Accidents du travail–maladies professionnelles : des évolutions différenciées pour les femmes et les hommes

L’ANACT (Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail) a publié en juin 2022 sa nouvelle photographie statistique de la sinistralité selon le sexe entre 2001 et 2019. Cette étude couvre les salarié·es du secteur privé et s’appuie sur les données de l’assurance maladie. Comme les précédentes, cette étude met en évidence plusieurs tendances.

1- Concernant les accidents du travail

La baisse globale des AT depuis 2001 (-11,1 %) cache une hausse des AT pour les femmes (+ 41,6 %).
Si depuis 2013 la tendance s’est inversée, avec une augmentation globale des AT (+6,1 %), le nombre d’accidents pour les hommes est resté stable (-0,1 %), celui des femmes connait une progression importante (+18,3 %).
– les taux de fréquence des accidents entre les femmes et les hommes ont tendance à se rapprocher ;
– la gravité des AT est plus élevée pour les femmes (73,8 journées perdues par accident) que pour les hommes (67,9 journées) en 2019 dans tous les secteurs sauf dans le BTP ;
– le secteur des activités de service (santé, action sociale, nettoyage, travail temporaire) est le plus accidentogène pour les femmes. Les services, commerces et industries de l’alimentation occupent la deuxième place. Ces 2 secteurs totalisent 65 % des AT des femmes en 2019.
Dans le secteur des activités de service où les effectifs ont progressé de 22 % entre 2001-2019 et où les femmes sont majoritaires, la hausse des AT pour les femmes atteint 110 %, tandis les AT pour les hommes baissent de 13 %.
Dans 3 secteurs (les 2 cités plus haut plus le commerce non alimentaire) à prédominance féminine, la tendance des AT est à la baisse pour les hommes et à la hausse pour les femmes alors que les effectifs ont augmenté dans ces secteurs.
L’étude en conclut que dans ces secteurs les femmes occupent des postes exposés au risque d’AT et que les politiques de prévention ne les protègent pas suffisamment.
– dans les secteurs à prédominance masculine, le nombre d’accidents pour les hommes est soit stable (BTP) soit en diminution (industries transports, eau, gaz, électricité, livre et communication) tandis que celui des femmes augmente de 85 % et 55 %.
– les accidents mortels sont 11 fois plus nombreux pour les hommes et en augmentation de 35,5 % depuis 2013. Toutefois l’augmentation est plus importante pour les femmes (+40,9 %) que pour les hommes (35 %) dans tous les secteurs.

2- Concernant les maladies professionnelles

En 2019 les MP déclarées et reconnues concernent autant les femmes que les hommes dans les 9 branches d’activité. Entre 2001 et 2019 elles ont progressé de 108 % alors que l’effectif salarié progressait de 13,5 %. Toutefois cette progression a été plus forte pour les femmes (+158 %) que pour les hommes (+73,6 %).
En 2019, 88 % des maladies déclarées et reconnues sont des troubles musculo-squelettiques (TMS).
59,3 % des MP concernent les femmes dans les 2 branches d’activité que sont les services, santé, action sociale, nettoyage et travail temporaire, les services, commerces et industries de l’alimentation dont supérettes supers et hypermarchés. On retrouve là les secteurs les plus accidentogènes pour les femmes.
49 % des MP concernent les hommes travaillant dans les secteurs du BTP et de la métallurgie.
Quelques points marquants :
– dans le secteur des industries transports, eau, gaz, électricité, livre et communication le nombre de MP a littéralement explosé tant pour les femmes (+376,3 %) que pour les hommes (+345,8 %).
– dans les services, santé, action sociale, nettoyage et travail temporaire les MP déclarées et reconnues pour les femmes a progressé de 400 % et dans les activités de service (banques assurances, administrations) les MP ont connu une augmentation de 346 % pour les hommes.

Taux de fréquence et gravité

En 2016 le taux de fréquence des TMS est plus élevé pour les femmes (17,8) que pour les hommes (11,5) et est beaucoup plus important chez les ouvriers (35,4) que chez les cadres.
L’indice de gravité des TMS touchant les femmes est aussi bien supérieur à celui des hommes dans toutes les catégories socioprofessionnelles. L’indice de gravité des TMS des ouvrières est 3 fois plus élevé que celui des ouvriers (31,8 contre 10,7).

