Santé et conditions de travail, de nouvelles attaques en perspective ?

L’été aura été riche en rapports sur la question de la santé et des conditions de travail et l’expérience nous montre qu’ils sont souvent les vecteurs de nouvelles attaques surtout lorsqu’ils ont été commandé par le pouvoir en place.

C’est dans ce cadre que la mission confiée en janvier 2018 à la députée Charlotte Lecocq est vaste. Elle porte sur les voies d’amélioration du système de prévention des risques professionnels autour de deux grands axes : définir les enjeux et les objectifs du système ainsi que les moyens de les évaluer et « trouver les leviers à actionner pour atteindre les résultats ». Alors qu’il devait être rendu public fin avril, son rapport ne l’aura été que fin août, et devrait servir de base de discussions à une nouvelle « négociation » sur la santé au travail de cet automne.

Après avoir supprimé les CHSCT, remis en cause la surveillance des salarié-es exposé-es à des produits dangereux et à leur traçabilité, retiré du compte pénibilité l’exposition aux produits chimiques on peut légitimement s’interroger sur ce qu’il faut attendre de l’annonce de cette « négociation », sinon de nouveaux reculs en perspective.

Sur le rapport Lecocq, nous avons fait part de nos premières réactions :

– La nécessité de mettre fin à la suppression des CHSCT véritables instruments concrets de prévention pour les conditions de travail, que ce soit dans le privé ou dans le public tel que c’est envisagé ;
– Si le rapport Lecocq pointe des sujets importants, il nous semble nécessaire d’intégrer à toute réflexion le rapport Frimat et le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les maladies professionnelles dans l’industrie ;
– Enfin, de mettre en œuvre un parcours, de la reconnaissance des accidents et maladies professionnelles, qui ne soit plus un parcours du combattant !

Pour Solidaires, en matière de conditions de travail, la prévention ne peut aller sans la coercition. Seules les sanctions font avancer réellement et concrètement les dossiers et contraignent les patrons à prendre en compte les problématiques, comme par exemple sur l’amiante ou les pesticides.

Le rapport Frimat lui dresse des pistes notamment d’un contrôle renforcé du risque chimique. Il est à l’opposé du rapport Lecocq en ne refusant pas la coercition. Il propose, par exemple, d’établir des amendes administratives pour les employeurs qui ne respecteraient pas leurs obligations vis-à-vis du risque chimique, et d’étendre l’arrêt temporaire d’activité par l’Inspection du travail à l’utilisation de certains produits chimiques en cas de manquement grave aux mesures essentielles de prévention.

Deux autres rapports

Les maladies professionnelles liées aux pesticides

En avril 2018, 4 ministres (santé, travail, agriculture, recherche) ont chargé l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), de produire une étude actualisée des liens entre pathologies et exposition professionnelle aux pesticides.

Cette décision fait suite à la publication en janvier 2018 du rapport de la mission interinspections qui au départ devait se prononcer sur la proposition de loi de créer un fonds d’indemnisation des victimes des pesticides. Ce rapport estime prioritaire d’améliorer le système d’indemnisation des victimes, dans le cadre du système accident du travail/maladie professionnelle du régime agricole. Le rapport propose de revoir le périmètre des maladies prises en charge pour le rendre cohérent avec les connaissances scientifiques internationales et leur évolution, le périmètre des victimes prises en charge ainsi que le périmètre des préjudices réparés.

Les maladies professionnelles dans l’industrie

La commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les pathologies professionnelles dans l’industrie a rendu son rapport en juillet 2018. Elle a fait 43 propositions parmi lesquelles on l’abaissement des valeurs limites d’exposition professionnelle au niveau européen pour renforcer la protection sanitaire des salarié-es, imposer pour chaque poste de travail exposé à des risques de maladies professionnelles l’élaboration d’une fiche de risques récapitulant l’ensemble des risques, développer des relations entre la médecine de ville et la santé au travail, doubler l’effectif de médecins du travail en 10 ans, abaisser à 10 % – pour une durée limitée – le taux minimal d’incapacité professionnelle nécessaire pour obtenir la reconnaissance d’une pathologie professionnelle…

Quel devenir pour ces rapports et leurs propositions ? Nous sommes très sceptiques quant à des évolutions positives susceptibles d’améliorer et de renforcer la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs-ses tant ce gouvernement, depuis qu’il est en place, n’a eu de cesse de déréglementer les relations sociales, supprimer les garanties et protections collectives.

C’est par la lutte que nous pourrons réellement améliorer la santé et les conditions de travail des travailleuses et travailleurs.