La SNCF et le directeur d’établissement de l’époque ont été reconnus coupable d’homicide involontaire pour leur responsabilité dans l’accident mortel de Fabrice Stéphane Tchabert. Notre camarade avait été retrouvé mort électrocuté, le 26 octobre 2010, dans la locomotive sur laquelle il effectuait une visite de maintenance.
La SNCF est donc condamnée à payer une amende de 80 000 euros, et à verser une indemnité de 25 000 euros au père de Stéphane. Le Directeur d’établissement de l’époque est condamné à une amende de 1000 euros.
Une responsabilité évidente
L’entreprise aura, tout au long du procès, cherché, avec acharnement, à se dédouaner de toutes responsabilités dans cet accident. Elle ne retiendra que la faute de notre camarade :l’utilisation d’une clé surnuméraire pour ouvrir une armoire électrique. Cela n’aura pas suffi à convaincre la justice !!!
Nous dénoncions, dès le début de cet accident, malgré les pressions pour nous faire taire : les manquements à la formation, et le peu de sérieux dans le suivi de celle-ci. Et, les conséquences néfastes des restructurations à marche forcée qui détruisent les fonctionnements collectifs du travail, comme nous avons connu ces dernières années à l’atelier d’Ivry.
L’enquête du CHSCT et du cabinet d’expertise a largement démontré que nous avions raison. Celle-ci a fait, de plus, ressortir entre autre, l’utilisation abusive de la polyvalence, par peur de la fermeture totale de l’atelier. Stéphane qui était mécanicien de métier, exerçait, ce jour là, un travail d’électricien qualifié, sans en avoir reçu la formation nécessaire.
Elle a aussi démontré que l’utilisation d’une clé surnuméraire, n’était pas une pratique déviante de Stéphane comme le défendait la direction, mais une pratique collective dans l’atelier, et connue.
La contribution de tous
Pour nous, les cheminots d’Ivry, dès le début, nous n’avons pas cru à la fatalité. Cette condamnation est l’aboutissement de notre volonté d’informer largement les cheminots sur tout ce qui a pu contribuer à un tel drame. Nous avons aidé les experts dans leur enquête pour le CHSCT et une délégation était présente au procès et au jour du délibéré, informant par SMS ceux qui n’avaient pu venir.
C’était pour nous le meilleur hommage que nous pouvions faire à notre camarade qui a payé chère de sa vie, les mauvaises conditions de travail que la direction nous impose.
La sécurité l’affaire de tous
Si la sécurité est l’affaire de tous, parce qu’il s’agit notre vie et de celle de nos collègues, seule la direction a le pouvoir d’y mettre plus ou moins les moyens. Et par sa politique de réduction des coûts, la direction SNCF impose de plus en plus de restrictions de ces moyens.
La diminution des effectifs engendre le manque de formations ou celles-ci sont le plus souvent bâclées. Les plus jeunes « sont jetés » trop rapidement seuls à la production, sans avoir eu assez de temps pour acquérir, aux cotés des plus anciens, suffisamment d’expérience, et surtout une réelle conscience des dangers qui les entourent.
C’était le cas de Stéphane.
En tirant notre règlementation du travail vers le bas, avec des amplitudes de travail plus longues, et en réduisant le nombre de repos la direction continue de dégrader nos conditions de travail et de sécurité. C’est malheureusement le sens de sa réforme ferroviaire, que nous avons raison de combattre.
Il n’y a donc rien à attendre de la SNCF, malgré ces condamnations, même si c’est mieux quand la justice nous donne raison. A la suite d’un tel drame, les choses s’améliorent, un temps, mais très vite elles se dégradent de nouveau. C’est bien sur l’action collective qu’il nous faut compter, pour imposer des effectifs suffisants qui apporteront une réelle amélioration de nos conditions de vie et de travail. C’est aussi en luttant ensemble qu’on imposera les moyens techniques et humains nécessaires pour que la sécurité repose le moins possible sur notre seule vigilance.