Depuis le début des restructurations du réseau courrier national Postal de La Poste courant 2006, beaucoup de centres de tris départementaux ont été supprimés au profit de toutes nouvelles Plateformes Industrielles Courrier (PIC), traitant plusieurs départements régionalement et priorisant le tri sur des machines industrielles.
Le contexte de la PIC Val de Loire (Sorigny, Indre et Loire) est révélateur de ce qui se passe partout à La Poste et le bilan est significatif d’un climat délétère instauré par une politique désastreuse.
Depuis l’ouverture de la PIC Val de Loire début 2007, les syndicats CGT et SUD déposent des préavis de grève chaque week end, principalement sur des revendications liées aux régimes de travail (nombre de samedis travaillés, heures de fins de service trop tardives, amplitudes horaires, cycles dégradant la santé, effectifs non remplacés, système de promotions arbitraires…), questions sur lesquelles la direction n’entend rien et poursuit sa stratégie de création de services de plus en plus atypiques dégradant la santé d’une population postale vieillissante.
Le constat actuel est sans appel : plus de 40 maladies professionnelles, 86 agents atteints de restrictions d’aptitudes déclarées (sur 300 agents) et de nombreux rapports du médecin du travail alarmants sur le fait que ces chiffres ne sont que l’arbre qui cache la forêt (uniquement les déclarations officielles, notamment sur les TMS). En cause, la répétitivité des gestes, les pressions managériales et temporelles, les injustices, la souffrance au travail…
Au fil du temps, un travail important des élus CHSCT et des militants a été fait sur le principe des rotations sur les positions de travail autour des machines dans les services, mais le manque d’effectif (baisse du courrier martelé par la direction, mais les tâches, elles restent) n’a pas permis d’endiguer la spirale des TMS, et l’effet « boule de neige » dénoncé par le Médecin du Travail.
En juin 2013, la direction annonce une nouvelle réorganisation importante sur tous les services d’après midi, mixte, avec la création d’une brigade « soirée » (13h/22h).
La création de cette brigade 13h/22h augure une suppression des services de nuit tels qu’on les a connu jusque là (nuits de 8h minimum…) traitant le courrier prioritaire J+1 (timbre rouge)… Un transfert progressif du traitement de courrier de nuit sur d’autres sites et sur d’autres services de jour, le non remplacement des agents de nuits partants prouve ainsi la politique de La Poste en matière de priorisation d’un seul flux de courrier : la Lettre Verte (J+2) mise en vente seule partout, au dépend de la lettre prioritaire (J+1) et qui est en train de faire disparaitre progressivement l’obligation de distribution de courrier 6 jours sur 7 par La Poste. Un enjeu économique majeur pour La Poste, pour son nouveau Président, Philippe Whal, qui ne cesse de s’exprimer sur la non rentabilité du courrier et sur le développement bénéfique de La banque Postale…
En octobre 2013, le CHSCT est consulté sur ce « projet évolution industrielle » et la création de ce cette brigade soirée 13h/22h : décision du CHSCT d’expertise sur la PIC, (réorganisation importante, qui concerne 109 personnes, encadrants compris). La Poste ne la conteste pas et veut aller le plus vite possible… Bataille sur les délais de l’expertise gagnée au final et report de la réorganisation pour avril 2014.
L’expertise du cabinet CEDAET a mis en lumière une très forte dégradation des conditions de travail, de la santé des agents, les violences de la direction (notamment dans ses propos et ses manières d’agir), remet en question notamment le système de promotion à la tête du client, les inégalités flagrantes, l’insécurité engendrée et une réduction des acquis sociaux.
Elle constate qu’un agent de la PIC Val de Loire a 10 fois plus de risques en moyenne de déclarer une maladie professionnelle que dans la globalité des entreprises en France.
L’incompatibilité des cycles et des régimes de travail, les incidences sur la vie familiale, sur l’avenir des agents à court et long terme est très marquée, car il n’y a aucune lisibilité en termes d’emploi et d’organisation du réseau du courrier.
Elle a permis une prise de conscience des agents, mais aussi de beaucoup de « sous cadres » de la PIC, a légitimé notre discours sur leurs conditions de travail et la politique sociale de La poste.
La direction, est passée d’une position offensive à une posture défensive, car obligée de se justifier sur toutes les incohérences de son système et le climat social délétère qu’elle a instauré.
Mais elle reste toujours dans le déni total pour des faits pourtant avérés sans qu’aucune démarche significative ne soit engagée pour améliorer la situation d’ensemble et celle plus générale de l’avenir du traitement du courrier. Décisions de la direction suite aux préconisations : le service 13/22 sera mis en place sur des cycles moins « dégradants » que ceux proposés, en retirant tous les autres services du périmètre, ce qui était déjà un fait, car étaient prévues des recrues externes…
Enfin, les entretiens collectifs (comme dans les méthodes d’expertises) du CHSCT, les enquêtes syndicales au plus près du terrain ont permis de mettre des mots sur les maux, de décrire les situations de travail, d’identifier les risques, puis de donner des pistes (par le personnel lui-même) pour les supprimer. « Que pourrions nous faire pour améliorer nos conditions de travail et redonner un sens à notre travail ? »… Plusieurs pistes :
- Réactiver nous même, sous notre contrôle, le droit d’expression des salariés (code du travail), les articles 4121-1 à 5, l’obligation de santé et de résultat. L’accumulation des preuves dans le document unique nous permettra d’engager des procédures juridiques et une dynamique collective.
- La question des chantages aux accords est à remettre au cœur de nos actions de négociations : par exemple, pour notre cas (qui n’est pas unique), le projet, s’il est imposé en l’état, contribuera à dégrader un climat social actuel délétère, d’autant plus s’il est maintenu dans ses deux versions « avec » ou « sans accord ».
- S’appuyer sur les accords sur le stress, QVT, le rapport du sénat, par exemple, qui confirment la volonté d’articulation vie privée – vie professionnelle. La notion « d’adapter le travail à l’homme », qui a été complètement oubliée, doit aussi nous servir de point d’appui face à la Direction qui nous sert uniquement des objectifs de productivité.
- Remettre en question les enquêtes quantitatives pro-patronales qui ne sont que pourcentages, statistiques qui n’aboutissent à rien : la question serait plutôt d’ordre qualitatif, même pour une seule personne concernée par un risque…
Pour finir, la question des collectifs de travail est prépondérante dans toutes nos actions et nous devons aussi solliciter tous les acteurs extérieurs (médias, élus, IT, etc…), sans retenue de « confidentialité »…