1- Un comité central d’entreprise est en droit d’exiger que les avis des CHSCT sur un projet en cours lui soient transmis
Dans cette affaire le CCE était consulté sur un projet de réorganisation de l’entreprise qui comprenait un niveau national et un niveau régional. Partant du principe que les instances avaient bien été toutes consultées la direction décide de mettre en œuvre le projet. Mais le CCE n’ayant pas reçu les avis des CHSCT locaux concernés par la réorganisation, estimait quant à lui que le processus de consultation n’était pas clos et demandait alors la suspension du projet.
L’employeur faisait valoir que la consultation des CHSCT locaux ne devait intervenir qu’au moment de la mise en œuvre du projet au plan local. Les juges ont relevé que contrairement à ce qu’affirmait l’entreprise il ne s’agissait plus d’une décision de principe de réorganisation mais bien de sa mise en œuvre immédiate et qu’à ce titre les CHSCT locaux (tout comme les CE locaux) auraient du être consultés.
La cour de cassation a rappelé que lorsqu’il s’agit d’une décision de principe à caractère national (réorganisation d’une activité sans impact local immédiat) seul le CCE doit être consulté (arrêt du 5 juillet 2006). En revanche il y a double consultation du CCE et des comités d’établissement si le projet lorsqu’il est mis en œuvre dans des établissements nécessite une décision du directeur de l’établissement et des dispositions spécifiques à l’établissement. La procédure doit être la même en ce qui concerne l’articulation du CCE avec les CHSCT locaux.
Les juges ont également confirmé que les CHSCT locaux auraient du être consultés avant la décision de mise en œuvre car il s’agissait bien d’un projet important: « le projet litigieux aboutit à une transformation importante des postes de travail découlant d’une réorganisation conséquente de certaines taches » et que par sa décision du 4 juillet 2011, le président du directoire de la société avait non seulement adopté le principe même de cette réorganisation mais également décidé, à cette même date, de sa mise en œuvre immédiate et qu’en conséquence ces avis auraient du être transmis au CCE dans les 15 jours suivants.
La cour de cassation a donné raison au CCE et suspendu la mise en œuvre du projet.
Ce jugement est intéressant car il rappelle la répartition des compétences entre le CCE, les comités d’établissement et les CHSCT : « le CCE consulté sur un projet relatif à une décision de principe générale à caractère national n’est pas fondé à réclamer la consultation de chaque comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail pour disposer de leur avis préalable, que seule la mise en œuvre d’une décision prise par un directeur d’établissement et les dispositions spécifiques à l’établissement nécessitées par l’application d’une décision de principe émanant de la direction générale d’une entreprise, doivent faire l’objet d’une consultation préalable pour avis de chaque comité d’établissement et de chaque comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail concerné par l’application au niveau local de ladite décision » …
Les équipes militantes de la fonction publique pourront s’appuyer sur ce rappel de la cour de cassation pour contrer les arguments des directions qui refusent de présenter un projet de réorganisation au CHSCT local, dès lors qu’il s’agit d’un projet national.
Cass .soc., 10 juillet 2013, N°12-17.196
2- La présentation d’un projet de réorganisation doit être complète
La cour de cassation dans un arrêt du 25 septembre 2013 a donné raison à un CHSCT qui demandait la suspension de la mise en œuvre d’un projet de réorganisation au motif qu’il n’avait pas été consulté préalablement. L’employeur avait fait appel en précisant que le CHSCT avait bien été informé sous forme d’un « power point » de huit pages contenant un descriptif sommaire du projet dans ses grandes lignes, présenté sous le seul angle de l’amélioration de la qualité des soins et des conditions de travail. Le CHSCT quant à lui estimait que la direction ne traitait pas des inconvénients prévisibles de la réorganisation comme la fatigue des personnels.
Les juges ont donc estimé que le projet de réorganisation modifiait en profondeur les cadences de travail, qu’il s’agissait d’un projet important modifiant les conditions de travail et qu’à ce titre le CHSCT bénéficie d’un droit à l’information de la part de l’employeur (article L4614-9) et d’un droit à l’expertise (article L4614-12 2°). Les juges ont déclaré que les informations communiquées par l’employeur au CHSCT étaient insuffisantes.
Ils ont également rappelé « que l’obligation de sécurité de résultat à laquelle est tenu l’employeur lui impose d’adopter les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs et lui interdit en conséquence de prendre dans l’exercice de son pouvoir de direction et dans l’organisation du travail, des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés ; que la consultation obligatoire et préalable du CHSCT en cas de réorganisation importante constitue une mesure destinée à la protection de la sécurité et de la santé des salariés en permettant à cet organisme de s’assurer, au besoin par recours à l’avis d’un expert, que l’organisation projetée n’est pas de nature à compromettre la santé des travailleurs concernés ; que dès lors, l’employeur qui met en œuvre une telle réorganisation sans avoir mis le CHSCT à même de s’assurer utilement, au besoin par recours à une expertise, de l’innocuité de cette organisation nouvelle manque à son obligation de sécurité et se rend l’auteur d’un trouble manifestement illicite ».
Cette jurisprudence confirme qu’un projet de réorganisation présenté au CHSCT doit être complet afin qu’il puisse appréhender toutes les conséquences sur les conditions de travail des salariés, qu’elles soient positives ou négatives, ce que n’avait pas fait cet employeur qui s’était contenté d’en souligner les seuls aspects positifs.
Il est clair que cette jurisprudence pourra être très utile aux équipes militantes du privé comme du public.
Cass.soc. 25 septembre 2013, n° 12-21.747
L’obligation de sécurité du salarié
Le refus de porter des chaussures de sécurité est une faute grave
Le licenciement d’une salariée qui refusait de porter les équipements de sécurité a été confirmé par la Cour de cassation.
Dans cette affaire la salariée devenue chef magasinier refusait de porter les équipements de sécurité (chaussures de sécurité, gants …). La cour a rappelé le caractère impératif des consignes, souligné que la salariée avait fait l’objet d’avertissements répétés de l’employeur et qu’elle devait donner l’exemple aux membres de l’équipe dont elle était responsable.
Cet arrêt confirme les positions antérieures de la cour de cassation qui a validé à plusieurs reprises le licenciement pour faute grave de salariés n’assurant pas la maintenance des installations dont ils ont la charge, ne portant pas les équipements individuels de protection, ne montrant pas l’exemple aux salariés qu’ils sont chargés d’encadrer. Le salarié a une obligation de prudence qui peut donner lieu en cas de manquement à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement en cas d’inexécution. Cette obligation est le corollaire de l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur.
Selon l’article L4122-1 du code du travail le salarié a une obligation de sécurité :
« Conformément aux instructions qui lui sont données par l’employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d’en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.
Les instructions de l’employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d’utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir.
Les dispositions du premier alinéa sont sans incidence sur le principe de la responsabilité de l’employeur. »
Cass. soc., 19 juin 2013, n°12-14.246