C’est également en Asie et dans un contexte d’extrême exploitation que se situe l’essentiel de l’industrie des semi-conducteurs, composants électroniques dédiés aux smartphones et autres téléphones portables, au profit des plus grands groupes comme Apple et Samsung1. L’ONG China Labor Watch constate et dénonce ainsi depuis des années l’absence de contrats de travail pour un grand nombre de salariés, des amplitudes horaire démesurées, des heures non payées mais également le travail d’enfants de moins de 16 ans2. La santé des travailleurs est également gravement compromise par le recours important aux produits chimiques.
En avril dernier, à Taïwan, 529 anciennes ouvrières de RCA, une filiale de Thomson (aujourd’hui Technicolor), ont obtenu au terme de 18 ans de lutte la condamnation du groupe français devant le tribunal de Taipei pour les avoir exposées à des produits cancérogènes, comme le trichloréthylène : parmi les 80 000 ouvrières passées par les usines RCA entre 1971 et 1992, près de 1 500 cas de cancers ont été recensés, dont déjà 200 cas mortels3.
En Corée du Sud, le puissant conglomérat Samsung vient de débloquer un fonds de 78 millions d’euros pour dédommager ses ouvriers victimes de leucémies. C’est le résultat de près de 15 années d’une bataille médico-juridique menée par les parents de victimes, avec le soutien de Sharp (Supporters for the Health and Rights of People in the Semiconductor Industry), une organisation pour la défense des travailleurs dans le domaine des semi-conducteurs, et celui de la Confédération syndicale des travailleurs coréens (KCTU).
Mais si Samsung a accepté de présenter des excuses publiques aux familles de victimes – une démarche très importante en Corée – et d’abonder ce fonds d’indemnisation, il persiste à nier le lien entre ses procédés de production et la survenue des maladies, arguant également du secret industriel pour ne rien dévoiler des produits utilisés. Ces 7 dernières années, 320 travailleurs pour Samsung et d’autres fabricants auraient contracté un cancer, 124 en seraient déjà décédés4.
Les cancers – du sang mais aussi du cerveau, du sein, de l’estomac ou du système lymphatique – touchent un personnel très jeune, âgé de 20 à 30 ans, féminin pour l’essentiel. Le travail en « salles blanches » serait le plus concerné. Là s’effectue le « lavage » des composants électroniques au moyen d’acides et de solvants parmi lesquels le benzène et le formaldéhyde, tous deux cancérogènes, dans un contexte de carence en information sur les risques encourus et en moyens de protection (ventilation efficace et masques adaptés).
Cette situation alarmante n’est pas sans nous interroger sur les conditions de travail en France et les risques cancérogènes dans la filière de l’électronique. Au début des années 2000, un collectif s’était inquiété de l’existence d’un taux anormalement élevé de cancers du testicule et de leucémie chez les travailleurs d’IBM France, à Corbeil Essonne, en lien avec les éthers de glycol5. Les équipes syndicales sont souvent les premières à pouvoir lancer l’alerte… à condition d’y être attentives.
Soutenir Sharp (en anglais)
1 Se reporter au dossier « industrie électroniques » de l’Observatoire des multinationales : http://multinationales.org/Industries-electroniques
2 www.chinalaborwatch.org/upfile/2014_07_10/2014.07.10%20Shinyang%20Electronics.pdf
3 Le Monde du 12/05/2015.
4 Emission de la Radio Télévision suisse du 14/04/2015, « les victimes cachées de nos Smartphones » : www.rts.ch/emissions/abe/6587854-les-victimes-cachees-de-nos-smartphones.html
5 www.liberation.fr/societe/2001/04/19/fort-relent-de-cancer-autour-des-ethers_361710