Après les agriculteurs, des salariés de l’agroalimentaire victimes des pesticides… à qui le tour ?
En France, sur certains ports, des Hommes, des salariés de l’agroalimentaire surtout, mais aussi des dockers et des chauffeurs routiers, se retrouvent exposés, parfois surexposés, à des pesticides qui servent à la conservation de céréales. Ces faits méconnus commencent à être rendus public grâce à l’action des organisations syndicales, d’associations et de chercheurs.
Des salariés malades et méprisés par leur direction.
Alors que leur métier ne les prédisposait à se retrouver en contact avec les pesticides, des hommes salariés d’une entreprise d’agroalimentaire bretonne qui se trouve être l’« un des acteurs majeurs de la nutrition animale sur le Grand-Ouest1 », ont été intoxiqués par des pesticides (interdits) se trouvant dans des hangars stockant des céréales. Ces salariés de l’agroalimentaire demandent aujourd’hui justice et réparation. Certains d’entre eux connaissent depuis de graves problèmes de santé.
Depuis 2011, l’Union syndicale Solidaires, Solidaires Bretagne et Solidaires Industrie, avec le soutien des associations Générations Futures et Phyto- Victimes, soutiennent les salariés engagés dans ce combat.
Gravement intoxiqués par des pesticides interdits, Stéphane Rouxel et Laurent Guillou ex-salariés de l’entreprise Nutréa-Triskalia de Plouisy dans les Côtes d’Armor mènent depuis trois ans un combat de tous les instants pour faire reconnaître leur maladie, exiger réparation et dénoncer le scandale sanitaire et environnemental que représente aujourd’hui l’utilisation irresponsable des pesticides dans l’industrie agroalimentaire.
Accidentés du travail et empoisonnés, Stéphane et Laurent ont finalement été licenciés par leurs employeurs, qui n’ont fait aucun effort pour les reclasser et encore moins pour les indemniser. Atteints tous les deux d’une maladie très invalidante, l’hypersensibilité aux produits chimiques multiples (MCS en anglais), ils n’ont pas retrouvé d’emplois, ont épuisés leurs droits au chômage et n’ont plus aujourd’hui comme ressource que le Revenu de Solidarité Active (RSA) pour vivre avec leur famille.
Voilà la triste réalité que vivent aujourd’hui ces ex-salariés du plus grand groupe agroalimentaire breton, groupe dont on a pu voir en décembre dernier, les dirigeants manifester à la tête des bonnets rouges, tenant en étendard des drapeaux bretons dans les rues de Quimper. Il est facile d’afficher son identité bretonne quand on manifeste tant de mépris pour la santé de travailleurs bretons.
Pour obtenir réparation, Laurent Guillou et Stéphane Rouxel, défendus par Maîtres François Lafforgue et Camille Lasoudris du cabinet Teissonnière ont engagés trois procédures judiciaires. L’une devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Saint Brieuc pour qu’il statue sur la fixation de leur taux d’incapacité professionnelle permanente (IPP) et sur la faute inexcusable de l’employeur. Une autre devant le Tribunal des Prud’hommes de Lorient et une troisième au pénal pour mise en danger de la vie d’autrui, auprès du Tribunal de Grande instance de Saint Brieuc.
Le 20 février 2014 c’est la faute inexcusable de l’employeur qui aurait du être jugée par le TASS de Saint Brieuc. Ce fut l’occasion à l’appel du Comité de soutien des salariés de Nutréa-Triskalia, d’être nombreuses et nombreux à nous mobiliser pour soutenir Laurent Guillou et Stéphane Rouxel afin d’exiger que la faute inexcusable de l’employeur soit reconnue et qu’enfin justice leur soit rendue. Malheureusement l’entreprise Nutréa-Triskalia a demandé un report et il faudra désormais attendre le 5 juin pour que justice commence à être rendue, plus de quatre ans après les faits.
L’omerta qui règne aujourd’hui dans notre pays autour des pesticides doit être levée, L’entreprise Triskalia a attenté cyniquement à l’intégrité physique de ses salariés, mettant en danger délibérément leur vie. Elle a tout aussi délibérément contaminé des animaux destinés à l’alimentation humaine.
Une telle conduite de la part des dirigeants appellent sanction exemplaire. La Bretagne n’est pas encore une zone franche, exempte de toute loi et norme, comme le réclament certains. La Bretagne est régie par les lois de la République. Elles s’appliquent avec toute la sévérité qui s’impose aux citoyennes et citoyens qui les contreviennent, quel que soit leur rang, leur fonction, leur poids économique.
Il n’est pas admissible que pour optimiser ses profits et spéculer sur les cours des céréales, une entreprise puisse utiliser impunément et massivement des pesticides y compris interdits comme le Nuvan total (Dichlorvos, neurotoxique interdit depuis 2007) pour traiter et conserver des céréales destinées à la fabrication d’aliment pour bétail au lieu de les ventiler mécaniquement et cela au mépris de la santé des salariés, des animaux à qui étaient destinés ces aliments et au final au mépris de la santé de tous les consommateurs.
L’Union syndicale Solidaires auditionnée le 3 juillet 2012 par la Mission commune d’information sur les pesticides et la santé du Sénat a eu l’occasion de rappeler quelques unes de nos exigences :
- le renforcement des contrôles et des moyens de l’inspection de travail
- la nécessité constituer des IRP au plus près des salariés, au niveau d’un bassin d’emploi, avec des représentants spécialisés en matière de risques des produits phytosanitaires.
- une réforme des services de santé au travail (SST) qui règle d’une part le problème de la démographie médicale et d’autre part celui de l’indépendance des médecins du travail.
- une réforme importante du système d’autorisations de mise sur le marché. Il est aberrant de transférer à l’État la responsabilité des altérations de la santé des travailleurs qui auront lieu. Il revient aux fabricants de pesticides d’assumer cette responsabilité et de s’assurer que les équipements de protection industrielle pour se protéger des produits qu’ils fabriquent existent bien.
Nous continuerons à soutenir les ex-salariés de l’entreprise Nutréa-Triskalia de Plouisy dans les Côtes d’Armor dans leur combat pour la justice et le respect de leurs droits, notamment le droit à la santé.
Plus d’infos :
- sur le site du Sénat
- Générations futures
- Phyto-Victimes
1 Référence tirée du site de la société