(suites de l’article paru dans le numéro 44)
Les alertes des experts
- La situation existante et le contexte de réforme à venir nous ont conduits à poser un diagnostic d’alerte grave auprès du CHSCT et de l’autorité territoriale.
- Nous voulons souligner que les choix actuels, conjugués aux évolutions passées, engendrent un risque grave sur la santé, pour les agents de l’ONF.
- les symptômes identifiés sont révélateurs d’un mal-être qui, à long terme, peut être générateur de pathologies voire d’atteintes irréversibles, d’où l’urgence d’agir.
- Ainsi, le risque majeur identifié pour le COP de l’ONF Bourgogne Champagne Ardenne est l’accroissement du débordement des agents. Les amplitudes horaires, déjà importantes et dépassant de manière très fréquente les horaires de travail normaux, seront accrues pour les personnels.
- La surcharge les exposera à l’usure, à l’épuisement, avec à la clé les risques de burn-out, accident routier,…
- Les effets sur la santé à prévoir sont l’usure (physique et psychologique) et le stress, réputés comme facteurs d’erreurs, d’accidents et quantité de troubles physiologiques.
- On peut ainsi s’attendre à une augmentation des troubles psychosociaux en lien avec des facteurs de risques (accroissement de la charge de travail, abandon des missions et perte de sens du travail).
- Les situations dramatiques à envisager sont de l’ordre de celles analysées par les différentes commissions d’enquête décrites dans ce rapport,
Commentaire : Si nous n’avons jamais pensé « hurler au loup », l’ampleur des alertes et l’unanimité des experts nous a tout de même ébranlés. Ces alertes engagent clairement la responsabilité des décideurs : là ils ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas. Leur obligation de résultats en matière de santé au travail ne peut pas être plus « aiguë ». Mais en ont-ils suffisamment conscience pour changer vraiment de cap ?
Les recommandations
L’arrêt des suppressions de postes est, comme on l’a vu, la recommandation centrale de nombreux experts. Point intéressant : plusieurs d’entre eux ont exposé que si les suppressions de postes visaient à réaliser des économies, à l’ONF elles avaient atteint un tel niveau qu’elles devenaient contre productives économiquement parlant : l’économie induite étant désormais inférieure à la perte économique engendrée. C’est un raisonnement que nous exposons depuis un moment : le service public a un coût celui de l’investissement dont l’analyse
ne prend un sens que quand on étudie le retour sur investissement à savoir le bénéfice en terme d’intérêt général. Force est de reconnaître que ce raisonnement d’essence économique ne rencontre que peu d’écho chez nos décideurs. Mais leur but est-il vraiment l’intérêt général ? Les suppressions de postes n’ont-elles pas une visée plus idéologique qu’économique ?
D’autres préconisations ont été mises en avant, voici les plus significatives:
- Le schéma organisationnel dans lequel s’inscrit l’ONF depuis 2002 doit, selon eux, être remis en question. L’organisation du travail doit être repensée sous l’angle de la réparation de la santé des personnels. La santé doit être, au regard de l’ampleur des risques constatés, un critère d’évolution et les hommes doivent être remis au centre du management.
- Les experts ont unanimement jugé inappropriés les outils dont la direction se sert pour peser l’activité des postes (Indice Global d’Activité). Ils recommandent d’analyser le travail réel par une étude des charges de travail digne de ce nom. Ils ont insisté fortement sur l’absolue nécessité d’effectuer un travail pour restaurer des liens de confiance et une communication saine (sic) avec le personnel.
- Il est jugé urgent de mettre en place un dispositif d’alerte afin d’identifier les personnels dont l’état de santé est préoccupant afin de mettre en place les mesures nécessaires à l’amélioration de leurs conditions de travail.
Quand les expertises suggèrent de nouvelles pistes de travail
Comme on pouvait l’espérer, le fait que des regards extérieurs experts de surcroît se posent sur nos réalités pouvaient modifier nos perspectives et suggérer de nouvelles pistes de travail. Cela a été le cas. Certains rapports sont allés très loin dans l’analyse de nos missions et de notre fonctionnement. Il en a résulté une remise en lumière forte du travail réel, de ses difficultés, de nos métiers, de leur utilité voire, n’ayons pas peur des mots, de leur noblesse. Le défaut de reconnaissance de l’engagement et de la technicité, savamment entretenu par un employeur souhaitant faire faire un travail donné par un salarié toujours moins payé, joue un rôle important dans la souffrance au travail. Nous avons certainement un rôle à jouer dans ce domaine en œuvrant à réhabiliter métier et stature de celui qui l’exerce.
De même alors que la spécialisation et l’individualisation produisent cloisonnement mental et isolement recherché du salarié, certains rapports d’expertise insistent sur les liens entre métiers et entre personnels pour au final redessiner des collectifs. Ils sont décrits comme mal en point mais ils sont bien là et il nous appartient syndicalement d’essayer plus encore qu’aujourd’hui de les renforcer. Dans le même ordre d’idée, les expertises sont fortement convergentes sur un point qui fait très mal : la montée des tensions, des conflits et trop souvent de la violence entre les personnels. Si cette dérive ne nous avait pas échappé justifiant d’actions ponctuelles, l’ampleur décrite par les expertises nous interpelle fortement. Du pain sur la planche !!!
Des années de travail militant pour quels résultats et quelles suites ?
Au-delà des résultats déjà évoqués, on peut relever que suite aux expertises la direction a ouvert une négociation sur l’organisation du travail qui a permis de réduire le fonctionnement matriciel mais sans revenir sur les suppressions de postes programmées jusqu’en 2016. Dans le contrat Etat/ONF 2016-2020 qui vient d’être validé, il n’est prévu aucune suppression d’emplois à l’ONF de 2017 à 2020. La direction en fait bien sûr des tonnes sur cette annonce et l’attribue aux expertises CHSCT qui auraient convaincu le gouvernement de mettre un terme à 15 années consécutives de baisse des effectifs (-22%) à l’ONF. Le problème du financement structurellement insuffisant du service public forestier n’étant pas résolu par ce nouveau contrat, ce qui se profile c’est la poursuite des déficits et ça n’est pas avec des déficits qu’on maintiendra l’emploi… De plus ce contrat prévoit de remplacer 8 % des emplois fonctionnaires par des emplois contractuels de droit privé en 4 ans. Après la fonte des effectifs, la privatisation de l’emploi. Différentes mesures prévues par ce contrat montrent que la santé des personnels n’est toujours pas la priorité ni même une préoccupation de nos décideurs. D’un côté la direction, toute à son obligation de moyens, multiplie les plans d’action santé au travail moins opérationnels les uns que les autres comme autant de bouées de sauvetage qu’on lance à la mer.
De l’autre côté elle continue sans cesse de percer de nouvelles voies d’eau. Voyez plutôt le programme jusqu’en 2020 : suppression de 100 postes en 2016, suppression de sites et du centre national de formation, accroissement important des charges de travail, renoncement à la qualité et à l’éthique de gestion, accroissement des tensions au sein des équipes par la multiplication des statuts pour faire le même travail… A croire que la direction s’est définitivement attribué un droit à un certain quota de casse humaine.
De quoi baisser les bras ? On n’y pense même pas : au SNUPFEN Solidaires, on n’est pas venu pour ça. Les expertises nous ouvrent de nouvelles voies, on va les prospecter. Ce contrat est mauvais ? Il faut donc résister et mobiliser plus fort pour pouvoir le casser. Et puis mine de rien, pour parler préjudice, responsabilité et mise en danger, avec nos petites expertises, on est tout de suite mieux armés.