« La santé des travailleurs est la sentinelle de la santé publique » Henri Pézerat
Plusieurs militants de Solidaires ont participé à l’assemblée générale de la Fondation Henri Pézerat qui s’est tenue les 12 et 13 juin 2015 à Saint Brieuc.
Deux journées très intéressantes, riches en échanges avec les différents réseaux auxquels l’association participe qui ont permis à la fois de faire le point sur des actions ou réflexions engagées et de tracer quelques axes de travail pour les mois à venir.
Un point a été fait sur les questions d’actualité relatives au droit du travail ainsi qu’à la sécurité et la santé des travailleurs/euses. Les dérégulations en cours- inspection du travail, conseils prud’homaux, CHSCT, médecine du travail, pénibilité, …- sont plutôt préoccupantes. En effet Dans un contexte où le gouvernement fait tout pour supprimer les obligations des entreprises considérées comme des freins à l’emploi, à la compétitivité les mesures prises au nom de la simplification de la vie des entreprises se font au détriment de la protection de la santé et de la sécurité des salarié-es.
Les parafoudres radioactifs à Orange
Un camarade de la CGT membre du CHSCT de l’unité d’intervention d’Auvergne d’Orange a fait un point sur la restitution de l’expertise – votée le 30 décembre 2010 !- sur l’exposition des salariés à des risques radioactifs liés aux parafoudres. Les parafoudres sont des dispositifs de protection des appareillages éclectiques ou électroniques contre les surtensions provoquées notamment par la foudre. L’entreprise France Télécom en a installé environ 1 million jusqu’à la fin des années 1970 période ou le déploiement s’est arrêté. Leur retrait a démarré en 1999 et l’achèvement n’est pas prévu avant 2022
Les représentants du CHSCT avaient alerté sur des cas de cancers inexpliqués parmi des techniciens et organisé une visite du site de Riom-ès-Montagnes en 2008.
L’expertise conduite par un cabinet d’expert avec l’appui d’un laboratoire du CNRS n’était pas une expertise médicale, elle a montré que les expositions de certains salariés aux parafoudres contenant du radium à des niveaux significatifs ne peuvent être négligées. Les résultats de l’expertise ont été présentés au niveau national aux médecins du travail et aux médecins de l’Agence Régionale de Santé.
Ce rapport n’a pas ému outre mesure l’entreprise Orange qui va sous traiter la dépose de ces matériaux et donc renvoyer les risques et les responsabilités sur d’autres salariés!
D’autres interventions autour de la sous traitance ont mis en évidence les carences des plans de prévention, le développement du recours à des salariés détachés, les insuffisances du suivi post exposition et post professionnel … Des pistes de travail à creuser.
Solidarité et convergences entre les victimes des pesticides et les irradiés des armes nucléaires
En milieu d’après midi s’est tenu un débat public avec deux collectifs qui se battent pour que leurs maladies soient reconnues comme étant liées à leur travail.
Le collectif des irradiés de l’Ile Longue à Brest rassemble des travailleurs engagés depuis plusieurs années pour faire reconnaître des cancers professionnels dont ils sont atteints et qui ne sont pas inscrits dans les tableaux de maladies professionnelles.
Quant au collectif des anciens salariés de Nutréa Triskalia, soutenu par Solidaires Bretagne, il rassemble d’anciens salariés (ils ont été licenciés pour inaptitude) qui depuis 5 ans se battent pour faire reconnaître leur maladie (hypersensibilité) conséquence d’une grave intoxication par des pesticides interdits comme étant liée au travail et obtenir la condamnation de leur employeur.
Ces batailles sont longues mais heureusement parfois gagnantes grâce à la ténacité des salariés concernés, aux engagements pris par des organisations de soutien, l’appui d’avocats, soutiens qu’il faut encore renforcer, élargir …
On peut dire que le travail de ces collectifs a permis d’ouvrir une brèche dans l’invisibilité de maladies liées au travail, de mettre sur la place publique des situations scandaleuses .
Les débats ont également mis en évidence la primauté de la logique économique et financière qui animait tant les employeurs que l’Etat, dont l’attitude est de nier et de masquer tout lien entre les produits utilisés et leurs conséquences sur les salariés, sur l’environnement etc.
L’avocat François Lafforgue a montré les difficultés qu’il y avait à obtenir une mise en cause de la responsabilité des entreprises en raison notamment de la logique d’indemnisation forfaitaire du système des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Pour conclure le débat, Annie Thébaud Mony a souligné l’importance des mobilisations collectives, elles sont un moyen de rendre visibles les maladies professionnelles comme un problème collectif et non individuel, le recours juridique est un outil qui fait bouger les lignes. Pour l’avocat François Lafforgue le meilleur levier dans ces affaires scandaleuses est le pénal car il crée un retentissement considérable dans le milieu où il se produit.
Un des objectifs fixés à l’issue de cette AG est de disposer prochainement d’une liste d’experts de différentes spécialités : médecins, toxicologues, chimistes, ingénieurs de prévention … qui seraient prêts à travailler sur une base bénévole et militante. En effet le recours à de « vrais experts » permettrait par exemple de présenter une expertise construite devant une juridiction qui se verrait alors contrainte de faire la preuve que la maladie n’est pas due au travail. C’est ainsi que des salariés (verriers de Givors, dockers de Nantes-Saint- Nazaire) ont pu obtenir gain de cause.
Les premières réflexions menées au sein de 4 ateliers seront poursuivies lors de la prochaine AG qui se tiendra en novembre ou décembre à Fontenay sous Bois :
- la traçabilité des expositions, la perspective étant de réaliser un guide pratique,
- l’expertise médicale avoir des témoignages sur les obstacles rencontrés
- la sous-traitance,
- la filière déchets
Les militants de Solidaires peuvent consulter le site de l’association et son bulletin Alertes. Les équipes syndicales (organisations professionnelles et Solidaires locaux) peuvent adhérer à l’association.
L’Association Henri Pézerat a pour but de créer et de faire vivre un réseau d’échanges d’expérience et d’aide aux luttes sociales concernant la santé des personnes en lien avec le travail et l’environnement. Henri Pézerat était convaincu que l’on ne peut séparer production de connaissances et action militante pour la santé, la vie, la justice, la dignité de tous ceux mis en péril par un développement économique dénué de tout respect de la vie humaine.
Sur la base de ses travaux, l’association maintiendra indivisible, enrichira et mettra en valeur l’important fonds documentaire qu’Henri Pézerat a constitué durant toute son activité de scientifique militant, au service des victimes en lutte contre les atteintes à la santé aussi bien dans le monde du travail que dans l’environnement