Cet article relate comment, suite à un suicide à la préfecture de la Seine-Maritime, une équipe syndicale de SUD Intérieur a œuvré pour obtenir en CHSCT le recours à l’expertise d’un cabinet agréé en application de l’article 55 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 et imposer le choix du cabinet par le CHSCT. Il propose aussi un point sur la démarche syndicale.
13 août 2012 : nous apprenons le suicide par pendaison d’une collègue de ce service.
Rencontrer les agents
Sud Intérieur est allé rencontré deux fois les agents : le 14 août (le lendemain de l’annonce du suicide) et une quinzaine de jours plus tard (cette fois-ci avec FO – la CFDT n’étant pas venue). Nous avons été en liaison très régulière avec eux entre ces deux dates. Nous avons établi, suite à cette première réunion, un cahier de doléances sur leurs conditions de travail (à la demande Sud Intérieur). Nous leur avons annoncé ce jour-là que nous demanderions une enquête dans le cadre du CHSCT et la reconnaissance en accident de service du suicide.
Les agents au cœur de l’action
Nous leur avons dit qu’ils que rien ne pouvait se faire sans eux. Nous avions besoin d’eux comme ils avaient besoin de nous. Ce discours a également été martelé lors de la seconde réunion, parfaitement relayé par FO également.
Cette démarche a été très bien accueillie. D’autant plus que lors du CHSCT extraordinaire qui s’est finalement tenu le 21 septembre, les deux agents mandatés par leurs collègues pour participer à la séance ont indiqué qu’ils étaient quelque peu mis à l’écart sur les réflexions sur l’organisation du travail.
Rencontrer les représentants de l’administration
Nous avons rencontré le secrétaire général et avons demandé une enquête CHSCT et la reconnaissance en accident de service. Nous avons aussi eu une rencontre avec la cheffe du service. Il était indispensable aussi d’avoir son point de vue.
Rencontrer l’assistance sociale qui suivait le service
C’était nécessaire pour avoir son éclairage à la fois sur la situation de la collègue (qu’elle suivait) et du service en général (qu’elle suivait aussi). Il n’y a pas eu de rencontre avec la médecin de prévention, absente pour congés.
Ces premières démarches indispensables permettent de bien préparer les discussions avec les autres organisations syndicales.
Rencontrer les organisations syndicales
Dans notre cas, CFDT et FO pour se mettre d’accord sur le contenu du courrier conjoint sollicitant la tenue d’un CHSCT extraordinaire au cours duquel serait examiné à la fois le recours à un cabinet agréé pour mener une expertise sur les conditions de travail au service immigration et intégration et la reconnaissance en accident de service du suicide.
Cela pour contraindre l’administration à tenir cette instance et l’obliger à se positionner clairement favorablement ou non sur les deux demandes. L’unité syndicale est indispensable pour construire le rapport de forces devant amener l’administration à accepter l’expertise.
Le CHSCT du 21 septembre 2012
Le recours au cabinet agrée (IRCAF) pour l’expertise est accepté par l’administration dont « la mission aura pour objet l’analyse du travail au sein du service de l’immigration de la préfecture de la Seine-Maritime » et de « proposer les préconisations de modifications d’organisation ». Délibération adoptée à l’unanimité des représentants du personnel, les seuls à prendre part au vote.
Le cabinet agréé va ainsi appuyer le CHSCT pour qu’il avance « des propositions de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail des agents ».
C’est l’administration qui prendra à sa charge le coût de cette expertise. Bien entendu, elle a évoqué la question de la procédure de recours à un marché public. Sud Intérieur, qui s’était préparé à cette éventualité, a immédiatement riposté en indiquant que la jurisprudence nous en dispensait. Notamment en nous appuyant sur l’arrêt du tribunal de grande instance de Nantes du 21 juin 2011, précisant que « les règles spéciales régissant les CHSCT ont vocation à déroger aux règles générales du Code des Marchés Publics. En effet, l’application du code des marchés publics méconnaît le principe général de droit selon lequel les dispositions spéciales dérogent au dispositions générales ; qu’en effet, à supposer que le Code des Marchés Publics soit applicable, les règles spéciales concernant le CHSCT imposent d’en écarter l’application ».
Le préfet n’a pas insisté.
La reconnaissance en accident de service du suicide refusée
Alors même que la collègue était en arrêt de travail reconnu en… accident de service. Dont la cause provenait en partie des conséquences d’une altercation violente qu’elle avait eue avec une étudiante venue chercher sa carte de séjour. Entre temps l’étudiante avait lancé une pétition à l’université de Rouen contre la collègue contre laquelle celle-ci porta plainte. Après une condamnation en première instance de l’étudiante, la cour d’appel qui devait statuer fin août 2012 a finalement reporté sa décision à fin janvier 2013. Visiblement, notre collègue vivait très mal cette situation et appréhendait la date du jugement en appel qui la verrait sans doute être confrontée de nouveau à l’étudiante. De l’aveu même du secrétaire général lors de son entrevue avec Sud Intérieur, il était difficile ne pas voir de lien entre le service et le suicide. Mais le préfet n’a rien voulu entendre.
L’avenir
Le problème principal va résider dans la capacité des repré- sentants du personnel et des agents à imposer la tenue de cette expertise, qui à ce stade, n’a toujours pas été mise en place.
Un premier acquis
Dorénavant, sur les conseils des représentants du personnel, les agents de la section « séjour des étrangers », ne manquent jamais d’aller inscrire sur les registres CHSCT, les problèmes qu’ils rencontrent. C’est un atout précieux pour les représentants du personnel, notamment en CHSCT, puisque ces registres sont systématiquement examinés.