Un médecin condamné pour agressions sexuelles. L’arbre qui cache la forêt

Le 20 octobre 2020, le tribunal correctionnel de Tours condamne un médecin du travail d’Orange à un an de prison avec sursis pour agressions sexuelles et harcèlement sexuel dans l’exercice de sa fonction. Il avait été quelques mois auparavant sanctionné par le Conseil de l’Ordre pour les agressions, puis licencié pour harcèlement sexuel.

Des faits…
Dès 2013, des salariées titulaires, mais surtout de jeunes alternantes de centres d’appel commerciaux, avaient été choquées de leur visite d’embauche, premier contact avec la médecine du travail pour la plupart d’entre elles, et s’en étaient ouvertes à des militant·es de SUD. Suite aux alertes pour danger grave et imminent à la Direction, à l’Inspection du travail et aux enquêtes par deux CHSCT, la réaction de la Direction — dont le DRH avait accusé nos militant·es de salir la réputation du médecin — s’est avérée insignifiante : un entretien de pseudocadrage avec le médecin incriminé et l’engagement de ne pas continuer les mêmes pratiques. Alors même que des faits similaires avaient déjà été découverts lors de son précédent poste dans le Nord !

… Répétés !
Lorsqu’à nouveau, en 2018, des salariées se plaignent d’attouchements sur les seins lors des visites de santé au travail, nos militant·es se réattèlent à la tâche. La détermination d’une récente victime, salariée plus ancienne et ex-adhérente d’un autre syndicat épaulée par nos militant·es, sera capitale. Les militant·es SUD ont, dans la durée, conseillé et accompagné le combat des plaignantes, que ce soit dans les rencontres avec l’Inspection du Travail, dans le soutien à leur plainte au Conseil de l’Ordre et à leur plainte pénale consécutive à la poursuite par le procureur. L’interpellation de la Direction durant la période 2018 et 2019 trouve un écho moins complaisant qu’en 2013-2014… sans action concrète cependant !

Un sexisme systémique !
Ce même DRH (qui sévit maintenant à la Direction Générale) déclarait à l’époque, devant Mme Égalité Pro d’Orange Groupe, qu’il trouvait « démesurés les budgets spécifiques de promotion des femmes, et n’en a utilisé aucun. » Une illustration du continuum entre sexisme ordinaire et violences sexuelles, le premier jetant un voile pudique sur les secondes, dans une solidarité masculine des dominants.

La direction réagit, enfin !
En septembre 2019, l’une des trois infirmières de l’équipe chapeautée par le médecin s’est plainte des agissements de ce dernier. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’Orange s’est saisie de l’occasion pour se débarrasser d’un problème de plus en plus gênant et a décidé de licencier ce médecin. Enfin la direction passe à l’action : déclenchement d’une enquête par un cabinet externe présenté comme indépendant, rapport rendu fin octobre 2019, recueil d’avis du CSE de la Direction Grand Ouest mi-novembre 2019 qui rend un avis unanime pour le licenciement. Pas de références aux visites médicales, pour éviter une invalidation du licenciement, car l’employeur n’est pas légitime à apprécier la pratique médicale. Cela relève du Conseil de l’Ordre et du Médecin Inspecteur du travail saisi par l’Inspection du Travail. Le rapport de celui-ci a permis les poursuites pénales des plaintes des victimes. Octobre 2020 : négociation du nouvel accord Égalité professionnelle femme-homme, Orange propose… de baisser ses objectifs de recrutement de femmes, faute d’avoir su atteindre ceux définis en 2018 ! On aimerait que ce soit pareil pour les objectifs des salarié·es. Puisque chez Orange on communique qu’on n’est pas sexiste, cela devrait suffire, non ? Là aussi, les équipes militantes de SUD continuent à veiller au grain et se réjouissent de l’intersyndicale qui se met en place après 4 rounds de négos devant une direction enfermée dans ses certitudes.

Recourir au pompier pyromane
Faisant fi des alertes de 2013, c’est à ce médecin que la direction d’un établissement confie, en janvier 2019, la sensibilisation de ses managers aux Risques Psycho-Sociaux, et… au harcèlement moral ou sexuel ! Une sensibilisation si efficace que personne, dans cet établissement, ne fait le lien entre les agissements d’un responsable et la définition du harcèlement sexuel. Or, celui-ci réitère, en particulier aux femmes de son équipe, ses allusions à « la taille de son engin » et autres allusions sexuelles ! L’une d’elles alerte sur le fait qu’il lui a proposé de l’accompagner aux toilettes pour vérifier…

Une formation maison HVT peu efficace
… « Parole contre parole » conclut le président du CHSCT, formé par Orange sur les questions de HVT. Quant au sobriquet « petites filles », dont sont affublés les hommes de l’équipe s’étant plaints du climat du service (pour cette raison ou d’autres), il estime que qualifier ces propos « dépend du contexte » et ne fait pas le lien avec la définition d’agissements sexistes.

Sanctions
Après l’avoir affecté immédiatement sur un autre poste (un bon point), l’établissement inflige, en catimini, un avertissement au responsable si fier de son « engin ». Ce sera cependant 3 mois d’exclusion, pour le collègue et compagnon d’une des victimes : 3 jours après la tentative de suicide de sa compagne sur le site, il pète les plombs et effraie ses collègues. De l’enterrement d’un rapport accablant du cabinet HVT pourtant choisi par les directions jusqu’à la CCP nationale, c’est une continuité dans le camouflage et le retournement des victimes en coupables.

 Des formations contre le sexisme… sexistes
« Sobriété dans les tenues et les propos » , attention au risque d’être taxée de « coincée » ou « de harpie » quand une femme répond à un propos sexiste : elle doit veiller à ses réponses. En formation sur les enquêtes internes de violences sexistes et sexuelles, il est conseillé aux DRH et RRH d’utiliser certains éléments de langage, comme « comportements inappropriés », en lieu et place des qualificatifs de harcèlement sexuel ou agression sexuelle, ou propos à connotations sexuelles, attouchements, semant la confusion dans l’esprit des auteurs, et réitérant, sur les victimes, une violence par les mots. Les organisations syndicales se sont émues en négo Egalité Pro, de ces messages contre-productifs.

Une violence institutionnelle 
SUDPTT, confronté à 4 situations de violences sexuelles au sein d’Orange en 2021, a dénoncé publiquement cette violence des mots, l’inaction ou le semblant d’action des employeurs. Il n’était pas le seul syndicat de Solidaires à témoigner le 20 octobre 2021, lors du rassemblement à l’initiative de Solidaires RATP, en soutien à une victime assignant la RATP aux Prud’hommes.