Parmi les conséquences néfastes de l’ANI signé en début d’année 2013 par la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC nous avons déjà souligné les dangers de l’instance de coordination des CHSCT. Voici en quelques lignes les modifications principales introduites par la loi et le décret d’application n° 2013-5552 du 26 juin 2013. Cet article sera complété par une fiche spécifique de la commission santé et conditions de travail.
Une instance non obligatoire et temporaire:
Le texte indique » l’employeur peut mettre en place une instance temporaire de coordination « . Pour Solidaires, c’est important pour les équipes syndicales de s’appuyer sur ces deux points:
- d’une part l’employeur n’a aucune obligation à mettre en place cette instance, il faudra donc argumenter et contester sa volonté d’en installer une en démontrant, par exemple, que celle-ci ne lui permettra pas de répondre à ses les obligations de sécurité de résultats ou que le projet commun à plusieurs établissements ,
- d’autre part il s’agit d’une instance temporaire donc éphémère et elle n’a pas vocation à perdurer au-delà du projet qui a présidé à sa création.Lorsque la consultation est terminée l’instance de coordination est clôturée.
Sa composition:
L’instance est composée de l’employeur ou de son représentant qui la préside, de trois représentants de chaque CHSCT si le projet concerne moins de 7 comités, deux par comité si le projet concerne de 7 à 15 CHSCT et un par comité au delà de 15. Les représentants sont désignés au sein de chaque CHSCT pour la durée du mandat et par ordre de priorité. Un accord d’entreprise peut prévoir des modalités propres, par exemple en réduisant le nombre de représentants en présence d’un nombre important de CHSCT.
Les acteurs de la prévention participent aussi à cette instance: médecin du travail, inspecteur du travail, etc. Ce sont ceux qui sont territorialement compétents du lieu où se réunit l’instance si il est concerné par le projet. Sinon ceux du CHSCT concerné qui est le plus proche. Autant dire que cette participation s’avérera le plus souvent virtuelle.
Une bizarrerie, l’employeur (ou son représentant) a une voix délibérative. Il pourra ainsi non seulement participer au choix de l’expert mais aussi, si l’instance rend un avis, au vote sur sur propre projet…
Quels moyens pour les représentants?
Si les frais de déplacement, d’hébergement, de restauration sont pris en charge, les représentants ne disposent par contre d’aucun crédit d’heures spécifique pour les travaux de cette instance alors même que l’importance des sujets traités nécessiterait des réunions et travaux spécifiques. Il faudra donc construire des délibérations aux différents niveaux (CHSCT et instance) pour dégager les moyens nécessaires. Autre étrangeté, personne se sait qui établit le PV, les textes ne précisent pas si il s’agit bien du secrétaire… Là aussi selon nous l’instance devra se saisir elle même de son mode d’organisation en s’inspirant ce ce qui existe dans les CHSCT.
Sa personnalité juridique:
Cette instance, contrairement aux CHSCT, ne dispose pas de la personnalité civile lui permettant de faire reconnaitre ses droits en justice. Les seules contestations possibles le sont sur l’expertise dans le cadre d’un PSE auprès du directeur régional de la DIRECCTE qui a un délai de 5 jours pour rendre sa décision. Celle ci ne pourra faire l’objet d’un recours étant donné l’absence de personnalité civile de l’instance.
Il y a là un travail important à fournir devant les juges pour contrer cette situation.
A quoi sert l’instance?
Sa mission est « d’organiser le recours à une expertise unique par un expert agréé » avec des délais différents selon qu’il s’agit ou non d’un projet de restructuration et de compression des effectifs. De ce fait, les CHSCT locaux concernés par le projet perdent leur droit à recourir à une expertise, que l’instance y fasse appel ou non. Ils n’auront que communication du rapport d’expertise avec l’éventuel avis de l’instance pour pouvoir à leur tour rendre un avis. La désignation de l’expert ayant lieu à la première réunion de l’instance, il est indispensable que l’ensemble des CHSCT concernés se coordonne en amont dés qu’ils ont connaissance de la convocation de l’instance de coordination et de rapidement choisir un cabinet d’expertise pour travailler avec lui avant sa désignation. Il apparait indispensable de porter une attention forte à la rédaction de la délibération qui déterminera à la fois le champ d’investigation et le marges de manœuvre de l’expertise. Enfin, c’est à cette première réunion de l’instance que celle-ci détermine si elle rendra ou non un avis sur le projet.
Délais pour l’expertise dans le cadre d’un PSE:
Dans ce cadre les délais sont particulièrement serrés et raccourcis:
- le président convoque l’instance de coordination 7 jours au moins avant la date fixée.
- l’expert doit présenter son rapport au plus tard 15 jours avant l’expiration du délai dans lequel le CE doit rendre son avis. Celui ci est de 2, 3 ou 4 mois en fonction du nombre de licenciements envisagés.
- l’avis de l’instance devra être rendu 7 jours après remise du rapport d’expertise. Si il n’est pas rendu dans ce délai, l’instance est réputée avaoir été consultée et la consultation est close, l’employeur n’est même plus obligé de réunir l’instance.
Pour les projets importants:
Les délais passent à 15 jours pour la première convocation de l’instance, un mois à 60 jours maximum pour l’expertise et l’instance une fois fois le rapport remis a 15 jours pour émettre un avis.
Au final, il est évident que la mission de l’expert va être particulièrement délicate et compliquée et il conviendra donc de bien définir avec lui les priorités et les questions les plus importantes. Un gros travail juridique va devoir être fait pour tenter de construire une nouvelle jurisprudence favorable aux travailleurs.