Selon ses concepteurs la norme ISO* 45001 publiée le 12 mars 2018 incite à développer une culture de la prévention, à faire de la santé et sécurité au travail un enjeu stratégique de l’entreprise. Elle s’appuie sur un principe d’amélioration continue selon le modèle « planifier, réaliser, vérifier et améliorer » et comprend 264 exigences ! mais elle n’est pas obligatoire…
Depuis le début des travaux en 2013 visant à l’élaboration d’une norme dite ISO 4500, le groupe permanent d’orientation du COCT (conseil d’orientation des conditions de travail) a manifesté son opposition à toute normalisation dans le champ de la santé au travail, domaine qui selon lui « relève du droit et du dialogue social ».
Dans son avis rendu le 3 novembre 2016 le COCT relève le nombre déjà particulièrement élevé de normes homologuées (33 400) applicables en France dont la maitrise est particulièrement complexe à la fois pour les employeurs et les salarié-es. Mais c’est surtout leur objet qui selon le COCT pose les difficultés les plus graves car on est passé de la production de normes portant sur des produits à des questions transversales comme le management, les relations sociales, les services et que cela « soulève un important problème démocratique ». Dans son avis le COCT insiste sur le fait que le « management de la santé au travail fait déjà intervenir des processus prévus par la réglementation (le code du travail) et le dialogue social (dans le cadre de l’entreprise au sein du CHSCT, mais également aux niveaux interprofessionnel et de branche) ; il comporte une dimension humaine et sociale essentielle, de sorte qu’il se range parmi les activités qui ne se prêtent pas à la normalisation ».
Dans un autre avis émis le 29 juin 2018, les membres du COCT s’opposent également au lancement d’un projet de norme portant sur « la santé et la sécurité psychologiques au travail » pour les mêmes raisons.
Au lieu et place du débat démocratique les décideurs préfèrent se réfugier derrière des normes, des chiffres ce qui a comme conséquence d’uniformiser et de standardiser des processus d’organisation du travail, les relations sociales et de faire perdre tout intérêt et sens au travail.
« Mais l’extension sociale des dispositifs de normalisation… conduit à faire de la norme ce au nom de quoi le pouvoir politique prétend gouverner, gouverner pour le bonheur des populations. Faute de pouvoir se prévaloir de la vertu républicaine, des idéaux aristocratiques ou des principes philosophiques transcendantaux, le pouvoir cherche alors dans les sciences la légitimité des normes qu’il prescrit ou sélectionne pour réclamer l’obéissance ».
Roland Gori extrait de « La fabrique des imposteurs »
* L’ISO est une organisation internationale qui établit et publie des normes internationales