Qualité de vie au travail : un accord pour pas grand chose

Annoncée à l’issue de la conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012, la négociation sur la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle engagée en septembre 2012 qui devait aboutir à la fin du 1er trimestre 2013 aura joué les prolongations du fait notamment des discussions sur la sécurisation de l’emploi (accord du 11 janvier 2013) mais surtout de l’opposition du patronat à vouloir parler de l’organisation du travail.

Tout d’abord il a fallu se mettre d’accord sur le périmètre de la discussion « c’est quoi la qualité de vie au travail » et ensuite sur les nouvelles obligations que cela entrainerait pour les employeurs. C’est principalement sur les deux points suivants que les discussions ont achoppé: la participation des syndicats à l’organisation du travail et le caractère obligatoire de la négociation sur la qualité de vie au travail. En définitive 3 syndicats (CFDT, CFE-CGC, CFTC) ont signé l’accord qui est présenté comme une étape supplémentaire après les accords nationaux interprofessionnels portant sur l’égalité professionnelle, le stress au travail et la prévention du harcèlement et de la violence au travail.
Le préambule présente la qualité de vie au travail comme devant se traduire par des actions « qui permettent de concilier à la fois des conditions de travail pour les salariés et la performance globale des entreprises, d’autant plus quand leurs organisations se transforment ».

En raison de ses dispositions expérimentales l’accord signé le 19 juin 2013 a une durée de 3 ans. Au terme de ce délai une évaluation en sera faite et les signataires se réuniront pour examiner les suites à donner à l’accord.
Les grandes lignes de l’accord
L’accord a pour objet de :
– favoriser l’égalité d’accès à la qualité de vie au travail et à l’égalité professionnelle pour tous les salariés ;
– augmenter la prise de conscience et la compréhension des enjeux de la qualité de vie au travail
– en faire un objet de dialogue social organisé et structurant ;
– fournir aux employeurs, aux salariés et à leurs représentants un cadre leur permettant d’identifier les aspects du travail sur lesquels agir pour améliorer la qualité de vie au travail des salariés et l’égalité professionnelle ;
– permettre, par une approche systémique, d’améliorer la qualité de vie au travail et les conditions dans lesquelles les salariés exercent leur travail et donc la performance économique des entreprises
L’article 1 tente de donner une définition de la qualité de vie au travail, le moins que l’on puisse en dire est que les formules utilisées sont plutôt alambiquées : c’est ainsi qu’il est question de « sentiment de bien être au travail », de « droit à l’erreur accordé à chacun », « de concilier les modalités de l’amélioration des conditions de travail et de vie pour les salariés et la performance collective de l’entreprise »
Nulle part n’est mentionnée la responsabilité des organisations du travail ni des méthodes de management dans la dégradation des conditions de travail, ni à fortiori la nécessité de s’y attaquer en priorité. Rien n’est dit non plus sur la responsabilité des employeurs et de leur obligation de sécurité de résultat.

Pour les signataires « la promotion de la qualité de vie au travail suppose :

  • un dialogue social de qualité qui aboutisse à de bonnes relations sociales et de travail ;
  • de veiller à écarter tout impact pathogène des modes d’aménagement du travail ;
  • de promouvoir un choix collectif qui implique les salariés et les dirigeants des entreprises, les partenaires sociaux, l’Etat et les collectivités territoriales à tous les niveaux ;
  • d’encourager toutes les initiatives qui contribuent au bien-être au travail et au développement des compétences et à l’évolution professionnelle ;
  • que le travail participe de l’épanouissement physique, psychique et intellectuel des individus ;
  • que chacun trouve sa place au travail et que le travail garde sa place parmi les autres activités humaines. »
    Il s’agit là d’un catalogue de bonnes intentions aucunement contraignantes pour l’employeur.

Le titre V du texte vise à améliorer la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle dans le cadre du dialogue social « pour contribuer à rendre l’entreprise plus compétitive »
L’article 12 vise à encourager et favoriser l’expression des salariés « sur leur travail, sur la qualité des biens et services qu’ils produisent, sur les conditions d’exercice du travail et sur l’efficacité du travail » sur la base d’expérimentations de groupes de travail entre salariés d’un côté et managers de l’autre, en présence de facilitateurs….
« Ces échanges doivent contribuer à créer des relations empreintes de plus de bienveillance et à développer un climat de confiance réciproque »
La déclinaison concrète de ce droit qui existe déjà dans le code du travail (article 2281-1 et suivants) semble en effrayer quelques uns, puisque les signataires se sont sentis obligés de préciser que ces modes d’expression « ne doivent pas faire obstacle aux attributions des institutions représentatives du personnel ni au pouvoir hiérarchique du management ».

Le texte rappelle que l’organisation du travail est de la seule responsabilité de l’employeur mais que toutefois la possibilité donnée aux salariés de s’exprimer sur leur travail « est un des éléments favorisant leur perception de la qualité de vie au travail et du sens donné au travail » !
L’article 18 lui rappelle le rôle des institutions représentatives du personnel (IRP) en cas de mise en place d’une négociation sur la qualité de vie au travail et l’importance du CHSCT. A cet égard il est prévu des expérimentations (dérogatoires au droit commun) pour tenir compte de certaines situations : sites avec multiplicité d’entreprises, multiplicité des établissements d’une même entreprise …et nécessitant de réfléchir à des formules adaptées.

Au final :
Cet accord n’apporte pas de droits supplémentaires ni aux salariés ni aux CHSCT. Il n’est pas contraignant vis-à-vis des employeurs.
Avec cet accord on est passé en quelques années, des risques psychosociaux ou de la souffrance au travail qui ont fait l’objet de très nombreux rapports, à la qualité de vie au travail en passant parfois par le bien être au travail. N’est-ce pas là le moyen pour les entreprises et les employeurs de se donner bonne conscience en affichant des préoccupations de ce genre, de remettre au goût du jour le paternalisme d’autrefois sans s’attaquer aux véritables causes de la dégradation des conditions de travail. C’est encore une fois prendre le risque de ne pas aborder les problèmes bien réels liés aux transformations des organisations du travail, aux multiples et incessantes réorganisations qui provoquent une intensification du travail et des pressions que les salariés supportent de plus en plus mal.
Ce n’est pas de bonnes intentions ou d’affichage dont ont besoin les travailleurs, mais d’une véritable remise en question des organisations du travail, des méthodes de management, des relations de travail dans les entreprises et les services où ils auraient leur mot à dire.
Enfin, cet accord servira d’appui à la Fonction publique qui souhaite engager la même démarche dans ses trois versants après l’accord sur la prévention des RPS.

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