La compagnie à bas coûts basée en Irlande pour des raisons fiscales et sociales bien connues est présente dans 22 pays européens. Elle fait l’objet depuis plusieurs années de vives contestations de la part de ses salarié·es soumis au droit social irlandais. Depuis plus d’un un an la pression s’est faite beaucoup plus forte avec des blocages, des menaces de grèves, des grèves à répétitions dans plusieurs pays européens en même temps, situation qui a contraint l’entreprise à modifier ses pratiques, à reconnaitre le droit syndical et à accorder des protections et des garanties aux salarié·es.
On peut rappeler qu’en France l’entreprise a refusé d’appliquer la règlementation française qui oblige les compagnies aériennes étrangères de déclarer leurs personnels basés en France, en invoquant le droit européen. Celui-ci permet au personnel navigant de travailler temporairement en France avec un contrat de travail du pays d’origine de l’avion c’est-à-dire l’Irlande. En 2014 la compagnie a été condamnée en appel à 8,3 millions d’euros d’amendes et de dommages et intérêts pour travail dissimulé c’est-à-dire pour avoir employé des salarié·es à l’aéroport de Marseille sans jamais payer de cotisations sociales en France. A la suite de plusieurs affaires judiciaires du même type il n’y a plus de personnels « domiciliés » en France, et la compagnie n’a plus de base sur le territoire français.
Les syndicats de plusieurs pays européens réclament de meilleures conditions de travail et l’emploi de chaque salarié via un contrat relevant de son pays de résidence, contrairement à la pratique historique de Ryanair d’employer une bonne part de son personnel via des contrats de droit irlandais.
La coordination des syndicats de divers pays a notamment conduit à des débrayages dans 6 pays européens le 28 septembre 2018 ; ils ont contraint la société à annuler des centaines de vols et à engager des négociations avec les syndicats, ce qu’elle avait refusé de faire pendant ses trente premières années d’existence !
Une série d’accords sur les conditions de travail ont été signés avec les syndicats en Italie, en Irlande, en Espagne, en Allemagne, en Belgique, au Royaume Uni et au Portugal. La compagnie a également accepté des augmentations de salaires et des améliorations des conditions de travail.
L’entreprise n’en a pas pour autant terminé avec les revendications des syndicats qui veulent, à juste titre étendre à toutes les catégories de salarié·es les avancées obtenues par les pilotes.
Il est intéressant de mettre en face d’un mouvement social inédit, la timidité des réactions de quelques responsables au niveau européen, qui pendant des années ont laissé en toute impunité l’entreprise précariser et exploiter ses salarié·es :
- la commissaire européenne aux affaires sociales a rappelé le PDG de Ryanair au respect de la loi européenne : « Le respect du droit communautaire n’est pas quelque chose sur lequel les travailleurs devraient avoir à négocier, ni quelque chose qui peut être fait différemment d’un pays à l’autre ».
- la commission européenne : « Ce n’est pas le pavillon de l’avion qui détermine la loi applicable. C’est l’endroit d’où les travailleurs partent le matin et reviennent le soir, sans que l’employeur ait à couvrir les frais ».
- 5 ministres européens (Allemagne, Belgique, Italie, Luxembourg, Pays-Bas) ont appelé Ryanair à appliquer le droit du travail local à son personnel, sous peine de s’exposer à des « risques juridiques » ! Il est à noter que la France n’a pas voulu apposer sa signature !
Le refus des États européens d’élaborer des règles communes dans le domaine fiscal et social autorisent de fait les grandes entreprises comme celles à bas coûts à s’organiser et se localiser dans des territoires ou le droit social est le plus bas et la fiscalité la plus faible.