L’Andeva et le Comité Anti-Amiante Jussieu ont pris connaissance des propositions de la mission d’information de l’Assemblée nationale, sur les risques et les conséquences de l’exposition à l’amiante. On se souvient que les associations avaient réclamé une commission d’enquête, après avoir obtenu la création d’un groupe parlementaire d’étude amiante. Le rapport des députés était donc particulièrement attendu, dix ans après que le scandale de l’air contaminé ait éclaté.
Ce document contient d’excellentes propositions en matière de prévention du risque dans les bâtiments et des risques professionnels en général,
mais le bilan est plus contrasté en matière d’indemnisation des victimes, domaine dans lequel les considérations budgétaires et l’influence du MEDEF ont visiblement pesé.
Les propositions faites par la mission en matière de prévention du risque amiante dans les bâtiments, qui reprennent en particulier des propositions que nous avions faites dès 1998, constituent des avancées considérables, aussi bien pour la protection des occupants que pour celle des travailleurs intervenants dans ces bâtiments. Parmi les nombreuses mesures proposées ont retiendra tout particulièrement :
– la création d’un registre centralisé de diagnostic amiante des bâtiments facilement accessible ;
– la généralisation de l’obligation de certification à toute la chaîne des intervenants dans la gestion du risque amiante : laboratoires de contrôle, opérateurs chargés du repérage, maîtres d’œuvre, entreprises effectuant le retrait d’amiante (y compris le non friable) ;
– l’abaissement du seuil d’empoussièrement rendant obligatoire les travaux ;
– la formation et la sensibilisation de l’ensemble des ouvriers du bâtiment ;
– la création d’un label « amiante » pour les entreprises du bâtiment.
Si l’ensemble des mesures proposées étaient mises en oeuvre par le pouvoir exécutif, cela constituerait un saut qualitatif dans la gestion du risque amiante, le plus important depuis la mise en place de la réglementation il y a dix ans.
Dans le registre de la prévention encore, nous ne pouvons qu’approuver le souhait des parlementaires d’accorder à la santé au travail une priorité de santé publique. Le renforcement des moyens en faveur de la recherche en santé au travail, la proposition d’unifier l’expertise des risques professionnels sous la tutelle de l’Afset, en lui conférant les moyens dignes d’une grande agence européenne, ainsi que la création d’un service public de santé au travail regroupant les médecins du travail et garantissant leur autonomie seraient de nature à répondre aux enjeux de santé publique consécutifs de l’évolution des risques professionnels. Il en va de même des propositions concernant l’évaluation des risques en entreprise, du contrôle plus efficace de la réglementation censée protéger la santé des salariés, ou encore du souhait d’améliorer le suivi médical des personnes ayant été exposées à l’amiante.
Toujours au chapitre des bonnes nouvelles, on retiendra aussi le souhait exprimé par la mission de revoir à la hausse le barème d’indemnisation du Fiva (Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante), de même que le renforcement de l’équipe de juristes pour mener à bien les actions
récursoires prévues par la loi, afin que les véritables responsables de la catastrophe – en premier lieu les industriels de l’amiante – soient effectivement pénalisés. La revalorisation du montant de l’allocation de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante (Acaata) pour les bas salaires, son ouverture pour les intérimaires et les sous-traitants exposés dans les mêmes conditions que les travailleurs permanents des établissements figurant sur les listes, ou encore la création d’un mode d’accès individualisé à l’allocation en complément des listes d’établissements répondent à des revendications pressantes des victimes.
En revanche l’Andeva et le Comité Anti-Amiante Jussieu déplorent, qu’une fois encore, le passage à la réparation intégrale pour l’ensemble des risques professionnels n’ait pas été retenu par les députés. La déception est d’autant plus forte, qu’en préambule, le rapport admet que l’indemnisation forfaitaire de la branche AT /MP est dépassée et qu’elle est injuste par rapport à l’indemnisation des autres dommages. Mais là où les député méritent un carton rouge, c’est quand ils prônent, dans leur proposition 42, la suppression dans le droit de la Sécurité sociale de la faute inexcusable de l’employeur et son remplacement par une faute d’une particulière gravité. Si cette proposition devait être reprise ainsi dans les textes, sans le passage à la réparation intégrale de droit commun, cela reviendrait à faire annuler le bénéfice de l’évolution de la faute inexcusable de l’employeur, obtenu par les victimes de l’amiante dans la série d’arrêts historiques de la Cour de Cassation en février 2002.
Les associations préviennent qu’une telle régression sociale, qui constitue une véritable spoliation des victimes, serait proprement inacceptable et que ceux qui la tenteront s’exposeront à de très vives réactions.
Elles regrettent également la timidité des parlementaires s’agissant de la loi Fauchon sur les délits non intentionnels. Si la proposition 45 va dans le bon sens, et démontre bien la nécessité de réviser ce texte voté à la sauvette en juillet 2000, elle reste très insuffisante pour ce qui concerne les délits touchant à la santé publique. Les victimes de l’amiante ne peuvent qu’inviter les parlementaires à entreprendre un vrai travail en profondeur d’adaptation du Code pénal pour que celui-ci puisse jouer pleinement son rôle dans les affaires de santé et de sécurité sanitaire.
Au final, l’Andeva et le Comité Anti-Amiante Jussieu estiment qu’il convient maintenant de passer à la mise en oeuvre des propositions positives contenues dans ce rapport parlementaire. Elles demandent au groupe d’étude amiante de l’Assemblée, présidé par le rapporteur de la Mission, le député de Cherbourg Jean Lemière , de prendre le relais et jouer un rôle actif dans les adaptations réglementaires indispensables à réaliser.
Les associations sont prêtes à se mobiliser pour apporter leur contribution à cette phase cruciale pour les victimes de l’amiante mais aussi pour la prévention des risques professionnels et la santé publique. S’agissant des propositions inacceptables, incomplètes et imprécises, elles veulent bien croire que la précipitation qui a accompagné la sortie de ce rapport, de même que les difficultés de son adoption, sont responsables de ces malentendus. Nous souhaitons donc être rapidement entendus par le groupe d’étude amiante pour les dissiper au plus vite.