Il se dit ça ou là que le président Macron n’aimerait pas les mots pénible ou pénibilité car selon lui, « ça donne le sentiment que le travail serait pénible ». Il l’aurait même affirmé en public à Rodez début octobre 2019. C’est sans doute pour cette raison aussi qu’au 1er octobre 2017 le compte professionnel de prévention (C2P) a remplacé le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P). Le dit compte ne retient d‘ailleurs plus compte que de six facteurs de pénibilité au lieu de dix antérieurement et sera financé par la branche AT/MP. Les deux cotisations patronales prévues à l’origine sont ainsi supprimées. Le terme de pénibilité a même disparu du Code du travail ; il a été remplacé par « facteurs de risques professionnels ». Cela n’empêchera pas Solidaires de continuer à parler de pénibilité au travail, car c’est une réalité pour énormément de travailleuses et de travailleurs.
Essayer d’opposer les un·es aux autres, c’est pénible
Depuis des mois, on entend parler des régimes spéciaux à longueur de temps dans les interventions des ministres du gouvernement Philippe. On a d’ailleurs jamais vu autant de ministres s’intéresser au sort des chauffeurs de bus du Havre, de Toulouse ou ailleurs. Tout ça pour, comme toujours, essayez de monter une partie de la population qui souffre, contre une autre partie de la population qui souffre tout autant de conditions de travail souvent indignes, et en tous les cas pénibles.
Sous prétexte d’universalité, il s’agit ni plus ni moins que de maintenir durablement les inégalités. En effet, quid de l’espérance de vie inférieure de dix ans pour un ouvrier par rapport à un cadre ? Ce que d’aucun nomme « régimes spéciaux » ce n’est qu’un maigre début de prise en compte des inégalités d’espérance de vie et encore plus d’espérance de vie en bonne santé, que l’absence quasi totale de mesures de prévention rend pour l’heure inévitables.
Alors oui le travail est pénible pour celles et ceux qui travaillent la nuit, qui portent des charges, qui ont des cadence imposées, qui subissent des contraintes physiques, etc. Les facteurs de pénibilités sont nombreux, ils marquent les corps et les esprits, ils brisent des vies et réduisent le temps de vie.
« Ne pas perdre sa vie à la gagner » !
Pour l’Union syndicale Solidaires la question de la prise en compte de la pénibilité du travail est essentielle. Si travailler comporte toujours des aspects contraignants, le travail devrait également permettre un épanouissement des travailleurs et des travailleuses.
Dans le système capitaliste, le travail est une marchandise et les contraintes multiples auxquelles sont soumises les salarié·es n’ont pas d’importance face au rouleau compresseur imposé par les marchés financiers. Le capitalisme libéral ne fait qu’aggraver le phénomène au nom du droit d’entreprendre « sans entrave ».
Le travail est non seulement fatiguant, épuisant parfois, mais aussi dangereux, intenable…
Prendre en compte la pénibilité du travail ce serait donc analyser l’ensemble des facteurs, des procédés, des produits, des organisations qui ont des conséquences néfastes sur la santé.
Travailler aujourd’hui c’est être soumis à l’arbitraire et aux inégalités : inégalités entre les sexes, les catégories sociales, inégalités salariales grandissantes, inégalités dans l’espérance de vie en bonne santé…
Avec les textes sur la pénibilité, ces inégalités ne sont pas remises en question et la prise en compte de la santé relève du discours et de la communication patronale plutôt que des actes : la pénibilité est limitée aux risques physiques, alors que la pression au travail, l’intensification du travail, le stress professionnel ne sont pas pris en compte.
Pour l’Union syndicale Solidaires, il s’agit d’abord, avec les salarié·es concerné·es de poursuivre l’action collective pour faire reculer la pénibilité mais aussi la fatigue physique et mentale, les multiples atteintes à la santé, les inégalités sociales, les précarités… Une très grande majorité des salarié·es est concernée par ces questions. Notre objectif est donc de nous appuyer sur les textes quand ils nous permettent d’avancer, d’obtenir des améliorations et de construire des mobilisations. Mais nous voulons aller beaucoup plus loin dans la remise en cause des multiples contraintes qui pèsent sur celles et ceux qui créent et qui produisent des biens et des richesses utiles à la société.
La mobilisation et la grève sont indispensables pour permettre de conquérir de nouveaux droits pour toutes celles et ceux qui ont des conditions de travail pénibles. Nous avons toutes et tous droits au repos, à une dolce farniente, à notre part de paradis. .