Salarié-es intoxiqué-es sur leur lieu de travail: de nouvelles avancées

La faute inexcusable de l’employeur reconnue

L’intoxication d’une salariée viticole suite à la pulvérisation de pesticides avait été reconnue comme accident du travail. Comme ses troubles de santé persistaient, la salariée avait contacté l’association Générations Futures pour savoir si elle pouvait entamer une procédure engageant la responsabilité de son employeur. La chambre sociale de la cour d’appel a reconnu la faute inexcusable de l’employeur : « les activité de taille et les traitements appliqués dans les vignes sont susceptibles de présenter des risques particuliers pour la santé de la salariée. La Cour considère donc que les conditions prévues à l’article L 4154-3 du code du travail sont remplies laissant présumer que l’employeur a commis une faute inexcusable. »

En conséquence sa rente accident du travail sera doublée.

Pour Nadine Lauverjat de Générations Futures « Mme S. est l’exemple même de tous ces salariés agricoles, qui de par leur profession, se retrouvent exposés à des produits toxiques ayant des conséquences, souvent dramatiques, sur leur vie. Nous ne pouvons que saluer son courage et espérer que d’autres décisions rendront justice à ces hommes et femmes victimes des pesticides. Nous avons ici une pensée pour les ex-salariés de Triskalia – entreprise bretonne d’agroalimentaire- intoxiqués aux pesticides et qui se battent aujourd’hui pour que soit reconnu leur statut de victimes et dont le jugement pour faute inexcusable de l’employeur est attendu pour le 5 juin

Le cancer d’un ancien verrier de Givors reconnu maladie professionnelle

Le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale (TASS) de Lyon a reconnu l’origine professionnelle du cancer du plancher buccal de ce salarié décédé en 2012, alors que les Comités Régionaux de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP) de Lyon et de Dijon avaient refusé tout lien de causalité entre la maladie et le travail.

Les juges ont considéré que « l’exposition simultanée et/ou successive de M. M, sur une durée de plus de trente années, à de multiples agents toxiques, dont trois sont des cancérogènes majeurs (amiante, HAP, solvants) entrés en synergie les uns avec les autres, a accru le risque de développement d’un cancer de la sphère ORL, et partant qu’elle a pu causer le “cancer du plancher de la bouche”, mais également le cancer du pharynx” diagnostiqués successivement et qui ont conduit à son décès ».

En outre s’appuyant sur le fait que le travail posté était classé cancérogène par le CIRC depuis 2008 et notamment les explications fournies par l’association Henri Pézerat les juges ont estimé « que de tels horaires de travail contribuent, notamment, à inhiber certains systèmes de défense de l’organisme par rapport au cancer et qu’en présence d’une exposition importante à de nombreux cancérogènes, il faut considérer que ce rythme de travail a accru pour M. M, le risque de développer un cancer ».

Cette bataille a été gagnée grâce à l’appui et au soutien de l’association des verriers de Givors et de l’association Henri Pézerat. Pour cette dernière la décision du TASS est d’autant plus importante que non seulement le cancer a été reconnu comme maladie professionnelle mais de surcroît il l’a été au titre de la poly exposition aux cancérogènes y compris le travail posté.

A noter également l’action engagée aux prud’hommes par 60 anciens verriers de Givors pour obtenir de leur ancien employeur des attestations d’exposition aux substances cancérigène, mutagènes et reprotoxiques (CMR). Préparées par le médecin du travail, l’employeur avait refusé de signer ces attestations!

L’exposition à des solvants reconnue maladie professionnelle pour un carrossier

Un carrossier-peintre exposé pendant 15 ans à des solvants avait développé « un syndrome parkinsonien » : il s’est vu reconnaître l’origine professionnelle de sa maladie par la caisse primaire d’assurance maladie. Il s’agit là d’une première pour ce type d’activités, la maladie de Parkinson étant classée -sous certaines conditions- maladie professionnelle pour le milieu agricole. Le tableau de cette maladie professionnelle mériterait donc être revu.

Ces décisions illustrent la ténacité dont doivent faire preuve les salariés et leurs familles pour obtenir une juste réparation des atteintes à leur santé provoquées par leur travail et l’utilité du travail des associations spécialisées dans les cancers professionnels pour assister et défendre les salariés.

Le préjudice d’anxiété accordé sans avoir à le prouver

– Plusieurs employeurs ont saisi la cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité au sujet de la reconnaissance par les juges d’un préjudice d’anxiété pour les travailleurs admis à la préretraite amiante.

Depuis un arrêt du 11 mai 2010 la cour de cassation a reconnu que des salariés qui avaient travaillé des années durant dans une atmosphère chargée d’amiante « se trouvaient, par le fait de l’employeur, dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie » et leur avaient donc accordé une indemnisation spécifique au titre d’un préjudice d’anxiété.

La démarche des employeurs était guidée par des préoccupations financières car cette jurisprudence commence à leur coûter cher et dans le même temps ils contestaient aux conseils des prud’hommes le fait d’accorder de telles réparations.

La cour de cassation a estimé au regard des textes qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer les questions posées au Conseil constitutionnel et confirmé que l’indemnisation du préjudice d’anxiété est, à bon droit, accordée par le conseil des prud’hommes, cette juridiction indemnisant les travailleurs d’une faute commise par l’employeur dans l’exécution de ses obligations contractuelles et au cas particulier à une obligation contractuelle de sécurité.

– Dans une autre affaire la cour de cassation vient de confirmer que le salarié qui a travaillé dans un établissement utilisant de l’amiante « se trouve, du fait de l’employeur, dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante, qu’il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers ; que l’indemnisation accordée au titre d’un préjudice d’anxiété répare l’ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d’existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante ».

L’indemnité n’est pas liée à la déclaration de la maladie, et en tout état de cause « elle ne prive pas le salarié du droit de demander à la juridiction prud’homale la réparation des conséquences du trouble psychologique, compris dans le préjudice d’anxiété, subi avant la déclaration de la maladie ».

Arrêt Cass. soc, 2 avril 2014, n° 691