions les uns avec les autres.
Le syndicat Sud BPCE ne lâche rien !