Nous sommes Clélia kestemont et Anne Dumbruch, toutes deux conseillères en prévention pour les aspects psychosociaux au sein de la société « Provikmo », un SEPP (Service Externe de Prévention et de Protection au travail) en Belgique.
Cette journée sur le Lean, toyotisme et autres méthodes de gestion ainsi que le lien avec les « RPS » a immédiatement éveillé notre intérêt étant donné que nous sommes quotidiennement confrontées à l’impact de ces nouvelles méthodes de gestion qui s’inscrivent dans la nouvelle idéologie managériale, que cela soit à travers les rencontres individuelles des employés qui travaillent au sein des entreprises clientes chez nous, qu’à travers les différentes interventions collectives que nous menons.
En Belgique, la loi du bien-être au travail a été légiférée en 1996. En 2002, un AR réglementant le harcèlement moral et sexuel au travail ainsi que la violence au travail a suivi. Ces initiatives ont entraîné l’obligation pour l’employeur de veiller à priori et à posteriori au bien-être de ses travailleurs. Pour l’y aider, des services de prévention et de protection au travail internes (SIPP) et externes (SEPP) ont été légiférés.
En tant que conseiller en prévention psychosocial d’un SEPP, nous avons l’avantage d’être protégés par la loi du bien-être qui nous permet de garder une indépendance morale face aux différentes demandes ou exigences que pourraient avoir la direction. Cela nous permet d’éviter d’être pris dans une dynamique d’instrumentalisation. Contrairement au système français, le SEPP d’affiliation de l’entreprise n’est pas une compétence régionale. Il revient en effet à chaque entreprise de choisir le SEPP auquel elle veut s’affilier. Dès lors, nous sommes pris dans une double contrainte entre la nécessité de veiller aux intérêts de l’entreprise cliente ainsi qu’à ceux de son personnel. D’où toute la question de la bonne distance, du bon équilibre à avoir.
Face aux conséquences psychosociales des nouvelles méthodes de gestion (lean, kaizen, toyotisme…), nous menons des interventions collectives telles que des analyses de risques, des intervisions d’équipes, des formations, de l’accompagnement de la hiérarchie dans leur processus de changement, … Nous participons également aux CPPT (Comités de Prévention et de Protection au Travail) dans nos entreprises affiliées. Notre rôle par rapport aux équipes syndicales est de les sensibiliser aux différentes notions relatives au bien-être au travail, en l’occurrence aux risques psychosociaux et aux différentes sources de RPS au sein de l’environnement de travail. A travers nos formations notamment, nous veillons à véhiculer des messages d’action : « transformer la souffrance individuelle en action collective » : constater, dénoncer, mais aller plus loin : organiser des séances collectives de paroles lors desquelles les employés ont l’occasion de s’exprimer sur l’organisation du travail et sur ce qu’ils vivent au sein de leur organisation. La souffrance est très souvent ressentie comme étant un vécu individuel lié à une inadaptation, une mauvaise gestion de son stress, une inaptitude… Or, on se rend compte, lors de ces séances collectives, que nos collègues vivent la même chose et qu’il y a donc quelque chose de l’ordre du collectif à réaliser au sein de l’entreprise.
Nous voulons attirer votre attention sur l’importance de ne pas se faire instrumentaliser par la direction générale, ou de la direction des ressources humaines. Vous, en tant que délégué du personnel ou nous, dans notre fonction, nous devons être attentifs à ne pas contribuer à aggraver une situation psychosociale ! Il est important de ne pas être dupe, de ne pas participer à une mascarade (à un simulacre). En effet, les demandes ou propositions qui peuvent nous être formulées sont parfois correctes en apparence mais ont des objectifs (volontairement ou involontairement) cachés moins louables. Il est important de les débusquer. À titre illustratif : une cellule d’écoute en période de restructuration avec pour seul objectif de dire qu’on a mis quelque chose en place en cas d’un éventuel suicide d’un membre du personnel ou encore les programmes de soutien psychologique payés par l’employeur pour des problèmes privés.