C’était le week-end et nous étions en train, avec retard comme souvent, de préparer le bouclage du bulletin « Et voilà » de février. Nous avions échangé en fin de semaine sur le contenu de la page actualités et eu des débats nourris autour du nouveau terme à la mode, le « Burn Out ». Pour nous, il a pris la suite dans les échanges du harcèlement, du stress ou de la souffrance au travail puis des Risques Psycho Sociaux, suivi dans la foulée de la QVT (la Qualité de Vie au Travail pour celles et ceux qui ne causent pas la novlangue managériale)… Au final on parle toujours de la même chose, les conséquences de l’organisation du travail sur la santé physique et psychique des travailleuses et des travailleurs. De la même chose mais avec à chaque fois d’autres noms, d’autres mots, d’autres concepts. En général, ces nouveaux mots sont toujours accompagnés de nouveaux livres et de nouveaux spécialistes autoproclamés qui en font une rente en se produisant sur les plateaux télévisés, en lançant des pétitions quand ce n’est pas juste pour nourrir le carnet de commande de leurs entreprises. Tout cela alors que dans le même temps la situation continue de se dégrader et qu’il y a urgence.
Résultat, une nouvelle mission parlementaire qui se réuni, auditionne, questionne, fait mine de découvrir le monde du travail et fini par exclure de reconnaître en bonne et due forme le burn-out en tant que maladie d’origine professionnelle…car celui recouvrirait une grande diversité de situations… La même mission découvre qu’il se pourrait que tous ces troubles psychiques du au travail serait les conséquences par exemple de l’intensification du travail dans une économie de forte concurrence, des tendances à la baisse du coût du travail et à la déréglementation et bien d’autres évolutions de ces dernières décennies. Pour un peu, la mission mettait en cause les lois Macron, Rebsamen et El Khomri…Conclusion de la mission : il faut mieux former les managers… Encore des années de perdues alors que tout est connu, répertorié, analysé depuis des années… Combien de salarié-es avec des certificats médicaux pour « burn out » inutiles, combien de procédures vaines et de travailleuses et travailleurs toujours plus isolé-es, renvoyé-es d’un endroit à un autre, balloté-es au gré des modes avec toujours l’espoir de voir les choses simplement reconnues pour ce qu’elles sont.
Et puis cette semaine comme beaucoup d’autres, trop d’autres, a amené son lot de sinistres nouvelles. D’abord celle d’une infirmière qui se pend sur son lieu de travail à Cochin le jour de la manifestation nationale du 7 Mars. Puis celle d’un cheminot, Edouard, militant de Sud rail à Saint Lazare à Paris qui se jette sous les roues d’un train de sa gare. Dans les deux cas, les directions de pourront jamais dire qu’elles ne savaient pas. Pour Edouard , depuis plusieurs années il était attaqué par une direction qui ne supportait pas son engagement syndical mis au service de la défense de ses collègues et sa lutte contre les injustices. Après diverses mesures discriminatoires reconnues et condamnées par la justice, après d’innombrables actes de pressions hiérarchiques, la pression l’auront donc poussé à faire ce choix, ultime acte de désespoir !
Dernière attaque d’une direction inhumaine : un conseil de discipline qui l’avait condamné à un dernier avertissement avant licenciement, avec 12 jours de mise à pied et à un déplacement disciplinaire pour avoir eu « un regard menaçant » envers un directeur d’établissement. Le déplacement par mesure disciplinaire venait de lui être signifié sans aucun respect des règles. En
effet, salarié « RQTH » (Reconnaissance en Qualité de Travailleur Handicapé) cette mesure aurait dû passer par le CHSCT. De plus la direction n‘ignorait pas que la médecine du travail préconisait depuis plusieurs années pour sa santé qu’il reste dans son environnement de travail et interdisait tout déplacement. Ce vendredi devait être son dernier jour à Saint Lazare avant de partir contraint et forcé à Austerlitz. Il n’ira jamais.
Ces deux exemples peuvent se multiplier à l’infini et la réalité du travail pour beaucoup est à des années lumières du monde aseptisé et pacifié que certains nous vendent. Combien d’entreprises petites ou grandes avec leurs pressions managériales, leurs restructurations perpétuelles accompagnées de répression syndicale, combien de travailleuses et de travailleurs touchés dans leurs corps, combien de troubles psychiques ou physiques ? Nul besoin de sondages, d’enquêtes internet pour le savoir, il suffit de côtoyer comme le font chaque jours nos militantes et nos militants les salarié-es et de les écouter, de prendre le temps pour construire avec eux de l’action collective.
Trouver ou retrouver une maîtrise de son travail passe par un travail de qualité (du point de vue des salariés), un travail qui fait collectivement sens. « Passer de la résignation à l’action ». C’est voir, penser et agir local et c’est complémentaire à l’action visant aux nécessaires changements de société. C’est partir du plus micro pour s’ouvrir vers l’universel. C’est également permettre de passer de l’action individuelle, du soutien personnel (souvent nécessaire) à l’analyse et à l’action collective…
Il est temps pour nous toutes et tous d’agir pour ne plus perdre sa vie à la gagner.