Shenzhen est une ville du sud est de la Chine, autrefois simple village, elle compte aujourd’hui 30 millions d’habitant-es venu-es des zones rurales les plus pauvres pour y trouver du travail. En 1978, la Chine autorise les investissements étrangers, notamment en provenance de Taïwan et de Hong Kong. De nombreuses usines y sont installées. C’est la cas du géant de la télécommunication taïwanais, Foxconn qui y produit les iPhones d’Apple et y emploie des dizaine de milliers de travailleurs et travailleuses.
Les conditions de travail y sont telles que le nombre de suicides y augmente de façon catastrophique dans les années 2000, ce que les autorités locales ne peuvent plus feindre d’ignorer. Ces dernières font pression sur Foxconn pour augmenter le salaire moyen des ouvriers et ouvrières, qui va être doublé en 2010. Mais cela ne change rien aux conditions de travail effectives dans l’usine. Foxconn délocalise alors une partie de la production à l’ouest du pays, Zheng Zhou où la main d’œuvre est moins « chère ».
Pour l’usine de Shenzhen, Foxconn a alors une idée, embaucher des étudiant-es « en formation » : « l’avantage » est qu’ils et elles sont employé-es sur des périodes plus courtes, pendant les pics de production, qu’ils et elles ne se plaignent pas ou moins et sont de toutes façons remplaçables du jour au lendemain, le tout sous couvert de « formation professionnelle » et avec l’aval du gouvernement local. Les étudiant-es qui y travaillent décrivent des conditions dignes du 19è siècle : ils ne sont pas formé-es mais doivent tout de suite s’adapter à des cadences de travail calquées sur le taylorisme le plus poussé, avec des ouvrier-es plus expérimenté-es, des objectifs de production par jour irréalisables. Quand ces objectifs ne sont pas atteints, c’est non seulement celle ou celui qui n’y est pas arrivé qui est « puni » en ne touchant pas la misérable prime promise (et pourtant nécessaire, vu le niveau des salaires), mais aussi l’ensemble des autres travailleurs et travailleuses de son unité de production et leur supérieur hiérarchique.
La pression est énorme, surtout qu’en période de pic de la production, avant la sortie d’un nouvel iPhone, en général de juillet à septembre et avant les fêtes de Noël, les journées de travail peuvent atteindre 15 heures ! Pour un salaire de 300 euros par mois, environ, ce qui est à peine de quoi vivre et se loger dans une ville où l’afflux des populations cherchant du travail et la spéculation immobilière sont énormes. Résultats : des accidents du travail, des mutilations, des burn out et dépressions, des suicides, à nouveau. Les heures supplémentaires lors des pics de production ou des week-ends… ne sont pas payées.
Pour accroître encore ses bénéfices, Foxconn a robotisé ses chaînes, remplaçant 1/3 des ouvrières et ouvriers notamment délocalisés à Zheng Zhou. Les employé-es doivent s’adapter aux cadences des machines, les stratégies collectives qui consistaient à ralentir le travail de façon concertée pour souffler deviennent inopérantes, et les pressions physiques et psychologiques augmentent.
Ils et elles ne peuvent pas compter sur le syndicat maison, affilié à l’AFCTU, confédération syndicale chinoise qui est une courroie de liaison de l’Etat. SACOM a mené des campagnes pour dénoncer cet état de fait, dont dernièrement pour la sortie de l’iPhone X, dont le « coût du travail » représente moins de 0,5% du prix de vente de l’objet de luxe.
Solidaires y a modestement participé en organisant un rassemblement devant l’Apple store de St Germain à Paris le 3 novembre. Depuis des années SACOM dénonce les suicides, les accidents du travail et toutes les formes d’exploitation dont sont victimes les travailleuses et travailleurs du sous-traitant d’Apple. Apple, depuis, a annoncé dans The Guardian , une politique de « 0 tolérance » concernant le non respect du droit du travail dans l’usine de Shenzhen. C’est une petite victoire, mais il restera à surveiller l’application de ces déclarations dans l’avenir.
Pour résumer, nous avons : une multinationale, Apple, qui fait appel à une autre multinationale, Foxconn, qui travaille en Chine et profite de la complicité de cet Etat autoritaire pour exploiter les travailleurs et travailleuses chinois. Un paradigme du capitalisme sans fard, tel qu’il tend toujours à rechercher les profits en méprisant l’humain avec la complicité de l’Etat. Et c’est le cas de très nombreuses multinationales à Shenzen et en Chine plus généralement. Comme ce dernier pays, du fait de la révolte de travailleurs et travailleuses au tournant des années 2010, a été contraint d’améliorer sa législation du travail, c’est maintenant vers la Cambodge, le Vietnam… que se tournent ces multinationales, à commencer par… les chinoises. Multinationales, exploitations multiples : Stop MultiXploitation !