Le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail du constructeur de train Bombardier (à Crespin, 59) vient de sortir un rapport d’enquête accablant sur plusieurs situations individuelles rencontrées dans l’entreprise.
Ce rapport, qui a été rendu le 5 septembre 2018 à l’entreprise canadienne, met la direction dans une situation difficile : en effet la rédaction paritaire du rapport, notamment avec Madame Tremblay (responsable éthique et conformité du siège social de l’entreprise à Montréal) laisse peu de place au doute quant à la véracité des faits révélés. Cependant, malgré l’ampleur des faits rapportés et les 48 personnes auditionnées dans ce rapport qui s’appuie sur de nombreux témoignages directs et concordants, plus des éléments matériels, la direction n’a eu aucune réaction.
La victime présumée est en arrêt depuis plus d’un an et a subi un véritable calvaire de cinq longues années fait d’humiliations répétées, de rumeurs professionnelles calomnieuses incluant aussi sa vie privée. Elle a de plus fait l’objet d’un dossier à charge de la part de ses supérieurs hiérarchiques dans le but de la « faire sortir » ; plus généralement elle a été victime d’abus de pouvoir, de discrimination, de dénigrement, de pression psychologique ; des maux partagés par plusieurs autres salariés qui ont qualifié le système instauré « de système mafieux où règne la loi de l’omerta » et disent avoir « peur des représailles ». La victime présumée avait le droit à des brimades quotidiennes en public de la part de ses supérieurs hiérarchiques telles que : « deux bras gauches » ,« abruti », « incompétent », « mauvais », « ne sait pas faire grand choses », « il n’est même pas capable de changer une ampoule », etc.
L’enquête a également mis en lumière une liberté de parole raciste et décomplexée avec des mots tels que : « sale libyen car les libyens sont sales », « la noire qui pue », « ce monsieur pue car il est noir », « lui c’est un sale négro », « les arabes, les branleurs, les voleurs ». Ces paroles et ce contexte sont à mettre en relation avec la position de l’entreprise, qui en 2015 – alors que notre syndicat réaffirmait la liberté de conscience, la défense de valeurs universalistes et antiracistes – s’en prenait à un délégué syndical en tentant de le licencier après qu’il eut été victime de racisme dans l’atelier. Fort heureusement, l’inspection du travail était intervenue pour refuser ce licenciement.
Mais le rapport laisse aussi entrevoir un scandale, car de potentiels faits de corruption (comme des cadeaux faits par un sous-traitant ou du détournement de matériel à des fins d’enrichissement personnel) sont mis en exergue. Là encore, qu’attend la direction de Bombardier, qui par ailleurs se vante d’être une entreprise sociale, humaine et éthique ?
Face à la gêne de l’entreprise, qui préfère dire que ce sont des situations individuelles (alors qu’une fois celles-ci additionnées, elles mettent en lumière le vrai visage de la politique managériale et des ressources humaines du constructeur), ce rapport du CHSCT de 28 pages démontre le rôle potentiellement grave de la hiérarchie qui a participé à ces actes. Malgré les alertes au sujet de la répétition de ces situations, la direction ne prend aucune mesure puisqu’une semaine après la remise de ce rapport, aucune sanction n’a été prononcée contre les auteurs présumés de ces faits.
À cause de la passivité de l’entreprise, les délégués du personnel du syndicat majoritaire, SUD, ont déposé un droit d’alerte pour obliger la direction à prendre ses responsabilités et protéger leurs collègues toujours en contact avec de tels individus, mettant ainsi en danger leur santé physique et mentale. En effet, l’enquête a en outre mis en lumière que ce salarié n’était malheureusement pas le seul à subir de tels actes.
L’entreprise Bombardier n’en est pas à son premier cas de potentiel harcèlement moral et toutes les catégories socioprofessionnelles sont touchées. D’autre salariés ont décidé de briser le silence et de faire une action commune : ils vont déposer plainte contre Bombardier pour « harcèlement moral », soutenu par le syndicat SUD industrie.
Les délégués syndicaux SUD industries Bombardier appellent « à briser le silence pour mettre fin à un système où on met la pression aux salariés de manière continue où il existe une organisation du travail qui broie les salariés et laisse faire en plus des situations intolérables de racisme, alors que pourtant la direction est mise au courant des faits ».
Cette affaire illustre l’importance d’avoir des institutions représentatives du personnel fortes dans les entreprises pour défendre le personnel mais aussi la dignité des individus au travail, tandis que le gouvernement a décidé de s’en prendre au CHSCT et au CE en les fusionnant via un CSE aux droits et moyens réduits, mettant ainsi à mal la protection des salariés.