Il aura fallu attendre la dernière séance parlementaire du quinquennat pour que la loi sur le devoir de vigilance des entreprises soit adoptée. Sans l’acharnement d’une petite poignée de parlementaires, à l’assemblée, au Sénat mais aussi à Strasbourg, cette loi à l’initiative des ONG après de nombreuses catastrophes de Bhopal au Rana Plaza n’aurait jamais vu le jour.
Le MEDEF n’aura pas lésiné sur les moyens pour s’y opposer, notamment avec ses nombreux appuis du Sénat, qui a rejeté le projet à chaque session. Validée sur le fond par le conseil constitutionnel (excepté cependant l’amende initialement prévue en cas de non-respect), elle est applicable à minima sans la nécessité du moindre décret ! Cependant telle que formulée, elle n’impose aucune réelle contrainte économiques aux entreprises : elle se limite à saisir le pouvoir privé pour en faire le support de sa propre régulation.
Le devoir de vigilance s’appliquera aux 150 plus grosses entreprises françaises, allant de Auchan, mise en cause dans le drame du Rana Plaza, à PSA, Airbus, sans oublier Bouygues et tous les donneurs d’ordre de l’économie dont les banques, et même certaines sociétés prestataires de services, et aussi La poste.
Ces sociétés devront établir des « ….mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques, et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement , résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu’elles contrôlent [..] directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs …» (article 1er).
C’est donc à elles-mêmes qu’incombera la responsabilité du respect de règles d’éthiques sur la conception et fabrication de leurs produits quel que soit le lieu concerné. Des procédures d’évaluations devront être mise en place, incluant « des actions adaptés d’atténuation des risques ». Un mécanisme d’alerte et de recueil des risques devra être « établi en concertation avec les organisations syndicales représentatives ».
Et c’est là que pointent les limites même de ce texte. Aujourd’hui toutes ces sociétés se parent de vertu : pour la plupart sponsors de la COP21. Pourtant EDF, Areva, Renault, Sanofi, Total et les autres n’ont pas à se flatter de leurs bilans sociétaux ou environnementaux à l’échelle de la planète. Certes le texte « oblige à réparer le préjudice que l’exécution de ces obligations aurait permis d’éviter », encore faudrait-il que soient identifiés les préjudices, car si il est facile de mettre en évidence l’effondrement d’un château de carte, comment quantifier les conséquences de conditions de travail insalubres, ou les absences de droit syndicaux dans des pays répressifs ?
Un autre travail auprès des institutions international doit se poursuivre, un projet de texte est dans les tuyaux en Europe, soutenu par quelques états, mais ardemment repoussé par la représente du patronat allemand Angela Merkel. Mais dans les entreprises, les parlementaires ou ONG n’auront aucun pouvoir si nous ne nous emparons pas de ce texte pour exiger de nos entreprises de dépasser le simple sociétal-Washing. Et au-delà de l’implication dans les documents des plans de vigilance, c’est aussi sur le terrain en relation avec nos sous-traitants que nous serons à même de vérifier la réelle mise en œuvre de ces plans.
Vu le peu de confiance que nous avons envers nos patrons, le vrai devoir de vigilance s’impose de fait à nous. C’est sur les épaules des syndicats dans chaque entreprise que reposera le succès ou l’échec de cette loi.
Solidaires est membre du collectif éthique-étiquette.