3- Concernant les accidents de trajet

Les femmes sont plus concernées par les accidents de trajet avec arrêt (54,2 %) que les hommes (45,8 %). Depuis 2015 le nombre de ces accidents progresse de 15 % pour les femmes et 14 % pour les hommes.
C’est le secteur, santé, action sociale, nettoyage et travail temporaire qui est le plus accidentogène autant pour les femmes que pour les hommes avec toutefois une augmentation plus importante pour les femmes depuis 2001.
Ce secteur compte aussi la plus forte mortalité liée aux déplacements professionnels pour les hommes (53 décès) et les femmes (24 décès) en 2019.

Conclusion

Le secteur des services (santé, action sociale, nettoyage et travail temporaire) cumule le plus grand nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles pour les femmes et d’accidents de trajet pour les femmes et les hommes de tous les secteurs étudiés. Le BTP reste un secteur particulièrement accidentogène pour les hommes.
Cette analyse sexuée permet de mettre en évidence des tendances qui se confirment depuis plusieurs années dans des secteurs professionnels à prédominance féminine. Elle montre également que les femmes occupent des postes de travail dont les activités les exposent à des risques d’accidents, de maladies professionnelles mais qui ne font pas l’objet ni d’évaluation, ni de politiques de prévention.
L’étude milite pour une véritable prise en compte différenciée des expositions aux risques selon le sexe comme le prévoit la législation. En effet l’article L 4121-3 du Code du travail stipule : « L’employeur, compte tenu de la nature des activités de l’établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l’aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations, dans l’organisation du travail et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe. »
Dans une déclaration du 4 septembre 2020 le conseil d’orientation des conditions de travail (COCT) soulignait que la mise en œuvre de cette obligation faisait souvent défaut dans les entreprises et que le prochain plan santé travail devrait en faire une action prioritaire. Difficile de la trouver parmi les 132 pages du 4e plan 2021-2025 !
En revanche il est important que les équipes syndicales s’efforcent d’avoir une approche genrée des conditions et de l’organisation de travail, dans l’analyse des risques professionnels pour réduire et limiter les atteintes à la santé des travailleuses du fait du travail. Pour initier cette démarche il peut être intéressant de partir des indicateurs sexués et d’interroger les raisons pour lesquelles les femmes ont plus d’accidents ou de TMS dans cet atelier, ce service. Une enquête syndicale peut produire des leviers d’action intéressants pour progresser dans la prévention en faveur de toutes et tous.


Focus sur les chutes au travail, une étude de la CNAM

Près de 6 accidents sur 10 sont des chutes au travail dont 58 % des chutes de plain-pied, 23 % des chutes de hauteur et 18 % des chutes dans les escaliers.

Un coût plus important
La prise en charge de ces accidents représente 25 % des dépenses annuelles de la branche AT/MP, soit plus d’1,1 milliard d’euros. Le coût moyen d’un arrêt lié à une chute au travail est de 3 700 €, soit un tiers de plus que la moyenne constatée pour l’ensemble des accidents (2 900 €) et les chutes de hauteur ont encore un coût plus important (4 400 €). La différence de coût s’explique principalement par la durée des arrêts de travail qui pour les chutes est en moyenne de 73 jours alors qu’elle est de 58 jours pour les autres arrêts de travail. Les chutes au travail entrainent de plus graves séquelles que les autres accidents du travail, elles représentent 29 % des incapacités. Quand on examine dans le détail ces dépenses, 55 % financent les indemnités journalières (600 millions), 32 % les rentes pour incapacité permanente (350 millions) et les 12 % restant les frais médicaux (130 millions).

Des secteurs plus accidentogènes que d’autres
Les chutes de plain-pied concernent principalement le secteur sanitaire et médico-social, le travail temporaire, le commerce de détail…, les chutes
de hauteur, les transports routiers de fret et le déménagement, les travaux
de construction… et les chutes d’escalier l’aide à domicile, le nettoyage et les restaurants. Il est à souligner que les chutes au travail touchent plus fortement les entreprises de taille moyenne. Tous les secteurs d’activité sont concernés par les chutes à des degrés divers, ce qui nécessite une approche globale de prévention dans ces secteurs ainsi qu’une approche par situation de travail qui expose intrinsèquement à un risque de chute (hauteur, escaliers, engins…) ou qui implique des déplacements d’un point à un autre. Des enquêtes approfondies portant sur les accidents liés aux chutes au travail et comprenant des préconisations adaptées aux espaces de travail (voie de circulation, encombrement des sols…), aux sols (nettoyage, revêtement antidérapant…), à l’environnement de travail (éclairage, bruit, température…) sont de nature à mettre en place des mesures de prévention de nature à réduire voire à supprimer les accidents.