Mutualisation à marche forcée, ça se passe comme ça à Prisma

Presse magazine, une journaliste tente de mettre fin à ses jours sur son lieu de travail

Le jeudi 27 septembre, à Prisma Média, une journaliste confirmée travaillant depuis de nombreuses années pour le magazine Prima, a voulu mettre fin à ses jours en enjambant la balustrade d’une terrasse du 4ème étage de l’immeuble de Gennevilliers. Heureusement, deux témoins de la scène, postés ans un bureau donnant sur cette terrasse, sont rapidement intervenus, ceinturant leur camarade par derrière pour la faire descendre du parapet qu’elle avait enjambé.

Comment en est-on arrivé là ?

Cet acte désespéré est malheureusement la conséquence de la politique jusqu’au-boutiste de la direction. Fin 2010, Prisma décide de mutualiser les rédactions Femme Actuelle et Prima. Le projet est présenté au CE, qui en pointe immédiatement les dangers en termes de conditions de travail et de stress. Le CHSCT demande une expertise. Et le Cedaet remet son rapport en janvier 2011. On peut y lire, notamment dans les préconisations : « Réviser l’évaluation faite de la charge de travail. Nous attirons l’attention sur les risques induits par l’adoption d’indicateurs de charge simplificateurs de cette notion car c’est bien par la variabilité du travail que s’appréhende aussi sa charge. La charge de travail se définit à travers une double dimension : ce qui est à faire ; ce qui n’est pas fait. (…) La dimension du travail « masqué » (le travail invisible) doit également être prise en compte. »

Et l’expert-comptable du CE, de compléter, dans son expertise économique sur la polyvalence et la productivité : « En données brutes, les coûts internes de rédaction diminueraient de 6,3% en valeur. En évaluant à 8000 € l’an un ordre du grandeur du « surcout » maximal par salarié des primes de polyvalence totale (170€ + 8%), et à 35 la totalité des CDI dits concernés par les évolutions, on obtient un montant d’environ 280K€. Prenant 250K€ par prudence, il ressort alors que le budget des rédactions, hors ces primes, diminuerait de 5%. Compte tenu de la production supplémentaire de hors séries, la productivité apparente augmenterait de l’ordre de 10%. Soit un équivalent de 20 jours de travail en plus par salarié en moyenne, ou de 110 pages par an et par journaliste (y compris photo hors web) au lieu de 100 des magazines principaux Prima et Femme Actuelle. »

Mais Prisma Media ne voit qu’une chose : la rentabilité. Et de jeter le rapport aux oubliettes, de passer outre l’avis négatif du CE et du CHSCT, de menacer – encore lors du CE du 26 octobre – les 30 salariés du magazine Prima de fermer le titre pour non-rentabilité. Les IRP demandent au moins la mise en place d’une commission de suivi. Refusé ! Les journalistes des deux rédactions, mis à part les SR et les maquettistes, sont priés de travailler à la fois pour le Print et pour le Web (femmeactuelle.fr et prima.fr) ; des primes de polyvalence sont distribuées. Les IRP rappellent à la direction son obligation de faire signer un avenant aux salariés

embauchés avant 2009 (loi Hadopi), qui voudraient travailler sur le Web. Quatre chef de service signent un tel avenant… dont la salariée qui a tenté de se suicider (pour info : les trois autres signataires de l’avenant étaient en arrêt maladie pour dépression en ce même mois de septembre)…

Une direction dans le déni

C’est le CHSCT qui a prévenu l’Inspection du Travail le surlendemain… Prisma voulait attendre 15 jours, et demandait au pôle féminin de ne pas ébruiter la chose… L’inspectrice du travail, venue rapidement sur place pour mener son enquête, recevait les confidences de salariées en larmes…

Aujourd’hui, la direction veut aller vite et notamment signer un accord RPS. Elle a pris l’initiative d’enclencher des formations au stress pour le management, d’une demi-journée. Elle a également scellé au sol chaises et tables des terrasses… Oui, Prisma préfère manier le tourne-vis plutôt que de suivre les recommandations du CHSCT, et de reconnaître qu’il y a surcharge de travail pour les salariés du pôle féminin. Le CHSCT a donc mandaté le cabinet Secafi pour effectuer une nouvelle expertise des risques psycho-sociaux sur ce pôle. Enfin, une enquête conjointe Direction/Elus est diligentée pour mettre en évidence ce qui n’a pas fonctionné… Et l’inspectrice du travail remettra les conclusions de son enquête le 18 novembre prochain à Rolf Heinz, p-dg du groupe.

Ce dossier aura donc des suites. Mais on peut d’ores et déjà affirmer que vouloir mutualiser de la sorte des rédactions, à la recherche exclusive du profit immédiat, est dangereux et contre-productif. Enfin, le SNJ souhaite dire à notre consœur journaliste, victime d’un employeur irresponsable, qu’il l’assure de tout son soutien amical et confraternel, et qu’il est prêt à se mettre à ses côtés, si elle souhaitait donner une suite judiciaire à ce dramatique événement.