Lorsqu’au mois de janvier de cette année nous étions quelques-uns à attirer l’attention sur le projet de loi travail, après le livre Badinter Lyon-Caen et le rapport Combrexelle, peu imaginait qu’il pourrait être le moteur d’une mobilisation sociale. Pourtant nous savions à quel point il était porteur de risques pour les travailleuses et les travailleurs. Cette remise en perspective semble aujourd’hui nécessaire car elle est significative de la profondeur de ce mouvement social et de son irruption.
Pour autant ce texte de loi s’inscrit dans la suite des orientations mises en œuvre par les gouvernements successifs de Hollande avec par exemple le CICE, la loi « compétitivité » mais aussi et surtout les lois Macron et Rebsamen, qui s’attaquaient aussi bien à l’inspection du travail qu’au CHSCT ou à la médecine du travail, ou bien encore la nouvelle contre-réforme des retraites avec le faux nez du compte pénibilité. Ces mêmes orientations que nous avons combattues sous le quinquennat précédent de Sarkozy et dont on retrouve d’ailleurs la genèse dans le rapport Attali, dont le rapporteur n’était autre que Macron… Force est de constater qu’avec le même périmètre syndical à l’initiative, ou presque, la mobilisation fut sans équivalent et le soutien de la population bien plus large et durable.
Un mouvement social multiforme
Le point de départ a sans aucun doute été la réunion organisée à la fin février par le journal Fakir à la bourse du travail de Paris qui a permis de mettre en mouvement et en lien beaucoup d’énergies conduisant à la naissance aux premières Nuit debout le 31 mars. C’est aussi dans le même temps la pétition « Loi travail non merci » et l’appel à des manifestations le 9 mars qui ont permis de manière concomitante l’irruption de ce mouvement social.
Il y eut aussi dans cette même temporalité les états généraux de la santé des travailleuses et des travailleurs les 16 et 17 mars 2016, à la bourse du travail de Paris. Le lien avec le texte de la loi travail et ses conséquences en matière de droit du travail, de temps de travail et de médecine du travail était une évidence et ce n’est pas un hasard si le slogan « ne plus perdre sa vie à la gagner » fut aussi visible ces derniers mois.
Une des forces de ce mouvement est la complémentarité des formes d’actions (grèves, occupations, blocages, etc.…), des formes d’organisation, nuit debout, intersyndicales, collectifs unitaires, cortèges de tête, etc. Partout la parole surgit, l’espace publique est occupé par celles et ceux qui refusent l’ordre établi, qui refusent le projet de loi travail et son monde.
C’est, par exemple, nous en parlons dans ce numéro, le groupe travail de nuit debout à Paris qui construit depuis plusieurs semaines « Debout sur les lieux de travail ». C’est aussi sur la médecine du travail une intersyndicale large qui combat l’article 44 du projet de loi travail qui dénature l’objet même de cette médecine qui ne serait plus au service de la santé des travailleuses et travailleurs. C’est le collectif pour la santé des travailleuses et des travailleurs qui prépare déjà la rentrée et les suites des Etats généraux.
Poursuivre
Ce mouvement social portant en profondeur la question du travail et les questions démocratiques est porteur d’espoirs et irrigue pour longtemps le corps social. Son caractère multiforme, sa volonté de s’inscrire et s’insérer au plus proche des travailleuses et des travailleurs, de permettre l’émergence d’une parole résonne avec les objectifs, depuis le début, de ce bulletin. Dans les mois qui viennent, d’autres outils surgiront, le débat se poursuivra, par-delà les 49-3 et les postures autoritaires, et, faisant fi d’une répression féroce et des manifestations corsetées, emplira de nouveau les rues avec sa force et son dynamisme pour ne plus perdre sa vie à la gagner !