La parution du très attendu rapport Verkindt présenté au COCT le 28 février 2014 est l’occasion pour Solidaires de revenir sur nos revendications et propositions sur les CHSCT. Ce rapport avait été commandé par le ministère du Travail pour «établir un état des lieux des forces et faiblesses de cette instance et pour envisager les pistes d’évolution», suite à la conférence sociale de juin 2013.
Nous avions demandé à être entendu par M Verkindt, ce qu’il avait accepté, car nous sommes porteurs de nombreuses propositions pour améliorer le fonctionnement des CHSCT. Force est de constater que la grande majorité des 33 propositions du rapport Verkindt sont insatisfaisantes quand elles ne sont pas tout simplement dangereuses. En effet si sur quelques rares éléments nous pouvons souscrire aux propositions contenues dans ce rapport, il est quand même très loin du compte et des enjeux en matière de santé au travail.
Quelques propositions du rapport Verkindt
Parmi les 33 propositions contenues dans ce rapport nous en examinerons quelques-unes avec notre propre classification.
Il y a, par exemple, les propositions cosmétiques comme par exemple de rendre obligatoire la consultation du CHSCT sur le DUERP… alors même que cette consultation s’impose en applica- tion simple de l’article L.4612-12 du code du travail qui dispose que « le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté sur les documents se rattachant à sa mission ».
Il y a les propositions ridicules comme attribuer un crédit d’heure de 2 heures au DP qui exerce les missions du CHSCT dans un établissement de 11 à 49 salarié-e-s. Que pourrait-il concrètement faire avec un temps de délégation aussi maigre? Par ailleurs le rapport ne propose aucune piste pour lui donner de réels moyens d’agir. Le pire est à venir quand le même rapport propose carrément la fusion dans une même instance du CHSCT et des DP dans les entreprises d’au moins 50 salariés. Le patronat peut dire merci!
Il y a les fausses bonnes idées comme de «fixer à cinq jours par mandat la formation des élus au CHSCT quelle que soit la taille de l’établissement». En effet, comme dans le même temps la proposition n° 9 propose d’allonger la durée du mandat de 2 à 4 ans (ce qui est une trés mauvaise idée), en définitif on réduit le temps de formations. En effet, du coup il sera en fait de 5 jours pour ceux qui disposaient de 5 jours par mandat (soit 10 jours au total sur 4 ans) et le gain ne sera que d’une journée pour ceux qui en avaient 3.
Autre mauvaise idée, le rapport propose à chaque branche d’établir «le référentiel des compétences attendues d’un élu CHSCT et des délégués du personnel» et d’«associer à ce référentiel, un référentiel de formation qui servira de base aux agréments des organismes de formation» (proposition 27). Cela revient à réduire le rôle politique des instituts de formations syndicales dans la définition des enjeux de formation propre à l’action syndicale et à techniciser les représentants du personnel. Quand en plus on propose de mettre en place une formation supplémentaire pour le secrétaire et président de CHSCT (propositions 28 et 29), c’est alors verticaliser l’instance.
Plus grave, de nombreuses idées dangereuses sont insérées dans ce rapport, comme par exemple la proposition de réduire de 15 jours à 3 jours le délai d’envoi des convocations et la date des réunions. Cette réduction du délai empêcherait bien entendu les élus au CHSCT de prendre pleinement connaissances des questions liées à l’ordre du jour, d’en parler à leurs collègues et donc de rendre un avis en fonction du « travail réel ». le rapport propose aussi au médecin du travail de sous-traiter sa présence, qui serait donc effectuée par un salarié ne bénéficiant pas de la protection inhérente au poste de médecin du travail.
Toujours aussi inquiétant, la rapport déroule plusieurs propositions qui affirme une volonté de contrôle renforcé des cabinets d’expertises agréés présentés comme des coupables en puissance (comme par le MEDEF) alors que cette profession est déjà considérablement réglementée, l’agrément étant loin d’être une simple formalité.
Seule avancée notable, l’arbre qui cache la forêt, la proposition de mettre en place l’élection directe des membres du CHSCT, qui est une de nos revendications. Malheureusement c’est surtout pour mieux faire passer l’allongement du mandat de 2 à 4 ans. Cela risque notamment d’écarter de nombreux jeunes militants de cette instance.
Pour Solidaires, le CHSCT reste une instance à développer jusqu’au droit de véto
L’intervention syndicale sur la santé au travail peut s’appuyer particulièrement sur les CHSCT, dont les prérogatives peuvent être des contraintes imposées aux employeurs. En particulier, le droit d’expertise des CHSCT, même limité, ainsi que l’élaboration des documents uniques d’évaluation des risques professionnels (DUERP), sont des armes importantes pour contester les choix d’organisation du travail des employeurs publics et privés.
Pour autant, cette instance a aussi ses limites. En particulier, les CHSCT version Fonction Publique n’ont pas les mêmes prérogatives que les CHSCT de droit privé, et les moyens de contraintes sont beaucoup plus limités. L’union Solidaires se bat pour remettre en cause cet état de fait en élargissant les compétences de CHSCT « Fonction Publique ».
D’une manière générale, nous revendiquons une évolution plus favorable des droits des CHSCT. Ainsi le droit d’alerte du CHSCT, doit être étendu aux risques liés à l’organisation et l’intensification du travail ainsi qu’aux méthodes de management. Un véritable droit à la formation doit exister sur les risques avérés dans l’entreprise (risques psychosociaux, troubles musculo-squelettiques, risques majeurs). Les moyens des CHSCT doivent aussi évoluer avec l’attribution de moyens d’enquêtes, d’expertises. La formation syndicale doit être considérablement renforcée avec une formation de 5 jours minimum par an. Le renforcement des liens entre les « acteurs de la prévention » (CHSCT, médecins, assistants sociaux, préventeurs) doit permettre aux CHSCT de bénéficier de tous les éléments concernant la santé et la sécurité des salarié-e-s.
Il doit y avoir la possibilité pour les délégués des entreprises utilisatrices de défendre les intérêts des salarié e s des entreprises sous-traitantes, à la demande de ces derniers, et d’intégrer ces salarié-e-s pour toutes les questions vues en CHSCT. La protection des élu e s et représentant e s CHSCT dans l’exercice de leurs fonctions doit s’accompagner de sanctions plus lourdes contre les employeurs qui se rendraient coupables de délits d’entrave.
Dans les grandes entreprises, ou dans les entreprises écla- tées sur de multiples sites, nous revendiquons la définition d’un CHSCT national (CNHSCT), qui permette d’impulser et de contrôler des politiques nationales de prévention en matière de santé et de sécurité au travail. Ce CNHSCT doit avoir des compétences et des pouvoirs nationaux comparables aux CHSCT (consultation, information, droit d’expertise…), sans pour autant entamer ou diminuer les prérogatives des CHSCT locaux.
Le CHSCT doit être constitué dans les entreprises (et non les établissements) de plus de 20 salarié e s. L’élection du CHSCT doit être faite au scrutin direct, avec un mandat de deux ans, car trop souvent les salarié e s ne connaissent par leurs représentant e s.
Enfin, l’union Solidaires revendique un véritable droit de veto, beaucoup plus fort qu’une simple information-consultation, sur des décisions des employeurs qui seraient en mesure de nuire à la santé et à la sécurité des salarié-e-s.