Intervention de Fred HILGEMAN (CSTB).
L’idée que l’on pose au départ c’est que l’organisation est pathogène. Mais en même temps, il faut faire avec cette contingence puisque l’on est de fait, dans l’organisation.
Or, comme l’a dit Monsieur BARKAT dans son intervention précédente, l’organisation évolue en permanence. L’idée est donc de profiter des moments où elle est figée pour quelque temps. Dans le but d’essayer de recréer des relations au travail sur le travail par ceux qui font le travail. Voilà l’idée.
Comment peut-on s’y prendre ? La démarche s’inscrit dans le cadre de l’organisation prescrite du travail. Cette organisation prescrite du travail est aujourd’hui documentée. La note d’organisation se décline au niveau d’une division, puis cette note d’organisation de la division se décline plus haut, au niveau d’un département, puis se relie au niveau des processus généraux sur la qualité ; c’est quelque chose de très imbriqué en interrelations. Elle s’appuie sur document qui décrit les modalités de fonctionnement (compétences, métiers qualité…), en tous cas, elle s’appuie sur cette organisation prescrite. On se situe au niveau le plus petit d’une organisation, celui une division, voire d’une équipe (il peut y avoir plusieurs équipes au sein d’une division). Dans cette organisation, il est prévu que les gens de la division se réunissent.
L’idée c’est de profiter de ces réunions de divisions pour engager un débat, avec les salariés de la division, sur les pratiques de travail en partant de situations. Partir d’un point de vue sur des pratiques individuelles de travail qui visent le même métier : « j’aurais pu faire cette action, ce travail avec des pratiques différentes » ; « ce qui a été fait me pose un problème en tant que métier, donc je souhaiterais que l’on en parle, mais sur une situation concrète de travail ». Pas de façon générale sur une situation précise qui peut porter sur la définition par exemple d’un terme qu’on va utiliser dans une offre (au sens commercial) qui pour un des salariés a un sens et on utilise un autre terme ; donc de débattre sur ce mot ou sur cette expression avec pour objectif de sortir, comme cela a été dit précédemment, du simulacre ; c’est-à-dire de tenter de parler de la situation de travail. Voilà l’objet. Voilà ce que l’on voudrait mettre en œuvre.
Le résultat attendu pour les salariés, ce serait de réussir à débattre – et si on est dans un vrai simulacre, ce ne sera pas facile, mais ce serait un premier résultat – de débattre de pratiques individuelles. Avec pour objectif d’essayer de définir des règles pratiques de travail, voire des règles de métier, en tous cas, des pratiques communes qui nous permettraient d’aller dans le même sens, vers le même objectif. Ce serait finalement une manière de lutter contre l’effet pathogène de l’organisation, de rompre l’isolement de certains salariés.
Le résultat pour le syndicat, ce serait de se servir de cette expérience de débat pour pointer du doigt les dysfonctionnements et les contradictions de l’organisation, puisque là on peut espérer qu’elles vont apparaitre. La difficulté c’est d’expliquer le postulat de départ, celui que l’organisation est pathogène, et de le faire sentir au collègue de travail qui ne pense pas que l’organisation du travail est pathogène et qui pense « c’est moi qui ne vais pas bien ». L’idée pour le syndicat, c’est d’être en capacité d’expliquer, que cette organisation est pathogène. Ce qui n’est pas une mince affaire… Alors comment porter cela ? La réflexion en cours nous laisse penser au CHSCT, parce que c’est une instance qui a les moyens de le porter.
Quelles difficultés peut-on envisager sur ces pratiques qui ne sont pas encore mises en œuvre ? La première difficulté, c’est qu’aujourd’hui l’organisation du CSTB dans lequel nous travaillons, est une organisation qui finalement individualise par tout un arsenal d’outils : saisie du temps des taches, saisie du temps de présence, gestion en mode d’affaires, entretiens individuels, primes… Quand tous ces outils sont mis en œuvre, notre objet qui est de créer du lien risque d’être mis à mal. C’est là où je souhaiterais avoir le point de vue de chercheurs, ou d’équipes syndicales.
Dans ce contexte peu favorable au travailler ensemble, produire c’est passer du temps avec les collègues. Autant le faire le plus agréable possible. Autrement dit la question posée, et c’est une des difficultés, c’est : va-t-on réussir à créer du lien ou à fragmenter encore plus les équipes et aura-ton un échec ?
La deuxième difficulté, c’est d’être en capacité de porter l’action sur un nombre important de divisions.
La troisième difficulté, pourrait-être que l‘organisation prescrite ne prévoit pas d’espace d’expression des salariés. Et finalement comment présenter, comment poser une situation de travail pour que la manière dont on la pose permette l’échange et non pas la discorde entre les personnes.