Suicides à la SNCF : briser le mur du silence et stopper la tragédie

La fédération SUD-Rail a voté lors de son conseil fédéral de décembre 2018 une motion pour une nouvelle campagne de lutte syndicale contre la souffrance au travail et les suicides à la SNCF.

L’omerta de la direction de la SNCF

SUD-Rail a interpelé durant des années la direction nationale SNCF pour obtenir un recensement global des suicides de cheminote·es.

Pour la première fois, et sous la pression syndicale, lors du Comité National HSCT du 26 mai 2011, la direction avait enfin accepté de fournir quelques chiffres : depuis 2007 jusque mi-2011, ce sont 40 suicides, dont 14 dans les emprises ferroviaires, qui ont alors été officiellement recensés. Non seulement ces chiffres sous-estimaient la réalité constatée dans les établissement, mais depuis cette date la direction nationale a refusé catégoriquement de communiquer le nombre de suicides d’agents hors emprises SNCF dont elle avait connaissance, au prétexte que SUD-Rail et d’autres organisations syndicales instrumentaliseraient ces actes dramatiques !

Mais dans un second temps, la direction a ensuite tari volontairement les statistiques officielles. Et c’est donc par un patient travail de recensement de SUD-Rail et de la CGT dans les CHSCT, que nos 2 syndicats ont estimé chacun à 57 le nombre de suicides d’agents SNCF rien que pour l’année 2017. Un chiffre énorme que la direction n’a même pas contesté.

Les suicides d’Edouard en 2017 et de Julien en 2018

L’année 2017 avait en effet été fortement marquée notamment par le choc provoqué par le suicide d’Edouard Postal, militant de SUD-Rail. Un rassemblement unitaire et interprofessionnel de plusieurs centaines de personnes s’est ainsi tenu le 15 mars 2017 sur le parvis de la gare Saint-Lazare avec une « minute de bruit » pour briser le mur du silence et des prises de parole fortes de camarades d’Edouard et de syndicalistes pour témoigner de la violence patronale et des suicides dans de nombreux secteurs professionnels. Mais plutôt que de prendre les mesures qui stopperaient la spirale infernale subie par les agents SNCF, la direction a au contraire déclaré l’omerta en interne et fait pression sur les médias pour tenter de minimiser les faits, allant jusqu’à faire pression sur France Inter pour retirer une chronique peu flatteuse d’Audrey Vernon pour les patrons de l’entreprise publique… La Fédération SUD-Rail avait alors également interpelé le Président de la République.

En octobre 2017, quelques mois après,un article de Santé & Travail d’Eliane Patriarca apportait alors un éclairage sur la souffrance au travail en lien avec le démantèlement de l’entreprise publique et les suicides à la SNCF.

En mai 2018, en plein conflit à la SNCF qui durait depuis début mars, Julien Pieraut, un jeune cheminot de 27 ans, adhérent à SUD-Rail, mettait fin à ses jours. Les assemblées générales de grévistes de Paris décidaient alors d’un rassemblement unitaire au Technicentre est-européen de l’Ourcq où il travaillait pour lui rendre hommage avec ses collègues. Seuls Médiapart et Libération ont publié des articles sur le sujet, alors même que la grève SNCF était un sujet d’actualité, preuve que le mur du silence médiatique s’intensifiait. Depuis, une enquête CHSCT de plusieurs mois a été menée mais la direction refuse de transmettre le rapport d’enquête à la famille.

En janvier 2019, un article de Médiapart intitulé « ces suicides à répétition que la SNCF ne veut pas voir » par Mathilde Goanec faisait un nouveau bilan sans concessions pour la SNCF.

Lutter contre la politique de destruction massive

Après la défaite de la grève à la SNCF qui a duré de mars à juin 2018, la mise en place des CSE à la SNCF marque la volonté du gouvernement et de la direction SNCF d’affaiblir durablement les syndicats. En effet, les 4 syndicats représentatifs (CGT, UNSA, SUD-Rail et CFDT) ont refusé l’accord national proposé par la direction car la mise en place des 33 CSE se caractérise par la fusion-suppression des CE, des plus de 200 DP et des plus de 600 CHSCT, ce qui a abouti à la disparition de plus de 80 % du nombre de représentant·es du personnel.

Nous savons donc également qu’une nouvelle vague de restructurations est prévue, qui va accélérer le processus de filialisation/privatisation de la SNCF. Ce ne sont pas les analyses « RPS » ou les « plans d’actions Qualité de Vie au Travail » pilotés par la direction qu vont changer les choses. La souffrance au travail des agents est palpable, le management agressif se renforce et des sanctions disciplinaires pleuvent depuis la fin de la grève, ciblant des militant·es syndicalistes.

Dans le but de recréer un véritable rapport de force, nous voulons mettre en œuvre le principe d’une prise en charge offensive de toutes les équipes militantes SUD-Rail sur le sujet des suicides et de la souffrance au travail en lien avec les luttes contre le démantèlement du service public ferroviaire. Démantèlement que subissent également les usager·es, comme l’illustrent les revendications du mouvement des gilets jaunes.

C’est le sens de la campagne volontariste impulsée par SUD-Rail, en lien avec les équipes militantes de Solidaires dans une dimension interprofessionnelle indispensable pour renverser le rapport de forces !