Le résultat des élections présidentielles n’a pas donné lieu à des « surprises ». Le scrutin marque la défiance profonde d’une large partie de la population envers les partis politiques. Et rien n’indique à ce stade sur quelle majorité pourra s’appuyer le nouveau président pour dérouler son programme.
Autre fait important et significatif de cette crise profonde, le second tour aura vu, malgré la présence du FN, une abstention importante et en hausse, couplée à un nombre très important de votes blancs ou nuls. Deux autres points sont à souligner : le score très important de l’extrême droite, derrière Le Pen, avec le mouvement Debout la France que, pour notre part, nous avions déjà classé de ce côté de l’échiquier politique. Ce score est important tant en pourcentage qu’en nombre de voix. L’ancrage géographique de ce vote suit en partie les zones d’industrialisation pour la plupart en grande difficultés et souligne, si c’était nécessaire, l’importance d’une réponse syndicale. Le second est que, contrairement au précédent scrutin, les forces politiques portant des idées de progrès social, écologiques et anti-austéritaires ont pris l’ascendant à gauche, prenant appui, notamment, sur les aspirations et la dynamique des mobilisations contre la loi travail. À la stricte condition que le mouvement social conserve son autonomie cela pourrait modifier le contexte des mobilisations à venir.
Ce morcellement du paysage politique, on le retrouve aussi dans le paysage syndical et dans le mouvement social en général et il a eu des conséquences dans la séquence pour construire un appel unitaire le plus large possible autour du premier mai. Il est pourtant indispensable de préparer dès aujourd’hui la riposte sociale, quelle que soit la situation politique car le programme du nouveau président est déjà connu et s’inscrit dans l’accélération des politiques de dérégulation des protections des travailleuses et travailleurs.
Des salarié-e-s flexibles, avec des droits a minima… et la réduction du fait syndical
Le projet de continuer sur la voie du détricotage du code de travail ne date pas d’hier et était prévu même avant l’adoption de la loi travail. Mais il prend clairement un tour d’accélération avec l’arrivée au pouvoir de Macron. Lui et son équipe de campagne l’ont répété à l’envie à quelques jours du scrutin, il faut aller vite et plus loin que la loi travail !
Alors que des millions de personnes étaient dans la rue pendant 6 mois pour lutter contre le projet de loi travail, le nouveau président prévoit des mesures qui vont plus loin dans la régression de leurs droits… et le tout en contournant le processus parlementaire « classique » en voulant procéder par voie d’ordonnances et en allant encore plus loin dans l’absence de réel dialogue social.
Le nouveau mantra du président : « Simplifier le droit du travail et décentraliser la négociation »
Deux textes déclinant cette vision libérale sans originalité devraient passer par voie d’ordonnances avant la fin de l’été. Ils prévoient :
- La généralisation de l’inversion de la hiérarchie des normes
Le fait de pouvoir revenir par accord d’entreprise sur un accord de branche deviendra possible désormais sur bien d’autres sujets que le temps de travail ou les heures supplémentaires : il pourra intervenir également sur les salaires et aussi…sur les conditions de travail… Dans son programme figurait également la possibilité pour l’employeur d’organiser un référendum auprès des salarié-e-s si l’accord n’était signé que par 30 % des syndicats (actuellement possibilité de provoquer un référendum uniquement par les syndicats). - Une délégation unique du personnel généralisée
La fusion des instances représentatives du personnel (DP, CE et CHSCT…) telle qu’elle est déjà prévue actuellement pour les entreprises de 50 à 300 salarié-e-s par la loi Rebsamen serait tout simplement généralisée. La défense des salarié-e-s, les négociations pour leurs droits et leurs conditions de travail, c’est tout cela qui en fera les frais comme c’est déjà le cas avec l’arrivée de la DUP !
Rien de neuf dans cette logique libérale selon laquelle il suffirait de rendre les travailleur-euses ultra flexibles pour que l’emploi progresse… mais quel emploi ? Celui où aucun droit n’est fixe, celui qui ne garantit qu’un niveau ridicule de droits (voire pas du tout), celui où la logique du profit des patrons et employeurs prévaut sur la qualité des conditions de travail, sur le niveau de vie des salarié-e-s. On pense au travailleur-euses des plateformes telles que Deliveroo, Uber et autres… et à toutes celles ou ceux qui n’arrivent pas à vivre décemment de leur travail, en particulier les plus fragilisé-e-s ou précarisé-e-s que sont les femmes ou les immigré-e-s.
Pour Solidaires, cette voie est une impasse, qui enferme la société bien loin des évolutions indispensables pour sortir de l’impasse de la désespérance sociale, de l’extrême droite et d’un monde qui court à la catastrophe écologique irréversible. Pour faire face il est urgent de construire la mobilisation !