Les affections psychiques liées au travail touchent plus les femmes
Selon une étude de la caisse nationale d’assurance maladie publiée en janvier 2018, plus de 10 000 affections psychiques ont été reconnues au titre des accidents du travail en 2016. Même si ce chiffre ne représente qu’1,6 % de l’ensemble des accidents du travail, deux particularités méritent qu’on s’y arrête :
– d’une part, leur progression d’environ 10% par an entre 2011 à 2014, puis de 5 % en 2015 et 1 % en 2016.
– d’autre part, la durée des arrêts de travail liée à ce type d’affection est plutôt longue (112 jours contre 65 en moyenne pour les autre accidents du travail).
L’étude a identifié deux types d’évènements déclencheurs en proportion assez égale :
– d’un côté, les agressions, braquages, attentats survenant dans le cadre du travail, provoquant des chocs psychologiques, des situations de stress ….
– de l’autre, des conditions de travail « intrinsèquement difficiles » à l’origine de pathologies psychiques caractérisées explicitement par les médecins dans leur certificat (dépression, anxiété …) Les secteurs les plus touchés sont le médico-social , qui représente à lui seul près de 20 % de ces accidents, les transports de voyageurs (15 %) et le commerce (13 %).
Dans près de 60 % des cas ce sont les femmes qui sont concernées et plus particulièrement les employées qui, il est vrai, sont plus représentées dans ces métiers. Cependant, ces chiffres confirment ce que d’autres études, et notamment l’enquête Sumer (Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels) de 2010 , ont montré : 26% des femmes contre 21 % des hommes sont en situation de tension au travail (job strain), c’està- dire combinant une forte demande psychologique et une faible latitude décisionnelle. Pour les salarié.es victimes de job strain ou de manque de reconnaissance, le risque de présenter des symptômes dépressifs et anxieux double.
596 affections psychiques ont été reconnues au titre des maladies professionnelles en 2016, soit 7 fois plus qu’il y a 5 ans. Les demandes de reconnaissance sont passées de 200 en 2012 à 1 100 en 2016 et devraient atteindre le chiffre de 1 500 en 2017. Ce faible nombre de reconnaissances s’explique essentiellement pour deux raisons : d’une part, l’absence de tableau de maladie professionnelle pour les affections psychiques et, d’autre part, les difficultés pour obtenir cette reconnaissance via le système complémentaire, lequel exige d’établir que la maladie est, non pas exclusivement, comme certains le pensent mais « essentiellement et directement causée par le travail » et d’avoir une incapacité prévisible d’au moins 25% ou encore d’être décédé !
Autre élément intéressant fourni par l’étude : à partir du certificat médical, la reconnaissance d’un accident du travail, quelle qu’en soit la cause, est de l’ordre de 93 %. Pour les affections psychiques, ce chiffre tombe à 70 % ! Au titre des maladies professionnelles, 50 % des dossiers transmis aux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) sont reconnus d’origine professionnelle alors que ce taux n’est que de 20 % pour les autres pathologies. Le coût pour la branche AT/MP de ces affections est de 230 millions d’euros.
L’intérêt de l’étude est de montrer que des affections psychiques peuvent être reconnues comme étant liées au travail. Ces chiffres seraient beaucoup plus élevés si la sous déclaration n’était pas aussi importante, beaucoup de salarié-es ignorant ou hésitant à déclarer un « pétage de plomb » en accident du travail ou une dépression en maladie professionnelle.
Rappel : Pour caractériser un accident du travail il faut un évènement ponctuel et daté.
Il faut également souligner que les 5 millions de fonctionnaires, n’étant pas soumis à la même réglementation en matière d’accidents, ne font donc pas partie de l’étude de la CNAM.
Cette étude montre combien les organisations du travail peuvent être pathogènes, l’intérêt à rendre visibles les atteintes à la santé du fait du travail et la nécessité d’agir pour que les organisations du travail soient plus protectrices. Dans le même temps, nous devons intégrer dans notre analyse des conditions de travail, des accidents, une approche genrée, pour prendre en compte les conditions d’exposition différenciées des femmes et des hommes au travail.
Accidents du travail et maladies professionnelles : des tendances d’évolution différenciées pour les femmes et les hommes
En partant des statistiques de la Caisse primaire d’assurance maladie, ANACT met à jour annuellement une analyse sexuée des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Si, depuis 2001, on constate une baisse globale des accidents du travail avec arrêt, ils augmentent pour les femmes : en 13 ans, ils ont augmenté de 24, 3 % pour les femmes tandis qu’ils ont baissé de 28 % pour les hommes. Les activités de service de santé, action sociale, nettoyage concentrent 40 % des accidents du travail pour les femmes.
On peut observer la même tendance pour les accidents de trajet, qui sont en progression pour les femmes, et pour les maladies professionnelles, qui augmentent deux fois plus vite pour les femmes que pour les hommes, depuis 2001.
Les enseignements que les rédactrices tirent de l’étude sont intéressants : « Les différences constatées en termes de sinistralité des femmes et des hommes renvoient, en grande partie, aux conditions d’expositions différenciées des femmes et des hommes dues entre autres à la répartition sexuée des secteurs, métiers et activités. Par ailleurs, les mêmes emplois peuvent conduire à des effets différenciés sur la santé des femmes et des hommes.
Nous faisons ainsi l’hypothèse qu’il existe une sous-évaluation de l’exposition aux risques professionnels des femmes dans leurs emplois et que les dispositifs de prévention ne sont pas assez adaptés et efficaces dans les secteurs à prédominance féminine ».