La défaillance de la prévention des risques professionnels tue dans l’indifférence généralisée…

À première vue, 500 décès par an dus aux accidents du travail depuis 2000

Chaque année depuis 2000, le nombre de décès de travailleuses et de travailleurs dus à des accidents du travail stagne à un niveau important d’environ 500 décès. Voici un graphique décrivant cette réalité uniquement pour le régime général puisque les données pour la fonction publique sont soit inexistantes, soit non publiques, soit incomplètes.

Source des données chiffrées : Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés. Tableaux de synthèses de la sinistralité.

Malgré cette hécatombe de décès dans le monde du travail depuis de nombreuses années, les employeurs et les pouvoirs publics refusent de réagir de manière efficace et choisissent l’indifférence. En effet, ces derniers tentent parfois de minimiser la réalité dramatique qui se cache derrière ces données chiffrées en expliquant que la population active a légèrement augmenté sur cette période et donc que la fréquence de ces décès n’est pas si importante tout compte fait… Cependant, le fait est que le patronat et les pouvoirs publics sont plus intéressés par les profits des entreprises et la diminution du coût financier de ces accidents du travail que par la prévention des risques professionnels et l’amélioration des conditions de travail des travailleuses et des travailleurs.

En 2012, Michaël Hajdenberg, journaliste à Médiapart, décrivait cette indifférence dans un billet de blog intitulé « La mort sans bruit de 552 accidentés du travail » : « Le nombre d’accidents du travail mortels était de 2383 en 1971; de 1359 en 1982. Leur fréquence a baissé grâce à une meilleure réglementation (française et européenne) et à la tertiarisation des métiers. Mais depuis quelques années, le chiffre est relativement stable. Est-ce pour cela qu’on n’y prête plus attention? ». Quatre années plus tard, le constat est identique et quasiment rien n’a changé…

Fréquence des accidents du travail : la France championne d’Europe…

En France, le nombre élevé de décès dus au travail est une conséquence directe d’une défaillance dans la prévention des risques professionnels par les employeurs. Pour s’en convaincre, il suffit d’analyser la fréquence des accidents du travail mortels ou non. Voici un graphique d’Eurostat exposant cette fréquence des accidents du travail pour 100 000 salarié-e-s pour 2012 et 2013.

Ainsi, avec 3000 accidents, la France est le premier pays européen en ce qui concerne la fréquence des accidents du travail ayant entraîné un arrêt de plus de quatre jours sur 100000 salarié-e-s du fait de la défaillance dans la prévention des risques professionnels par les employeurs. En effet, Pascal Jacquetin, statisticien à la CNAMTS (Caisse nationale d’Assurance maladie des travailleurs salariés), expliquait en 2012 à Michaël Hajdenberg que « l’analyse des causes montre que tout accident du travail est évitable. Si les entreprises avaient respecté les principes de prévention édictés par le Code du travail, ils auraient pu être tous évités, et même une partie des accidents de la route (112 morts en 2011). Les malaises mis à part, tous ces morts sont scandaleux. Il n’y a aucune fatalité dans ces accidents, même pour les chutes de hauteur dans le BTP. ».

Mais en fait, environ 1200 décès de travailleur-euse-s par an et plus de 20 000 décès depuis 2000 !

Comme évoqué par Pascal Jacquetin, les décès dus au travail ne sont pas uniquement les conséquences d’accidents du travail sur le lieu de travail. En effet, il est nécessaire d’ajouter à ces derniers les décès dus à une maladie professionnelle ou à un accident de trajet lié au travail pour arriver à un total de plus de 1200 décès de travailleuses et de travailleurs par an et plus de 20 000 décès dus au travail depuis 2000! Voici un graphique comptabilisant les effectifs cumulés de ces décès depuis 2000.

Sources des données chiffrées : Pour 2007-2015 : CNAM – Tableaux de synthèses de la sinistralité.
Pour 2004-2008 : CNAM – Rapport de gestion 2008 de la branche accidents du travail et maladies professionnelles.
Pour 2000-2003 : Ministère du travail – Bilans & rapports – Conditions de travail, bilan 2007.

