Le syndicalisme dans les TPE, ça passe aussi par le respect des conditions de travail.

On connaît bien maintenant le rôle du défenseur syndical. Mais plus méconnu est celui de mandaté-e d’une organisation syndicale devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (article L144-3 du code de la sécurité sociale).
Il faut rajouté qu’un-e- salarié-e « exerçant la même profession » peut aussi les défendre.

C’est ce dans quoi je me suis lancée, avec l’aide des camarades de l’Union locale Solidaires de Montreuil (93), pour assister Issouf.
Il a travaillé dans un chantier parisien en été 2011. Manœuvre pour une entreprise qui faisait la vitrerie, sans papiers, il était payé 40 euros par jour, en espèces.

Le 29 juillet 2011, il est victime d’un accident du travail sur le chantier. Comme souvent, l’accident aurait pu être évité.
L’employeur lui demande de l’aider à transporter des fenêtres en double vitrage pour les amener du point de livraison dans la rue, au 5ème étage de l’immeuble en rénovation.

Pour ce faire, ils n’ont à leur disposition qu’un chariot de manutention de cartons, composé d’un simple manche et d’un plateau, était utilisé pour déplacer la charge: 3 fenêtres à double vitrage, réunies solidairement par filmage pour la livraison, d’un poids total de 180 kgs et d’une superficie de 2m2 chacune, selon les constats de l’inspection du travail.
Normalement, on utilise des chariots spéciaux, avec des panneaux et des système d’attache pour les charges. Là, on fait à l’arrache !

Comme le chariot est petit, et que le fond plat n’est pas pratique, le « paquet » étaient d’une part posées sur le manche et d’autre part transversalement sur le plateau.L’employeur et le livreur de la société-vendeuse du matériel tiraient le chariot vers l’avant à l’aide du manche.
M. DIAKITE était placé en arrière, affecté par sont employeur à la stabilisation de la charge, au seul moyen de ses mains et de ses jambes. Évidemment, la charge n’était pas arrimée.

Évidement, au premier bout de trottoir pour accéder au chantier, la charge est déstabilisée, glisse vers l’arrière, directement sur le pied de Issouf.
Il est transporté par les pompiers, et hospitalisé à l’hôpital. Une fracture de la cheville, importante, nécessite son opération et son hospitalisation: Issouf passera des semaines au foyer, blessé, puis sera opéré 1 fois, sans compter les nombreuses séances de kiné.

Il débarque un an après: il s’est fait trimballer par un syndicat, dont on taira le nom, qui lui a expliqué qu’il ne « pouvait rien faire ». Sauf qu’un sans-papiers, comme les autres travailleurs, a droit à la reconnaissance de son accident du travail.
Et que tout salarié-e peut déclarer lui/elle-même son accident du travail, dans un délai de un an.

Première étape: la reconstitution des preuves, rendu difficile par le travail au noir:police, inspection du travail sont sollicités.
Deuxième étape: la reconnaissance de l’accident du travail. Cela se fait assez vite, le dossier étant à présent solide.
Troisième étape: la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur! Du fait de la liquidation judiciaire, on saisit directement le TASS, avec pour adversaire la CPAM et un mandataire judiciaire qui n’a rien dans le dossier…. Les conclusions sont rédigées avec l’aide d’un camarade de l’UL qui a déjà monté une procédure similaire.
Les juges ont décidé que l’obstacle du trottoir était « imprévisible »… Les trottoir, c’est pénible, ça traverse sans prévenir…

Mais on est des « lâche-rien »: en appel, on gagne !

Aujourd’hui, on attend l’expertise médicale qui permettra réparation des préjudices d’Issouf… Un peu d’argent en réparation. Patron va bien: il a esquivé les poursuites pénales par un simple « rappel à la loi » et n’a rien à payer, car il s’est protégé par la liquidation judiciaire.
C’est la collectivité qui paiera pour ses manquements, mais elle assure à Issouf, manœuvre sans-papiers, quelques réparations.
Mais l’apport de l’UL a été décisif pour la défense des intérêts de Issouf, qui entre temps s’est syndiqué…

Une défenseuse syndicale de Solidaires 93