Open space : amélioration des conditions de travail ?

Open space, bureau paysager, marguerite, tous les noms sont possibles. Moins prosaïquement, il s’agit d’un «vaste local de bureau, plateau orné de plantes où l’espace est subdivisé par divers éléments mobiles, cloisons, meubles, qui matérialisent les séparations entre les postes de travail» ! Parfois les salariés les plébiscitent, bien plus souvent, ils les rejettent tout en s’en accommodant. Voici quelques éléments de réflexion afin de vous permettre d’en débattre (par exemple lors de la démarche d’évaluation des risques professionnels) et d’exiger de modifier l’aménagement des postes de travail dans le sens d’une véritable amélioration des conditions de travail !

1 – Avantages pour l’employeur

– Optimisation des surfaces de travail dans le cadre d’un programme de réduction des coûts immobiliers.
– Contrôle permanent des agents par la hiérarchie.
– « Amélioration » de la coopération entre agents.
– Redistribution du travail facilitée en cas d’absence.

2 – Inconvénients pour les salariés

Risques PsychoSociaux (RPS)
– Difficultés à se concentrer
– Encadrement renforcé et omniprésent
– Regard des autres
– Absence d’intimité
– Difficulté de prendre des pauses devant ses collègues et sa hiérarchie directe
– Polyvalence encouragée
– Augmentation de la charge de travail et la charge mentale
– Accroîssement de la pénibilité du travail

Ambiance thermique
– Température de l’air qui ne convient pas à l’ensemble du groupe
– Zones chaudes et froides
– Courants d’air non contrôlables
– Odeurs car air parfois mal renouvelé
– Chauffage mal réglé selon les postes
– Vitesse d’air et écart de températures
– Hygrométrie difficile à réguler (par exemple,risque de conjonctivite, trachéite)
– Baies vitrées : froid et chaud selon poste de travail dans la salle

Aménagement des postes de travail
– Pas de respect de la réglementation sur les écrans
– Prises électriques mal installées et inadaptées
– Pas ou peu de place pour ranger ses documents
– Gêne de concentration dans les postes près des circulations de passage

Ambiance lumineuse
– Baies vitrées éloignées : postes éloignés des fenêtres et donc travail dans la pénombre ou au contraire en pleine lumière pour ceux qui sont immédiatement à côté
– Postes trop ou pas assez éclairé
– Eclairage naturel insuffisant voire absent
– Eclairage collectif et non réglable par poste, en continu
– Stores empêchent les postes éloignés de voir : «noir» au milieu du plateau

Bruits
– Des appareils, des imprimantes, des téléphones, de la climatisation…
– Amplification du bruit (réverbération des matériaux)
– Perturbations des communications orales
– Conséquences : énervement et fatigue supplémentaires

3 – Conséquences sur le travail

Une installation de ce type va influer particulièrement sur plusieurs aspects des conditions de travail :
– les conditions de réalisation du travail ;
– les relations sociales au sein de groupe ;
– les relations à la hiérarchie ;
– les modes de coopération et de solidarité internes.

Selon une enquête, l’espace de travail est le second critère qui contribue à la qualité de vie au travail (Actineo). Il ne faut donc pas négliger l’impact d’un tel choix imposé par les directeurs (qui eux ne sont jamais dans ce type de conditions de travail).
L’aménagement du poste de travail doit répondre aux exigences des agents et du travail, dans le respect des obligations de l’employeur en matière de prévention des risques professionnels.

4 – Que prévoit la loi ?

