Les publications juridiques spécialisées en droit social ont fait un large écho à la décision de la cour d’appel de Paris du 13 décembre 2012. Le Chsct de notre établissement fait partie des 8 CHSCT qui après avoir diligenté une expertise sur les conséquences du Plan de Sauvegarde de l’Emploi annoncé en janvier, a demandé l’annulation du PSE pour les risques qu’ils faisaient encourir aux salariés restants. Le syndicat Sud Fnac était aussi intervenant au tribunal.
La décision qualifiée d’historique dans la droite ligne des arrêts SNECMA oblige l’employeur à mesurer et à prévenir les risques induits par son PSE, même et « surtout » s’il s’agit de risques psycho sociaux et rappelle que la surcharge de travail est un risque qui doit être supprimé à la source.
En attendant d’avoir les éléments d’appréciation de la charge de travail sur les salariés restants et des mesures de prévention des Risques Psycho Sociaux, la cour d’appel de Paris a suspendu le projet à l’origine du PSE. Cette décision confirme l’importance du rôle du CHSCT et sa légitimité à agir sur une réorganisation aboutissant à un PSE. C’est le fruit d’une action collective et l’aboutissement du travail de longue haleine du CHSCT de l’établissement.
La Fnac de Lyon Bellecour est le plus gros magasin FNAC de province (180 salariés avant le PSE).
En 2009, les élections professionnelles ont dans l’établissement donné une majorité écrasante à Sud Fnac (80%). Le malaise était prégnant dans l’établissement. Un droit d’alerte avait été déclaré sur le département caisse/accueil suite à un management infantilisant et pathogène. Pour soutenir, ce droit d’alerte, un débrayage massif a eu lieu. Cela a été l’occasion de se rendre compte, que dans tous les services, des salariés souffraient également. La participation des salariés du rayon de la micro informatique traditionnellement peu enclin à faire grève a été un signe fort. Les libraires de l’établissement avaient tous signé un courrier baptisé depuis « courrier des libraires » dans lequel ils dénonçaient la détérioration de leur condition de travail, les injonctions contradictoires, la perte de sens de leur métier. Ce courrier, relayé dans les autres FNAC a fait boule de neige. Ce qui était dénoncé dans celui-ci était un fait commun. La stratégie de la FNAC, individualisation forcenée, polyvalence et schizophrénie entre ce qui était vanté à la clientèle (indépendance vis à vis des fournisseurs, expertise des vendeurs, culture, etc…) et ce qui ce passait réellement (centralisation accrue des achats, plan de ventes, variable mensuelle basée sur la vente de services etc…) créait un conflit de valeur engendrant une souffrance importante.
Le CHSCT élu en décembre 2009, a décidé d’agir. Ses trois membres employés, tous novices dans la fonction, ont suivi une formation avec Solidaire Rhône, animé par Bernard Bouché. Sur trois jours, nous avons appris le fonctionnement de cette instance, ses droits, ses prérogatives, ses moyens d’actions ensuite deux jours étaient consacrés à la problématique des risques psycho sociaux. Cette formation a été primordiale par la suite.
Elle a mis fin à notre inexpérience. Nous avons pris la mesure du pouvoir du CHSCT. Cela nous a permis par exemple de penser à solliciter médecin du travail, inspection du travail et Carsat. Si l’engagement du premier a été malheureusement décevant, l’aide apportée par les derniers a été cruciale. La problématique des Risques Psycho Sociaux dans notre établissement les a particulièrement interpellés. La Carsat accompagnée par une psychologue du travail dédiée, a obtenu une table ronde autour des Risques Psycho Sociaux. Elle a ainsi proposé une évaluation méthodologiquement conforme sur un ou deux départements, ainsi qu’une sensibilisation sur le sujet auprès des encadrants et des élus. Ces propositions gratuites après des mois d’atermoiement ont été refusées en septembre 2010 par notre direction, alors même que nos inquiétudes sur la santé des salariés s’intensifiaient.
Une expertise sur les Risques Psycho Sociaux coontestées :
L’augmentation de l’absentéisme et les réponses à une enquête d’opinion interne particulièrement défavorable corroboraient ce que nous sentions. Les risques psycho-sociaux étaient en augmentation, et la direction passive se contentaient d’agir sur l’item « communication ». En conséquence, le CHSCT a voté le recours à une expertise pour risques graves afférents aux Risques Psycho Sociaux en décembre 2010. Cette décision a été contestée en justice par la direction. En première instance, la justice leur a donné raison, en gros nous n’avions pas eu de morts! Nous savions le sujet difficile à traiter. La jurisprudence n’était pas encore très claire. Les juges confondant souvent risques et dommages avérés. Nous sommes allés en appel et avons gagné le 18 décembre.
La suspension du PSE :
C’était 5 jours après avoir obtenu la suspension du PSE à la cour d’appel de Paris. Si des actions locales sont bien entendu nécessaires, leur communication aux autres niveaux de l’entreprise est essentielle. En effet, il n’existe pas d’instance de coordination des CHSCT sur FNAC-Relais (les Fnac de province en gros!). Une collaboration étroite avec les autres instances est donc primordiale. Ainsi, même si la représentativité de Sud Fnac est fragile au niveau de l’entité les élus Sud de l’établissement ont une participation active en CCE. C’est à ce niveau de l’entreprise que beaucoup d’actions communes ont été mises en place. Dans d’autres établissements, des expertises similaires ont été votées, nous avons multiplié les contacts en organisant à plusieurs reprises des réunions « régionales », à l’instar de notre direction, avec d’autres élus d’autres établissements et d’autres syndicats. Ces contacts, ces constats partagés ont été le ferment indispensable à la combativité obligatoire lorsque le PSE a été annoncé. Les débats ont été longs et houleux sur la stratégie juridique mise en place avec un collectif d’avocats brillants. Une stratégie compliquée mais efficace et novatrice et qui n’aurait pas pu se construire sans les liens créés auparavant entre CHSCT et sans une bonne connaissance de cet outil syndical.
Ces deux décisions sont une victoire pour les CHSCT car elles obligent l’employeur à prendre en compte réellement la préservation de la santé des salariés et leur condition de travail.
2013 a été inauguré par le scandaleux accord MEDEF-CFDT. Le ralentissement économique laisse présager de nouveaux risques sur l’emploi à la FNAC et ailleurs. L’actionnaire PPR, après avoir pendant des années ponctionné la FNAC au détriment des investissements nécessaires, se sépare de celle-ci. Il faudra donc plus que jamais être vigilant et savoir se défendre.