Face à l’ampleur dramatique de ce constat funeste, il apparaît évident que les analyses, uniquement statistiques et financières, et les discours formatés du patronat et des pouvoirs publics sont révélateurs d’un cynisme généralisé où seuls les profits comptent et qui consiste à dissimuler les drames humains, familiaux et sociétaux que représentent les décès de travailleuses et de travailleurs. Il semble donc nécessaire de rappeler que les travailleuses et les travailleurs ne sont pas de simples statistiques ou de simples ressources humaines mais bel et bien des êtres humains ayant le droit de vivre…

Des travailleuses et des travailleurs qui ont perdu leur vie à la gagner au cours des derniers mois…

01/10/16 Paris (75) : un-e ouvrier-e meurt sur le chantier Lancel place de l’Opéra, écrasé-e par plusieurs plaques de verres (250 kg pièce).
∙ 06/10/16 Drôme (26) : un-e apprenti-e bûcheron de 15 ans meurt écrasé-e par un arbre.
∙ 18/10/16 Bas-Rhin (67) : un-e salarié-e bûcheron de 20 ans meurt écrasé-e par un arbre.
∙ 25/10/16 Cordemais (44) : un-e ouvrier-e meurt dans une centrale EDF après une chute d’un échafaudage.
∙ 26/10/16 Longeron (49) : un-e ouvrier-e du bâtiment meurt après une chute de dix mètres.
∙ 28/10/16 Fenouillet (31) : un-e ouvrier-e Renault meurt écrasé-e par un camion.
∙ 08/10/16 Issy-les-Moulineaux (92): deux ouvrier-e-s meurent sur un chantier suite à la chute de leur nacelle d’une dizaine de mètres.
∙ 12/10/16 Grand-Champ (56) : un-e ouvrier-e meurt sur un chantier enseveli sous des gravats.
∙ 13/10/16 Artouste (64) : deux ouvrier-e-s meurent suite à un accident sur le chantier d’une nouvelle télécabine.
∙ 01/11/16 Goven (35) : un-e ouvrier-e meurt sur le chantier d’une maison, la gorge tranchée par une scie à béton.
∙ 09/11/16 Montpellier (34) : un-e ouvrier-e meurt après une chute depuis un pont de construction sur le chantier du doublement de l’autoroute A9.
∙ 15/11/16 Phalempin (59) : un-e salarié-e dépanneur meurt fauché-e par un camion sur l’A1.
∙ 16/11/16 Saint-Jean-de-Maurienne (73) : un-e ouvrier-e meurt dans l’explosion d’une cuve à fioul.
∙ 16/11/16 Saint-Paul (97) : un-e ouvrier-e meurt après une chute depuis un échafaudage.
∙ 19/11/16 Saint-Léger-des-Bois (49) : un-e ouvrier-e meurt écrasé-e par une machine sur le chantier d’aménagement d’un immeuble.
∙ 21/11/16 Desvres (62) : un-e couvreur-se meurt après avoir chuté d’une dizaine de mètres dansl’enceinte d’Arcelor-Mittal (l’an passé 2 intérimaires étaient décédés suite à une chute dans la fonte liquide à 1400°C).
∙ 22/11/16 Prunelli (20) : un-e ouvrier-e meurt dans une marbrerie écrasé-e par des plaques de marbre.
∙ 02/12/16 Saint-Jean-d’Angély (17) : un-e ouvrier-e meurt après une chute de 8 mètres depuis le toit d’un bâtiment.
∙ 03/12/16 Saint-Jean-de-Braye (45) : un-e électricien-ne meurt électrocuté-e dans les locaux de l’entreprise Dior.
∙ 05/12/16 Paris (75) : un-e ouvrier-e meurt broyé-e par une foreuse gare d’Austerlitz.
∙ 07/12/16 Saint-Martin-d’Hères (38) : un-e ouvrier-e meurt après une chute de 20 mètres depuis une plate-forme mobile.
∙ 07/12/16 Nancy (54) : un-e cheminot-e meurt percuté-e par un TER.
∙ 09/12/16 Niort (79) : un-e ouvrier-e de l’usine Canamétal meurt écrasé-e sous une poutrelle métallique.
∙ 10/12/16 Rennes (35) : un-e ouvrier-e de l’usine Cooper Standard de Rennes meurt.

Les conditions de travail des travailleuses et des travailleurs : l’urgence d’un débat populaire

Afin de briser cette logique du fatalisme des accidents du travail et des morts au travail de la part des employeurs et des pouvoirs publics, agir sur les conditions de travail des travailleuses et des travailleurs est urgent! Le collectif « Pour ne plus perdre sa vie à la gagner » qui a organisé des états généraux de la santé des travailleuses et travailleurs les 16 et 17 mars 2016 et un des outils important pour le faire.

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