Le Code du travail

Dans le domaine de l’aménagement des lieux de travail, le code du travail présente les grands principes mais le dimensionnement des locaux de travail ne fait pas l’objet de textes réglementaires.
Article R 4214-22 du Code du travail : « Les dimensions des locaux de travail, notamment leur hauteur et leur surface, sont telles qu’elles permettent aux travailleurs d’exécuter leur tâche sans risque pour leur santé, leur sécurité ou leur bien-être. L’espace libre au poste de travail, compte tenu du mobilier, est prévu pour que les travailleurs disposent d’une liberté de mouvement suffisante. Lorsque, pour des raisons propres au poste de travail, ces dispositions ne peuvent être respectées, il est prévu un espace libre suffisant à proximité de ce poste. »

Les normes et recommandations

Quant à elle, la norme AFNOR 35-102 définit les critères nécessaires pour la qualité des conditions de travail pour la préservation de la santé, physique et mentale, et la sécurité des salariés. Elle n’interdit donc pas les bureaux paysagers mais fait des préconisations en matière de surface par salarié, en fonction du type d’activité (téléphone, relations avec les clients/usagers…), de nombre idéal (2 à 5) et maximum (10) à ne pas dépasser, de longueurs/largeurs à ne pas dépasser, de distance maximale d’installation des bureaux avec les fenêtres (6 m) afin de préserver l’apport d’éclairage naturel.
Elle fait également le lien entre les dimensions des espaces de travail et la santé et la sécurité des utilisateurs : « Les dimensions des espaces de travail en bureaux influencent le déroulement des activités et l’environnement physique de travail. Elles conditionnent donc la santé, la sécurité et l’efficience des opérateurs. »

Obligations générales de l’employeur

En revanche, le code du travail fixe des obligations à l’employeur en matière de prévention des risques professionnels. Si lors de la conception des espaces de travail le chef de service fait le choix de ne pas intégrer les normes et recommandations qui sont établies pour permettre le respect de la santé et le bien-être des salariés, comment s’assure t’il du respect des conditions de travail et préserve t’il ainsi la santé des salariés placés sous son autorité ? La réponse se trouve dans l’article L 4121-2 et -3 qui précise notamment qu’il faut «éviter les risques», «adapter le travail à l’homme» et «évaluer le risque pour la sécurité et la santé des travailleurs… dans l’aménagement ou le réaménagement des lieux de travail » !

5 – Quelles pistes pour agir ?

L’aménagement des postes de travail doit s’inscrire dans une approche pluri-disciplinaire : les salariés, c’est-à-dire ceux qui connaissent le travail, les médecins, les architectes, le CHSCT…, doivent impérativement être associés le plus en amont possible à la démarche.

Vous devez donc interpeler et solliciter le CHSCT si vous pensez que votre service n’est pas correctement installé ou qu’il ne correspond pas aux besoins du travail.

A la lecture de ces quelques réflexions, beaucoup d’entre vous vont certainement se dire qu’il y aurait beaucoup à faire pour améliorer la situation des nombreux services qui travaillent en plateau à la DRFiP : quelles sont les dispositions et garanties concrètes prévues par la Direction pour remplacer les normes et articles du code du travail qui ne sont pas respectés ? Quelle évaluation des risques a-t-elle été faite, puisque la Direction ne respecte pas ces normes et réglementations préservant la santé ? Ces aménagements ne dégradent-ils pas les conditions de travail des salariés et préservent-ils leur santé physique et mentale ?…

Solidaires vous invite à contacter ses militants, élus DP, CHSCT, quelle que soit la nature de vos difficultés ou problèmes en la matière. Une installation en open space constitue un élément supplémentaire favorisant encore un peu plus les RPS (risques psycho sociaux) qui doit donc être remplacé par un espace de travail s’adaptant aux salariés pour leur permettre de travailler dans des conditions où leur santé est réellement prise en compte.

Conseil de lecture
« L’open space m’a tuer » par Alexandre des Isnards et Thomas Zuber.
Extrait : « Accessible (tutoiement), ouvert (open space), le nouveau management joue sur un registre plus intime, plus participatif. De l’extérieur, ça donne envie. De l’intérieur, on se rend compte que rien n’a changé : sur fond d’imposture, d’attaques personnelles, de « toxicité émotionnelle » (comme disent les « behaviouristes » américains), et de dictature du bonheur, Les rapports sont violents et les hiérarchies bien présentes. »